1917

La Somme retrouve un calme relatif, les combats se déplaçant dans l’Aisne en avril-mai au «Chemin des Dames» et en Flandres.

Les Mutineries de Craonne

Fin 1916, après les échecs en Champagne et sur la Somme c’est un véritable marasme national. Le moral des troupes est au plus bas. Les parlementaires s’inquiètent.

Le député Paul BRIZON propose le refus de vote du budget de la guerre lors de la session de juin 1916. Des pacifistes de toutes les nations se réunissent en Suisse et déclarent : « Ni vainqueurs, ni vaincus, tous vaincus ». Ils publient un manifeste :  « Aux peuples qu’on ruine, qu’on tue ». Il faut négocier !

Brizon reçoit de nombreuses lettres (anonymes, à cause de la peur des contrôles) où ressortent souvent ces phrases : « Pour qui se bat-on ? Pour quoi se bat-on ? A qui profite la guerre ? ». Les soldats veulent la Paix.

A Paris, l’hiver est rude, on manque de pain, de charbon. Pour la première fois, les femmes se mettent en grève contre la vie chère. Le 22 juin 1917, Yvonne SEHET reçoit une lettre d’un jeune cousin :

« Quimper, le 22 juin

Ma chère Yvonne,
Je suis bien content d’être revenu des grèves qu’il y avait à Nantes. Pour garder l’usine à munitions, il ne fallait pas avoir peur. On était 20 hommes pour garder la porte de l’usine, les Bretonnes nous jetaient des bouteilles, de l’eau chaude, des pavés. Les Bretons nous tiraient des coups de fusil; mais tu sais qu’est-ce qu’ils ont pris pour le rhume aussi, nous les repoussions avec «Rosalie».
Je vous embrasse bien fort. Raymond »

Lloyd Georges et Aristide Briand veulent la fin de la guerre.
Une grande offensive est à l’étude afin de créer une brèche dans la défense allemande. Nivelle, nouveau commandant en chef, promet une victoire foudroyante, par surprise, en 48 heures ! Après bien des hésitations, les politiques finissent par couvrir l’offensive. Des moyens considérables sont mis en œuvre: 1 200 000 hommes sont prêts, mais c’est un secret de Polichinelle: les Allemands sont au courant et lancent des tracts: «nous vous attendons…» Des soldats meurent de froid. L’offensive est reportée, ce n’est pas bon, un trouble s’installe.

Le 15 avril, l’ordre d’attaque est donné pour le lendemain à l’aube. Cet ordre est accompagné d’une note du lieutenant: «tout homme ou gradé qui se laissera dépasser par l’escouade de surveillance sera fusillé sur place…» C’était la première fois qu’une telle note était publiée avant une attaque !

Le 16 avril, il neige. Le brouillard est épais , c’est un temps atroce. Avec 30 kg sur le dos, les soldats ont du mal à passer les barbelés qui sont restés intacts malgré le pilonnage de l’artillerie. C’est un véritable carnage ! Les poilus tombent par milliers sous les balles des mitrailleuses allemandes. Des régiments disparaissent. « Avancez ! avancez ! » crie–t’-on derrière… Le terrain est jonché de cadavres.

Le 17, Nivelle lance : « La victoire est pour demain ». On compte 300 000 tués ou disparus. L’offensive s’avère inutile et absurde.

Une chanson est créée par Paul Vaillant Couturier :

La chanson de Craonne

Adieu la vie
Adieu l’amour
Adieu à toutes les femmes
C’est bien fini !
C’est pour toujours
De cette guerre infâme
C’est à Craonne
Sur le plateau qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés
Ceux qu’ont le pognon
Ceux là reviendront
Car c’est pour eux qu’on crève
Mais c’est fini
Car les troufions vont tous se mettre en grève
Ce sera votre tour messieurs les gros
De monter sur le plateau
Car si vous voulez la guerre
Payez-la de votre peau.

Cette chanson fut longtemps interdite : elle est le symbole du massacre et des mutineries du

Chemin des Dames de 1917.


C’est l’abattement parmi les combattants dont certains refusent de monter au front.

Début mai : 40 000 hommes se mutinent ! Le 15 mai l’offensive est arrêtée. Nivelle est limogé. Le général Pétain est appelé à lui succéder. Les mutins veulent bien garder les positions mais ils ne veulent plus attaquer ! Ils demandent des permissions plus fréquentes et surtout de ne plus être considérés comme des chiens !

Pétain sait qu’il faut aller vite afin que l’adversaire ne profite pas des troubles. Les tribunaux prononcent 3427 condamnations dont 554 à mort. Des généraux protestent contre l’indulgence des conseils de guerre. Pétain a sa méthode :
- Il rend visite aux soldats, écoute leurs revendications, se rend compte des conditions de vie au front, réorganise les permissions et distribue des médailles.
- Il éloigne les unités rebelles.

En septembre 1917, les mutineries sont apaisées. La confiance est rétablie. On peut poursuivre la guerre dans des conditions plus acceptables.

Les femmes travaillent dans les usines

A Amiens, comme dans notre village, les réfugiés affluent. Les femmes travaillent dans les usines à la place des hommes partis au front.
Dès 1914, le Président du Conseil, René VIVIANI, s’était adressé aux femmes de France au moyen d’affiches apposées dans les mairies où il disait notamment:
«Debout, femmes françaises, jeunes enfants, filles et fils de la Patrie. Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur les champs de bataille, préparez vous à leur montrer demain la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés.»

Des travailleurs chinois arrivent en France pour aider les Britanniques, il y a plusieurs camps : à Noyelles, à Flixecourt par exemple.
Les anciens se souviennent que ces soldats annamites étaient traités comme des esclaves! Certains lieux leur étaient interdits, ils étaient parfois brutalisés par les anglais qui se comportaient très mal avec eux. Ils étaient peu nourris et venaient mendier du pain ou du lait chez les cultivateurs de La Chaussée-Tirancourt parmi lesquels on peut citer Narcisse SEHET, qui habitait près de l’église, où se trouve actuellement «la ferme picarde».
Il faut retenir que 1917 verra l’entrée en guerre des Américains le 2 Avril et la Révolution Russe en octobre.

Le 21 juillet 1917, le Conseil Municipal de La Chaussée-Tirancourt décide sur la proposition de Mr le Maire qu’il sera envoyé, à chaque militaire actuellement présent sous les drapeaux, un mandat carte de 5 francs. 50 soldats bénéficieront de ce cadeau ! Notons le nombre élevé de militaires : 50 sur une population de 509 habitants, à la veille de la guerre. En novembre, le conseil délibère sur la résiliation des baux ruraux par suite de la guerre.

4 jeunes de notre village tombèrent sous les balles ennemies :

- BOCQUET Etienne, le 14 Mars à Compiègne, il a 45 ans et pourrait être le père de ses collègues de tranchée.

- DUMONT Léon, tué dans la Meuse, le 20 Mars, il a 21 ans.

- SEVIN Arsène meurt le 24 Août à Glorieux, dans la Meuse, où il est capitaine à la 14° division d’infanterie.

- GAVOIS Charles meurt le 30 Novembre, à 21 ans, dans la Flandre occidentale, à Saint-Georges, pendant les combats de l’Yser, il est matelot fusilier.

De nombreux évacués….
Au 1er avril 1917, il y a 50 personnes évacuées à La Chaussée-Tirancourt dont :
- 30 qui viennent de la Somme : Thiery (4); Daulhac (5); Rimbault (10); Bocquet (7); Cumel (1); Bondois (3).
- 16 viennent du Pas-de-Ca
lais : Gosselin (3); Thuilliez (2); Harmand (1); Fertel (4); Lefetz (2); Lebrun (1); Arcade (1); Leroux (2)
- 3 viennent du Nord : Hermant (3)
- 1 de Belgique.