1915

Un monde souterrain se crée avec ses fortifications, ses hôpitaux, ses cantines, ses tranchées. Pendant près de 40 mois, des hommes vont vivre, ou plutôt SURVIVRE, terrés dans le froid, la boue, la vermine et sous le feu des canons.

Le « poilu » s’occupe

Pour s’occuper, les soldats font parfois des sculptures avec des obus, des petits objets, comme des bagues, des briquets…. Très souvent le poilu écrit à sa famille ou à ses amis. Voilà ce qu’écrivait, en janvier, le jeune Léon WALLON à ses cousines, Jeanne et Victoria MOYE de la Rue du Marais :

« Je vous souhaite une bonne année et une parfaite santé. Espérons que la guerre sera bientôt finie car je m’ennuie du pays. En attendant de vous revoir. Votre petit cousin qui vous embrasse bien fort. » Léon

Il a alors 19 ans ! Malheureusement, il ne revit jamais son village.
Cette carte eu la chance d’arriver à destination. En effet de nombreuses lettres étaient ouvertes et censurées: il ne fallait pas démoraliser!
Le 5 août 1915, Léon écrit de Verdun à sa sœur :

« Chère petite sœur,
Je t’envoie une bague en aluminium. C’est la première que je fais. Lorsque j’en retrouverai, j’en ferai d’autres. C’est dur à faire. Tu m’écris si tu l’as reçue. Je suis toujours à la même place, mais je pars demain à 3 heures du matin pour une destination inconnue. J’espère que tout le monde est en bonne santé à la maison, moi, de mon côté, j’ai un rhume mais ça ne fait rien, ça va bien. Il fait froid où je suis, ce n’est plus le même temps qu’à Amiens. Il faisait si chaud et surtout qu’on avait un bon lit: on couche par terre sur 3 bottes de paille, ça fait les reins!
Je t’embrasse bien fort ainsi que toute la famille, ton frère qui t’aime : Léon.
Bonjour à Melle COMONT (l’institutrice), Raymond, Malvina, Citée, Gaëtan, Génie (Eugénie BONDOIS) et puis tout le monde. »
Léon WALLON envoya la carte ci-contre à sa famille pendant la guerre.

Malgré des conditions de vie déplorables, il ne se plaint pas !

L’année 1915 est relativement calme dans la Somme, néanmoins 6 jeunes périrent au cours des combats, dans la Marne, dans la Meuse et dans l’Aisne :

- TRENCART Alexis est tué le 15 Mai, à 23 ans, à Mesnil-le-Hurlu, dans la Marne, village complètement détruit pendant la guerre.

- BLONDEL Léonce est tué au bois Bolante, en Argonne, le 13 juillet; il a 21 ans.

- ALEXANDRE Raymond a 22 ans quand il perd la vie à VAUQUOIS, petit village de 85 habitants situé près de Varennes-en-Argonne, dans la Meuse. Nous sommes le 28 septembre.

- MATHON Marceau meurt le 29 septembre à Ste Marie à Py, dans la Marne, il a 23 ans !

- WITASSE Robert est tué à Virly, dans l’Aisne, le 10 novembre, il a 25 ans, et il est adjudant chef au 251° R.I.

- MERVILLE Thémistocle : il trouva la mort le 10 octobre aux Maigneux, commune de Valmy, dans la Meuse. Il était sergent et avait 22 ans.

Le commandement de la Somme relève du général Pétain.
Peu à peu, les troupes du Commonwealth arrivent prêter la main aux troupes françaises et anglaises.
Amiens vit à l’heure anglo-saxone.
Comme nous l’avons vu précédemment, l’ennemi était près de chez nous mais heureusement, notre village n’a pas été envahi, et a servi de base arrière aux armées britanniques et à leurs alliés du Commonweath.
Parmi la population de La Chaussée se mêle une foule cosmopolite comprenant des soldats venant du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle Zélande, d'Irlande, du Pays de Galles, d’Ecosse ou d’Angleterre.

La Chaussée-Tirancourt vit à l’heure anglaise

Les jeunes enfants du village collectionnent des médailles.

Insignes et médailles des régiments du Commonwealth stationnés à La Chaussée-Tirancourt pendant la première guerre mondiale.

Texte écrit en majuscules

AUSTRALIA
NEW ZEALAND
ROYAL IRISH
CHESHIRE
1erst LONDON WELSH
DURHAM
ESSEX
MIDDLESSEX
REDCROSS
CORNWALL
GORDON
WRIDING
T 8 ESSEX
R F CITY OF LONDON

Initiales

A S C
R F A
R W F
N Z R
M G C

Médailles

ARGYL AND SUTHERLAND (Régiment écossais)
AUSTRALIAN COMMONWEALTH MILITARY FORCES CANADA
80 OVERSEAS BATTALION CANADA
THE ROYAL SCOTS
ROYAL WELSH FUSILIERS
MIDDLESSEX REGI - ALBUHERA - IGH DIE
ROYAL INGINEERS « Honi soit qui mal y pense »
A S C « Honi soit qui mal y pense »
South Africa 1900 02 16 County of London Queens Wesminster

L’armée anglaise est une armée de jeunes volontaires issus des 4 coins du Royaume Uni.
Les régiments prennent le nom de la région ou de la ville d’où sont originaires ces valeureux soldats; c’est ainsi que dans notre village, la population a vu passer des soldats venant du Cheshire (sud de Liverpool), du Middle Essex, de l'Essex, de Cornouailles, de Londres ou de Durham…
Pour le moral des troupes, c’était un avantage à laisser les soldats entre gars du même village ou de la même région, par contre cela s’averrait dramatique quand un régiment était décimé lors d’une attaque particulièrement meurtrière.

Dans le village, il y plusieurs campements
dont un, à la sortie vers Belloy et un autre près de la Croix de pierre. Après la guerre, en 1919, la commune touchera des dommages pour refaire des chemins abîmés par les véhicules de l’armée, et réparer le matériel à incendie, et en 1920 pour rétablir les clôtures du marais.
Pour nourrir les troupes, des cantines sont installées; il y en avait une Rue de l’Abreuvoir et une autre à côté de la Mairie. Les cuisiniers étaient généreux avec la population, distribuant des rations de thé, de chocolat ou de la viande. On dit même que parfois des élèves étaient heureux de rester au pain sec dans le couloir de l’école car le cuisinier anglais donnait de la viande en passant…

Les bouchers en action (1916)

Un bon climat régnait entre les civils et les militaires qui se rencontraient parfois pour une partie de football. Les jeunes du village faisaient les « courses » pour les soldats moyennant quelques friandises.

Au cours d’un exercice, un soldat anglais est tué dans notre village; son corps sera inhumé dans le vieux cimetière, près de deux autres militaires, dont un noyé accidentellement, le Pionneer H.M. Marsh.
Ils y resteront jusqu’en 1962, date à laquelle leurs dépouilles seront inhumées à Wimille, dans le Pas-de-Calais.
Sur les tombes des soldats, il y avait les inscriptions suivantes :

    1. G 144 LANCE C.P.L. R TOMS
      INNISKILLING DRAGOONS
      12 th August 1915
    2. S / 8949 PRIVATE
      A. COOPER
      GORDON HIGHLANDERS
      1st February 1916
    3. 48638 PIONEER
      H M MARSH
      Royal Engineers
      3rd August 1916

Le soldat A.COOPEER a été tué en action, le 1er février 1916 alors qu’il servait le 2ème Bataillon «Gordon Highlanders», régiment écossais dont le musée se trouve à Aberdeen.
A cette époque, le bataillon était basé à La Chaussée-Tirancourt en dehors du front, occupé à étudier comment renforcer les troupes après les lourdes pertes subies durant les derniers mois de 1915.
Le bataillon avait combattu à Loos en septembre octobre 1915 puis il était retourné aux tranchées jusqu’au 30 novembre.
Le 1er décembre départ pour Lesquochaux, l’Eclème puis Lillers pour gagner par le train La Chaussée où ils séjournèrent jusqu’au 4 janvier 1916. Ils stationnèrent ensuite presque un mois à Yaucourt-Bussus, puis La Chaussée du 28 janvier au 1er février date à laquelle mourut le soldat COOPER.
Ensuite : Poulainville, Pont-Noyelles, Méaulte et les tranchées le 11 février.

Gérard MILLER, soldat anglais de Birningham, continua à correspondre avec des habitants de La Chaussée-Tirancourt, après la guerre.

En décembre, JOFFRE décide de faire « l’offensive de la Somme ».
Picquigny se souviendra longtemps de la venue du Général JOFFRE. Sur une photo, on voit le général passant en revue les Spahis Marocains.

Le général JOFFRE dans Picquigny

 

Les dépenses de guerre croissent, ce qui pose d’énormes problèmes de budget. Pour combler le déficit, l’état a recours au patriotisme.