L'AFFAIRE DES POUBELLES

Au début de l’année 1972, le village de La Chaussée-Tirancourt va être en émoi quelques semaines.

On apprend que le conseil municipal le 11 février, a voté la décision de transformer les 80 hectares du marais communal en décharge des ordures ménagères de la ville d’Amiens.
Un comité de défense se crée autour du commissaire Robert DURANT ; on y trouve : Claude DELOBEL, Marcel FÉROUL et André SEHET.
Le comité grossit rapidement : Bruno LEBEL, Grand Prix de Rome de sculpture, Maurice DUQUEF, entomologiste, Christian GRICOURT, représentant l’association des chasseurs de gibier d’eau, etc…
Tous vont travailler d’une même voix afin de sauver le marais.
Maurice DUQUEF, nous apprend que notre marais recèle des plantes rares ainsi qu’un papillon nocturne, le « perizoma sagitata », dont on n’a retrouvé trace nulle part ailleurs. Le comité scientifique de la faculté d’Amiens est avec nous ; des professeurs nous rejoignent (Jacques MORTIER, Pierre DRON…)
Dans le village, un tract d’explications est distribué ainsi qu’une pétition.
On laisse aux habitants quelques jours pour réfléchir s’ils doivent signer ou pas cette pétition ?

Plusieurs d’entre nous vont visiter la décharge modèle en région parisienne, vantée aux conseillers. Le témoignage des habitants de la ville en question est effarant : bruit des camions, rats en grand nombre, présence de marginaux la nuit, odeurs…
Le constat est net. La population de La Chaussée en est avertie avec photos à l’appui. La pétition reçoit un succès fou : 85 % de la population est opposée au projet de « décharge contrôlée ».

Le « Courrier-Picard » s’empare de l’affaire. Le reporter est Robert J. GLAUDEL.
La « Voix du Nord » parle de notre souci.
France 3 Picardie couvre l’événement ainsi qu’Europe 1, dans son émission « Bonjour Monsieur le Maire » animée par Pierre BONTE.
De tous côtés des soutiens arrivent, dont celui du célèbre peintre Bernard LORJOU qui offre une toile. J’irai la chercher à Montmartre avec Bruno. Quelle aventure !

Finalement devant le tollé général, la ville d’Amiens retire son projet et prévoit de créer VALORGA, une usine d’incinération sur la Zone Industrielle.

Tout est bien qui finit bien.

Robert DURANT, président du comité de défense
Photo Sylviane DURANT

L'AFFAIRE DES POUBELLES : tract distribué à la population

Ci-dessous : fac-similé du premier tract distribué à la population

PLUS DE 90 HECTARES DE MARAIS COMMUNAL VONT ÊTRE
RECOUVERTS PAR LES ORDURES DE LA VILLE D’AMIENS
CE QUE NOUS AVONS EU LA SURPRISE D’APPRENDRE :

1 – que le 11 février 1972, le conseil municipal a donné son accord sur le projet de transfert de la décharge municipale d’Amiens dans notre marais communal.
Cette décharge serait du type « décharge contrôlée » : sans fumée, sans odeur, sans rats et sans envol de papier,
2 – que la pollution de l’air et de l’eau serait nulle,
3 – que la commune s’enrichirait de quelques millions par an,
4 – que la mise en place de cette décharge s’effectuerait pendant une durée de 10 années avec possibilité de reconduction,
5 – que dans dix ans, le terrain ainsi comblé servirait de culture.

HABITANTS DE LA CHAUSSÉE TIRANCOURT

Vous ne pouvez accepter, même sous certaines garanties qui vous sont promises, (mais seront-elles tenues?) que notre commune admirée et enviée tant par la population amiénoise que par les étrangers, devienne « le dépotoir d’Amiens ».
En effet, on peut valablement prévoir :
1 – La pollution probable de l’eau des marais, des étangs et des poissons.
PECHEURS et CHASSEURS où irez-vous ?

2 – à l’heure où l’on parle de la protection de la nature, de la protection de notre santé à tous, que va-t-il advenir de ce site ? Et qui empêchera vos enfants de toucher à l’eau des étangs et de s’y baigner ?

3 – qui pourra nous garantir avec certitude que notre eau communale ne sera pas polluée sous ce délai de dix ans ? (distance du château d’eau inférieure à 500 m),

4 – on vous dira qu’il n’y aura pas de risque de pollution de l’eau du puits comme on avait donné des garanties aux gens de Fréjus (sous le barrage de Malpasset) ou à ceux du plateau d’Assy (souvenez-vous de ces jeunes…),

5 – accepterez-vous, comme on dit de Paris qu’elle est la VILLE-LUMIERE, que l’on dise de LA CHAUSSÉE-TIRANCOURT qu’il sera le VILLAGE-POUBELLES ?

6 – accepterez-vous de voir vos biens dévaluer à cause de la proximité d’une telle décharge ? En effet, qui voudra racheter vos maisons, vos jardins, même à bas prix ?

7 – un comble : cette décharge, dite contrôlée, est officiellement interdite dans un rayon autour du Camp César où elle ne gênerait personne, mais elle pourrait être, autorisée,
SI VOUS NE RÉAGISSEZ PAS, à proximité immédiate des habitations. Qui a le plus besoin de vivre : le Camp César ou vous ?

8 – le va-et-vient incessant d’une quarantaine de camions-bennes par jour, avec tout ce que cela comporte de risques (danger d’accidents pour les enfants, détritus sur la chaussée, poussière, tranquillité perdue, etc…),

9 – malgré toutes les interdictions officielles, on sait, qu’ailleurs, qu’une décharge publique attire automatiquement la présence de gens qui ne vivent que du commerce de ces ordures.
Des habitants, anciens et nouveaux, effrayés, à juste titre, par cette nouvelle, ont décidé en toute conscience de former un comité de défense de la population et de sauvegarde de la nature et de l’environnement. Ils s’engagent solennellement à ne lutter que sur ce seul problème et ce, en dehors de tout caractère politique, confessionnel ou religieux.

PLUS NOUS SERONS NOMBREUX,
PLUS VOTRE COMITÉ AURA DE PUISSANCE

Aussi, nous vous demandons de remettre votre accord aux membres du comité et leurs amis qui passeront le recueillir.

Composition du comité provisoire :

M. DURANT Robert, Officier de Police Principal, PRÉSIDENT
M. FEROUL Marcel, VICE-PRESIDENT
Melle TÊTARD Micheline, employée de bureau, SECRÉTAIRE
Mme KIENZEL-LOPES Madeleine, MEMBRE
M. DELOBEL Claude, Relations professionnelles E.D.F. , MEMBRE
M. SEHET André, Instituteur, MEMBRE

Ce comité n‘est pas limitatif ; il est ouvert à toutes les bonnes volontés.
Un comité définitif, officialisé par élection, lui succédera.


Les autres pièces du dossier seront à consulter aux archives de la CCNS.