LE  V1  DU  BOIS  DU COROY

L’étymologie du terme « Coroy », vient du latin coryletus qui désigne  le coudrier, une espèce d'arbre fréquente en Picardie ; ce lieu était donc planté de coudriers. Ce bois est situé non loin de l’antique voie romaine « La Chaussée Brunehaut »

Il se trouve sur le territoire de Surcamps. Il est de type « Bois Carré » du nom du site repéré pour la première fois  par l'aviation alliée le 9 novembre 1943,  près de la commune dYvrench, dans la Somme, située dans le canton de Crécy en Ponthieu.

Le Bois du Coroy est situé en hauteur, par rapport au village de Surcamps, à une altitude de 116,20 m.

Le V1 du Coroy appartient à la première génération « dite lourde » des sites de lancements de V1, à la différence du site de La Chaussée-Tirancourt de construction plus légère et plus discrète.

 

La construction du site :

Dès l’été 1943, une soixantaine de prisonniers Français encadrés par des chefs  Allemands construisirent les infrastructures de ce site. Des hommes travaillant pour l’opération Todt logeaient au château de Vauchelles les Domart.

Chemin d’accès ( A ) :

On arrive sur le site par un chemin en béton fait par les prisonniers. Ce chemin, fait 5 mètres de large. De l’entrée au bâtiment de stockage d’attente, il y a environ 60 mètres. Le chemin n’est pas fait d’un seul tenant, il possède des joints de dilatation tous les 5 mètres, que le temps a engazonné.

Le chemin qui longe le bois est également bétonné sur une bonne partie, sur le bout, la terre a du recouvrir le béton qui n’apparaît plus. Il permettait aux camions, venant de la gare de Flixecourt d’arriver sur le site dans de bonnes conditions.

 

Plate-forme de déchargement ( B ) :

 

Elle a subi de gros dégâts, suite aux bombardements. A l’origine, l’ensemble est bétonné d’une surface d’environ 30 m sur 15 m. Cette aire permet le déchargement des camions qui viennent approvisionner le site en V1 venus d’Allemagne.

 

 

Bâtiment de stockage d’attente ( C ) :

Sur la droite, on trouve un  long bâtiment  qui  fait environ 30 mètres de long sur 5 m de large et 4 m de haut. Ce bâtiment  servirait au stockage des pièces de V1. La porte d’entrée fait  3,20 mètres de haut et   2,90 mètres de large. Les murs font 0,80m d’épaisseur, ils sont fait en parpaings. (16 rangs en hauteur). Le toit est fait en béton, on note la présence de trois ventilations sur le côté.

 

 

Tranchées ( D ) :

A droite du bâtiment d’assemblage, ainsi que dans différents endroits du site, il y a des « tranchées », servant à protéger les hommes en cas de bombardement.

 

 

Bâtiment de montage et d’assemblage ( E) :

 

Ce bâtiment (2), est divisé en deux parties, et fait environ 8 m en largeur sur 22  m de long. A droite, une partie ouverte  des deux bouts avec des portes de 3,5m sur 3,5m. Les lourdes  portes ont disparues , mais on voit encore de gros gonds en fer.

 

  

Cette pièce servait à assembler les V1, sauf les ailes qui étaient laissées sur le côté du chariot. Le V1 pénétrait par une porte , subissait les divers montages mécaniques  et ressortait de l'autre côté, pour être rangé dans les garages « en ski ».

 

Entrée du bâtiment

Sortie du bâtiment

 

Intérieur d’un atelier

 

A gauche, il y a deux ateliers avec 3 fenêtres. Ensuite, il y a encore deux pièces inégales dont une, de 3 m sur 3, avec 2 fenêtres et des barreaux ; à côté, il y une autre pièce, de 7 m sur 3, avec une fenêtre et une porte. La plus grande pièce possède une cheminée et vraisemblablement un évier. Quand on regarde le bâtiment d’assemblage, on voit : une fenêtre, une porte, 5 petites fenêtres, une porte et 3 petites fenêtres , ainsi qu’une bouche d’aération.

 

Réserve d’eau ( F ) :

A gauche du bâtiment de montage et d’assemblage, à une vingtaine de mètres,  il y a des ruines qui font penser à une réserve d’eau de 5 m sur 8. Ces ruines sont uniquement composées de béton, il n’y a  pas de traces de parpaings ou de briques.

 

Les chemins de liaison ( G ) :

Pour relier les bâtiments entre eux, et pour mieux acheminer les V1 sur leurs chariots,  des chemins en béton,  de 3 mètres de large ont été construits. Ils sont faits de plusieurs plaques qui assurent la dilatation, et sont légèrement en pente, afin que l’eau s’écoule sur les côtés. Des tuyaux d’alimentation (eau, électricité, téléphone, air comprimé, ..) se trouvent de part et d’autres  de ces chemins.

 

 

Stofflager ( H ) :

 

C’est un bâtiment semi enterré, divisé en deux, on y descend de chaque côté par un escalier en béton. Il ne dépasse que fort peu, et il est bien conservé. Les deux parties sont symétriques. L’ensemble fait 6 m sur 6 environ.

 

 

Les deux caves, servaient à entreposer les deux réactifs chimiques utilisés : peroxyde d’hydrogène et permanganate de potasse.

Pour des raisons évidentes de sécurité, ces réactifs étaient stockés séparément.

Machinenhaus (I ) :

 

Près du Stofflager, il y a un bâtiment détruit par les bombes. Cette construction devait permettre d’abriter le générateur électrique et le compresseur d’air comprimé. Il devait servir également à entreposer et laver les Dampferseuger. Ce bâtiment se trouve à 30 mètres du bâtiment d’assemblage. Tout autour , on note la présence de « rigoles ». servent elles à drainer le sol ? Sur le côté, il y a vraisemblablement une petite réserve d’eau comblée.

 

Mare pyramidale ( J ) :

A une vingtaine de mètres , sur la gauche, du bâtiment Machinenhaus, on peut voir  comme un grande mare pyramidale, en béton. Elle fut détruite par une bombe. Elle mesurait environ 15 m sur 10, et servait à recueillir les eaux  de lavage du Dampferseuger.

 

Réserves d’eau (K ) :

Il y a plusieurs trous carrés assez profonds, dans différents endroits, dont on a bouché l’ouverture et qui ont maintenant disparu.

Sur cette photo ancienne, faite par Monsieur Louis SAMPITÉ, on voit bien une réserve d’eau.

Garages en « ski » (L, M, N ) :

 

Il y a 3 réserves ou garages de V1. Ils mesurent environ 80 m de long sur 5 de large et 3,6 m de haut sur la face avant. La porte fait 3m sur 2,80 m. Sur le bout, ils mesurent 4,4 m de large et 3 m de haut. Le fond est fait en briques.Ils sont construits  en parpaings, briques et béton armé. On  pouvait cacher ainsi une dizaine de V1. Sur le toit de la terre avait été déposée pour que l’herbe pousse afin de se fondre mieux dans la nature.

L’intérieur, fait un bon 3 m de large, on peut apercevoir 3 bouches d’aération. Les portes ont disparues, mais il reste de gros gonds de fer.

L’entrée  forme une courbe qui permet d’ éviter le souffle des bombes. Vus du ciel, ces bâtiments ont la forme d’un ski, d’où leur nom.

Le premier (L), est en bon état.

 

Photo Thierry GRIOIS (Le Courrier Picard)

Le garage "L" est impressionnant ; voici quelques vues du dessus, des côtés et de l'intérieur.

 

 

Photos Thierry GRIOIS (Le Courrier Picard)

Les deux autres (M) (N) sont endommagés. 

L arrière du  garage ( N ) est situé près des champs.

Photo Collection Louis SAMPITÉ

 

Réserves de fusées et détonateurs ( O, P ) :

De chaque côté,  du chemin en béton qui relie les garages à V1 , on trouve deux réserves de fusées et détonateurs. Ces réserves sont enterrées. On  y accède par un escalier  de 9 marches en béton qui débouche sur une toute  petite cave qui mesure environ  1m sur 2m. cette cavité ressemble à un four de boulanger, sans cheminée. Un des deux bâtiments est complètement enterré (P), l’autre dépasse un peu (O).

 

Bâtiment amagnétique « Richthaus » ( Q ) :

Il est encore en assez bon état. Il y a deux arches en béton, sans ferraille.  L’arche fait 7 m de large.

 

Les murs étant dépourvus de ferraillage, sont donc relativement fragiles. Des  contreforts ont été nécessaires pour assurer la rigidité du bâtiment.

De chaque côté de l’arche, on voit  un atelier. A gauche, il y a deux portes à l’intérieur, une à l’extérieur et une fenêtre. A  droite, il n’y a qu’une porte et une fenêtre. Les ateliers font 5 m sur 4.

 

 

C’est un bâtiment presque carré (14 m de côté), construit en gros parpaings et béton. La toiture était constituée de poutres dont on retrouve la forme dans les pignons. Comme sur la plupart des sites, le toit a disparu, il était fait  de matériaux légers.

Sur le devant, accolée à la façade,  il y avait une large aire bétonnée ainsi qu’un un arc de cercle, gravé en creux, de 4,50 mètres.

La construction ne devait contenir aucune pièce métallique, sous peine de fausser les réglages du compas. Ce bâtiment possédait son propre système de chauffage en sous-sol, avec son fourneau.


Dans ce bâtiment, on installait les ailes, on plaçait les fusées, les détonateurs, et on procédait au réglage du compas de direction. Le « Richthaus » est rigoureusement implanté sur le même axe que la rampe de lancement.

 

Borne ( R ) :

 

A 6 mètres, face à l’atelier de droite, on trouve une borne en grès, scellée dans du béton, indiquant les 4 points cardinaux.

 

 

Petit bâtiment enterré ( V ) :

 

Pratiquement dans l’axe de la rampe de lancement, à une trentaine de mètres, on trouve un petit bâtiment en briques rouges, de 2 m sur 1,50 m recouvert par un épais toit de béton. Ce bâtiment est en voie de comblement. S’agit il d’une station de pompage ? 

 

Le bunker de tir ( S ) :

C’est une petite construction au trois-quart enterrée, construite à gauche de la rampe , en continu du mur déflecteur.

On y descend par un escalier en béton. La pièce fait environ 3 mètres sur 2. Il est situé à 5 mètres du mur qui protège la rampe. Sur le devant la visée permettait de voir les préparatifs. Au moment du tir, elle se refermait. On note encore la présence de grosses charnières.

 

Les murs de la rampe ( T ) :

Ce sont deux murs protégeant la rampe métallique, ils ont une inclinaison  d’environ 5° et sont séparés par un espace de 4,50 mètres en béton. Ils sont longs d’une vingtaine de mètres. Ils ont un peu la forme d’un entonnoir. Le mur face au bunker fait 7 mètres, l’autre, 10 mètres. Au début, la hauteur du mur est d’un mètre quarante. L’angle de visée est d’environ 320°.

 

 

 

Photo Thierry GRIOIS (Le Courrier Picard)

 

La rampe (U ) :

 

Elle était longue d’environ 45 mètres et inclinée de 15°. Il y avait une plate forme en béton, entourée de murs de protection. Devant cette plate forme, 6 plots en béton ont été construits pour prolonger celle-ci  et afin que l’ensemble soit bien de niveau.

Les deux derniers plots font 1,50 mètres de haut, 0,90 m sur 0,90 m  de section. Les plots sont séparés de 5 mètres. Entre les plots, la largeur est d’un mètre vingt .

 

Il est bon de rappeler que la rampe est une poutre métallique à l'intérieur de laquelle se trouve un tube cylindrique de 30 cm de diamètre. Dans ce tube peut se mouvoir un piston qui présente un ergot sur sa partie supérieure qui vient s'accrocher entre les rails qu chariot du V1.
L'éjection du piston est assurée par de la  vapeur d'eau  dans le Dampferseuger. Un mélange de Permanganate de Sodium et de Peroxyde d'hydrogène déclenche une réaction chimique . La pression dans le Dampferseuger est telle que la sécurité du piston cède et que le V1  est propulsé à près de 300 km/h , vitesse obligatoire pour que le pulso-réacteur puisse prendre le relais.

En face, le petit village de Surcamps et plus loin Londres

 

 

Les bombardements du site par les alliés :

(Source : Laurent BAILLEUL)

Au total, on dénombra 12 bombardements qui firent plusieurs victimes. Le site est truffé d’énormes trous de bombes très profonds.

Dates

Observations

5 décembre 1943

Squadron 617 de la RAF

nuit du 16 au 17 décembre 1943

9 Lancaster et 6 Mosquitos

nuit du 30 au 31 décembre 1943

 /

14 janvier 1944

Bombardement massif

nuit du 21 au 22 janvier 1944

12 Lancaster et 3 Mosquitos

5 février 1944

Blessés

10 février 1944

Bombardement massif

3 mars 1944

Vers 9 h du matin

15 mars 1944

Vers 18 h 30

18 mars 1944

Vers 13 h

23 avril 1944

à deux reprises dans la journée

Victimes des bombardements :

Dates

Victimes

14 janvier 1944

deux blessés légers

5 février 1944

deux blessés

10 février 1944

un tué et quatre blessés

Merci 

Un grand merci à Monsieur Gustave Vermersch, propriétaire du lieu, de Ville-le-Marclet, « Ferme de Réderie » (il m’a autorisé à étudier ce site en 2001), ainsi qu’à son petit fils Luc avec qui j’y suis retourné en 2007.
Un grand merci également à Messieurs Guy Troché, Yannick Delefosse, Jean-Pierre Ducellier, Louis Sampité, Laurent Bailleul, Thierry Griois et John Baldwin.

Plan

A   Chemin d’accès au site, en béton

B   Plate forme de déchargement

C   Bâtiment de stockage d’attente

D   Tranchées de protection

E   Atelier d’assemblage et de montage

F   Ruines d’une citerne à eau

G   Chemins de desserte

H   Double « cave »: Stofflager

I    Ruines  (Machinenhaus)

J   Mare pyramidale

K   Réserve d’eau

L, M, N   Abris de stockage des V1

O, P   Abris pour fusées et détonateurs

Q   Bâtiment amagnétique (Richthaus)

R   Borne d’orientation

S   Bunker de tir

T, U   Plate-forme et rampe de lancement (315°)

V  Petit bâtiment