UN
CAMP DE CÉSAR À LA CHAUSSÉE-TIRANCOURT |
Par M. le Chanoine A. MOY, Curé-Doyen de Picquigny
Dans
cette étude, ma pensée n'est pas de parler du camp de César
de la Chaussée-Tirancourt comme d'une nouveauté. Il est connu
du public, du moins quant à sa dénomination de camp de César.
C'est une étude plus approfondie que je vais essayer d'offrir aux lecteurs
du Rayon de Soleil.
Au cours du voyage qu'elle fit en Picardie avec Madame la Duchesse de Chaulnes
et qui avait pour but Chaulnes et Picquigny, Madame la Marquise de Sévigné
écrit à sa fille Madame de Grignan, du château de Picquigny,
1e mercredi 27 avril 1689 : « Le Mardi de l'après dîné,
nous arrivâmes ici dans un château, où tout l'orgueil de
l'héritière de Picquigny est étalé, c'est un vieux
bâtiment élevé au dessus de la ville, comme Grignan, mais
ce sont des terrasses sur rivière de la Somme qui fait cent tours dans
les prairies. Voilà ce qui n'est pas à Grignan. Il y a un camp
de César un quart de lieue d'ici, dont on respecte encore les tranchées.
Cela figure avec le pont du Gard ». Ce pont, d'une structure admirable
est un ancien ouvrage des Romains, dans le Bas-Languedoc, sur le Gardon. Il
est construit en pierres de taille d'une grosseur et d'une longueur surprenantes
et a trois arches superposées les unes sur les autres.
Le
Père Daire décrit la topographie de ce camp: « La forme
du camp de Tirancourt est elliptique; la configuration terrain le demandait,
c'est le camp d'une légion. Du côté de Picquigny, il est
défendu par les marais de la Somme.
Il y est appuyé sur une colline escarpée. Le côté
Ouest défendu également par une vallée profonde venant
de Saint-Vast, il est de ce côté appuyé à un talus
de 50 à 60 pieds de haut. Le côté Est est défendu
par un large fossé et un rempart de terre encore bien conservé.
Comme dans tous les camps de César, il y a deux entrées principales,
souvent à l'opposé l'une de l'autre; l'entrée prétorienne,
qui est la porte du chef, l'entrée décumane, qui est la porte
de la légion. Ces deux portes sont bien figurées dans le camp
de Tirancourt et reliées par le chemin de Vaux qui traverse le camp.
La première est à l'entrée du camp, sur la route de Saint-Sauveur,
qui est l'ancienne voie ronaine, allant d'Amiens, l'ancienne Samarobrive, à
l'embouchure de la Somme; la seconde se trouve sur 1e rempart et le fossé
Est, attenant au territoire de Saint-Sauveur.
Une particularité plus moderne du camp de Tirancourt, indiquée
sur le plan, c'est un chemin sous le camp. Ce chemin, en effet, qui traversait
la route de Saint-Sauveur, pour aboutir à la Somme, est le chemin d'une
carrière qui trouve sous le camp et qui servait au transport des pierres
extraites pour les conduire à la rivière de la Somme de là,
à Amiens par la voie fluviale, pour construire la cathédrale et
autres édifices. Ces carrières n'existaient évidemment
pas du temps de César et pendant l'occupation romaine.
Il
est bien évident que ce camp, cultivé depuis des siècles,
ne représente aujourd'hui que vaguement ce qu'il était dans sa
réalité. La configuration du terrain reste la même, les
remparts naturels n'ont guère changé, mais ceux faits par les
soldats de César ont subi de grandes modifications. Les remparts de la
circonvallation Est, par exemple, n'ont plus ni la même hauteur, ni le
même aspect, ainsi que les fossés la même profondeur. Ces
remparts étaient défendus par des tours en bois, fort élevées,
de distance en distance, réunis par des pieux en bois rejoints par des
fascines en bois, qui formaient de véritables barricades. On a même
retrouvé, dans ces derniers temps, l'emplacement de quelques-unes de
ces tours.
Protégés par ces défenses, les soldats romains, rangés
sur le parapet large de trois à quatre mètres, pouvaient lancer
leurs traits et javelots contre l'ennemi qui attaquait, car, suivant la remarque
de Napoléon 1er, la nature des armes était telle que, dans ce
camp, les soldats étaient non seulement à l'abri des insultes
d'une armée égale mais même d'une armée supérieure,
ils étaient les maîtres de combattre ou d'attendre une occasion
favorable, ce que fit souvent César, en particulier lorsqu'il courut
au secours de son général Cicéron (le frère du grand
orateur romain), assiégé dans son camp par 60.000 Nerviens (région
de Cambrai), alors qu'il n'avait que sa légion, soit 6.000 hommes, à
leur opposer. César, en arrivant en présence des ennemis qui viennent
à sa rencontre, prend position en face d'eux, en peu d'heures, retranche
son camp: ils sont dix fois plus nombreux que lui. Il supporte patiemment leurs
insultes, leurs provocations; il ne veut pas combattre encore; mais l'occasion
ne tarde pas à se présenter et il fait alors sortir ses troupes
par toutes les portes du camp; dans cette attaque brusquée, les Gaulois
sont vaincus.
L'arme principale était l'épée ou la pique. Le soldat romain
portait l'épée courte, et l'on a dit avec raison que « avec
cette épée il avait vaincu le monde. »
Nous raconterons plus tard comment et avec quelle rapidité César
établissait un camp.
On
peut être étonné de voir César dresser un camp en
si peu de temps. « Mais non, dit Napoléon 1er pour former un camp
consulaire, on employait quatorze travailleurs par toise courante, soit deux
mètres courants; en travaillant chacun trente minutes au plus, ils fortifiaient
leur camp et le mettaient hors d'insultes. Aussi, rien d'étonnant à
ce que chaque jour, toute légion, le soir venu, formât son camp.
Et c'est précisément ce qui a été la force de César
et leur a permis de résister à toutes les attaques, à déconcerter
leurs ennemis et à les vaincre.
Quand les soldats devaient séjourner longtemps, il construisaient dans
le camp des baraquements couverts en paille. Quand ce n'était que pour
un court séjour, ils se servaient de leurs tentes. D'où la dénomination
de camp permanent et de camp volant.
Le camp de Tirancourt n'était pas seulement un camp de passage, mais
surtout un camp de séjour, où les troupes venaient se reposer;
il était donc rempli de baraquements couverts en paille, c'était
plus chaud et plus commode pour hiverner. Dans le camp, il y avait un autre
camp plus petit entouré lui aussi de remparts en terre, qui était
le camp prétorien, où résidait le général
commandant la légion avec son état-major. Séparé
des soldats, il était en même temps comme un poste d'observation,
car il dominait le grand camp. On ne trouve plus trace de ce camp prétorien
dans le camp de Tirancourt, tandis que dans celui de l'Étoile, il est
bien conservé.
Mais ici une objection se présente, et, avant d'aller plus loin, il est
bon d'y répondre. Le camp de Tirancourt est-il réellement un camp
de César ?
Dans la Somme, les Camps dits de César ne sont-ils pas plutôt des
camps romains ?)
On entend par camps romains les camps construits pendant la période d'occupation
romaine qui dura 500 ans. Un des membres les plus remarquables de l'Institut
des Inscriptions et Belles Lettres. M. Héron de Villefosse, m'en faisait
un jour la remarque « On semble contester, me disait-il, à un grand
nombre des camps de Picardie, d'être de l'époque de César.
On en reporte beaucoup à l'époque de l'invasion franque et normande
». Cette réflexion n'est pas sans valeur, et, sans être une
preuve a priori, elle a toujours au moins le mérite de mettre en garde
contre un certain emballement ceux qui s'occupent de ces questions, et les engage
à les traiter avec une grande circonspection. « De plus, ajoute
M. Héron de Villefosse, on craint que ces camps faits si rapidement.
n'aient pu subsister longtemps. ». Nous pensons que c'est là une
crainte un peu chimérique. Il suffit de lire un peu attentivement les
commentaires de César et les auteurs qui se sont occupés de la
construction de ces camps pour voir quels soins les Romains apportaient à
leur construction, surtout pour les camps permanents. Ils avaient des remparts
en terre de 9 à 10 mètres de haut dominant le camp, lui-même
creusé par les relevées de terre faites pour construire ces remparts,
et aussi de l'autre côté extérieur des fossés de
3 à 4 mètres de profondeur avec autant et plus de largeur pour
défendre l'approche du rempart, dont on avait soin de couvrir le talus
d'un épais gazon. Des travaux si importants ne devaient pas laisser disparaître
ces camps facilement. Il est à remarquer que pendant des siècles
on ne fit rien pour les faire disparaître, et même un grand nombre
furent couverts par des bois qui les conservaient.
« De fait, dit un membre de l'Institut, rien de plus solide que ces camps
en terre recouverts d'un épais gazon. De plus, pendant la période
d'occupation romaine, un grand nombre de ces camps ont été entretenus
à côté d'autres qu'on a construits ». Et cela se conçoit,
leur importance apparaît surtout par les voies romaines qui passent prés
d'eux. C'est ce qui est arrivé pour le camp de Tirancourt, qui se trouve
situé près d'Amiens et dont l'importance n'échappe à
personne.
Amiens était un des sept arsenaux que les Romains avaient dans les Gaules,
la rivière de la Somme était une de celles sur lesquelles ils
entretenaient des flottes, ainsi quesur la Seine, tant pour faciliter le commerce
dans toutes les provinces voisines et transporter à moins de frais les
munitions des légions romaines réparties dans la Gaule Belgique,
que pour s'opposer aux entreprises et aux irruptions des ennemis et les empêcher
de ravager les états de Empire situés loin des rivières.
C'est ce qui a pu faire croire que tous ces camps ou à peu près,
avaient été faits après la conquête de Jules César
pour la défense de l'Empire surtout à l'époque des invasions
franques et normandes et aussi quand on considère leur disposition établie
de façon à former comme une ligne naturelle de fortification en
Picardie. La vallée de la Somme s’y prêtait naturellement.
La ligne de camps retranchés depuis Abbeville jusque Bray-sur-Somme est
vraiment remarquable: Monts Caubert, Liercourt, L'Étoile, La Chaussée-Tirancourt,
Amiens, Camon, Chipilly, Méricourt-sur-Somme.
Que les Romains se soient servis de ces camps de la vallée le la Somme
contre l'invasion des Barbares du Nord, on ne saurait en douter. Il est avéré
ensuite que ces camps ont également servi aux rois carolingiens pour
défendre leur empire contre les attaques de Normands. C'est ce qui ressort
de l'édit de Pistoie 863 donné par Charles-le-Chauve, qui, désireux
d'opposer des obstacles à l'invasion des Normands, prescrit « de
rétablir les forts partout où ils seraient ruines, et d'en construire
de nouveaux sur les rivières qui en manquent. »
Les mots « sur les rivières qui en manquent » indiquent bien
que d'autres en possédaient déjà depuis longtemps puisqu'il
ordonne de rétablir les forts qui seraient ruinés.
Et ces forts ruinés ne pouvaient venir que de l'occupation romaine et
pour un bon nombre de César lui-même.
Pour établir cette proposition, il suffit de se reporter au début
de la guerre des Gaules.
La première campagne de César est en l'an 58 avant Jésus-Christ,
contre les Helvètes (Suisses) et Arioviste. Ceux-ci, vaincus, la seconde
campagne en 57 est contre les Belges (nous ferons remarquer qu'on compte les
années en décroissant jusque Notre-Seigneur Jésus-Christ).
Tout d'abord il marche contre les Bellovaques, auxquels se joignent les Ambianais
(amiénois) avec 10.000 hommes, et les autres peuplades du Nord de la
Gaule-Belgique, il s'avance ensuite contre les Belges du Hainaut. Vaincus tous
deux, les Bellovaques à Hibrax (Laon), les Belges sur la Sambre, l'année
suivante, 56, César entreprend sa troisième campagne contre le
Valois, la Bretagne, la Basse-Normandie, où il équipe une flotte
et l'Aquitaine, elle n'est qu'une suite de victoires. En l'an 55. il termine
sa quatrième campagne par une première expédition en Grande-Bretagne.
C'est au retour de cette expédition qu'il établit ses légions
au pays des Belges, il entend ici les Morins (Boulogne), les Ambianais, les
Bellovaques (Beauvais).
Puis, il part pendant l'hiver pour une autre campagne en Illyrie. Il donne ordre
aux lieutenants qu'il avait mis à la tête des légions de
faire construire pendant l'hiver autant de vaisseaux qu'ils pourront, et de
faire réparer les vieux.
A son retour d'Illyrie, César visite les quartiers d'hiver, et, grâce
à l'étonnante activité des soldats, qui cependant manquaient
des objets les plus nécessaires, il trouva qu'on avait construit six
cents navires sur le modèle qu'il avait donné, plus vingt-huit
galères, et qu'il s'en fallait de bien peu pour que cette flotte fut
en état d'être lancée.
Or, où se trouvaient les camps dans lesquels séjournaient les
légions ? II fallait nécessairement que ce fut le long des rivières
qui mènent à1a mer, et prés d'endroits boisés, pour
trouver tout d'abord le bois nécessaire à la construction des
vaisseaux, il fallait de plus que ces légions fussent réparties
sur un espace assez étendu pour qu'elles paissent trouver leur ravitaillement,
puisqu'elles vivaient sur 1e pays avec leurs bestiaux.
Or, il faut remarquer que la rivière de la Somme, qui aboutit à
la mer, offrait tous ces avantages, avec sa large vallée, ses marais
plantureux et les bois qui en couvraient les collines.
Que voyons-nous sur ces collines, le long de cette vallée ?
Les camps de César de Mont-Boubert, à l'embouchure de la Somme,
de Mont- Caubert, de Liercourt, de l'Étoile, de Ia Chaussée-Tirancourt
et Amiens. César avait à cette époque 6 légions,
qu'il établit pour la plus grande partie, et une ou deux qu'il laissa
chez les Marins, sur la rivière de la Canche, pour travailler à
la construction de la flotte.
En 54, César entreprend sa seconde expédition en Grande-Bretagne.
A son retour, dès le début de l'Automne, à la fin de septembre,
il vient fixer son quartier général à Amiens, la Capitale
des Ambianais, qui lui avaient fait leur soumission, après la défaite
des Bellovaques à Bibrax. Il s'était emparé de leur capitale,
Bratuspautium, probablement Beauvais. I1 fait d'Amiens son centre de ravitaillement.
Pour que César vienne ainsi établir son quartier général
à Amiens, à son retour de la Grande Bretagne, il fallait qu'auparavant
déjà il eut conservé des rapports avec cette ville, qui
lui paraissait devoir être le centre le plus favorable pour ses opérations
militaires. Les camps qu'il avait établis, l'hiver précédent
le long de la Vallée de la Somme que cette ville forte gauloise commandait,
lui en avaient montré l'utilité et l'importance.
Une autre raison a pu encore le déterminer à prendre Amiens pour
quartier général. C'est que, à son retour de Grande-Bretagne,
au lieu de faire reprendre à ses légions leurs anciens cantonnements,
il crut devoir les disperser sur tout le territoire de la Gaule-Belgique. Il
ne conserva que sa légion dans les camps environnant Amiens. Les raisons
qu'il en donnait, c'est que la récolte en blé avait été,
cet été de 54, très faible chez les Gaulois, et que pour
nourrir plus facilement ses légions, il avait été obligé
de les disperser. C'était une grande faute, il s'en aperçut bien,
et il cherchait à se laver. Faute initiale qui eut les plus grandes conséquences
pour l'avenir.
Nous avons dit que, pour César, la dispersion de ses légions fut
une faute initiale qui eut les plus grandes conséquences pour l'ennemi.
Les Gaulois remarquèrent que César les avait vaincus parce qu'il
les avait attaqués séparément. Voyant maintenant ses légions
dispersées, ils résolurent de les attaquer de même, et de
les vaincre séparément.
Les Eburons commencèrent et massacrèrent la légion qui
était chez eux, sans que César puisse en être averti. Ils
vinrent alors se joindre aux Verviens, qui essayèrent de faire le même
sort à la légion qui se trouvait chez eux, sous les ordres de
Cicéron, le frère du grand orateur Romain. Fort pressé
dans son camp, celui-ci put cependant faire parvenir à César l'état
dans lequel il se trouvait. César, après avoir rassemblé
les troupes et quatre cents cavaliers qui se trouvaient dans les quartiers voisins
d'Amiens, vola à son secours et le délivra. Remarquons ici que
César rassemble les troupes des camps voisins d'Amiens. Or, c'est ici
qu'apparaît vraiment le Camp de Tirancourt. Il est bien dans la périphérie
de son quartier général, il en est la défense avancée,
c'est là que César dut prendre une partie des troupes dont il
avait besoin. L'existence du camp de Tirancourt apparaît donc bien établie
au début de l'hiver 54 avant Jésus-Christ. Ce qui ne prouve pas
qu'il n'existe pas déjà en 55 . (Il faut ici se rappeler qu'avant
Jésus, les années sont comptées en allant vers le nombre
un, c'est pourquoi l'an 55 précède l'an 54. Au contraire, à
partir de Jésus-Christ, c'est l'ère chrétienne et l'on
compte de 1 à 1936, etc...)
Et même, je dirai qu'il le laisse supposer comme nous l'avons montré
pour la construction de ses vaisseaux et le ravitaillement de ses troupes. Il
est à remarquer, comme nous l'avons déjà dit, qu'Amiens
était pour lui un centre très important. Après son retour
de sa première expédition en Grande Bretagne, César y réunit
tous les chefs des cités gauloises de la Gaule Belgique qu'il a soumise,
pour s'informer de l'état dans lequel se trouvent leurs peuples.
Après avoir vaincu les Verviens, il revient à Amiens avec quatre
légions qu'il établit dans les camps environnant Amiens, Tirancourt
et L'Étoile en particulier. Là, il les a sous la main pour surveiller
toute la Gaule Belgique qu'il sent encore frémissante, et aussi le grand
mouvement de coalition qui se prépare sous l'impulsion de Vercingétorix.
Après l'avoir vaincu, il reviendra de nouveau en Gaule Belgique pour
écraser la révolte des Bellovaques (Beauvais), sous la direction
de leur intrépide chef Torré, qui périra dans la lutte
et auxquels se sont joints dix mille Ambianais. Enfin, il court chez les Atrébates
(Arras), il les écrase à leur tour. La guerre des Gaules était
terminée. Les Romains y étaient définitivement établis,
Amiens était restée l'axe véritable pour César de
la guerre et de la soumission de la Gaule Belgique et elle y resta jusqu'à
et qu'elle fut remplacée par Reims. Matis son système de camps
qui l'entouraient n'en demeura pas moins un point central pour la défense
de toute la contrée contre les invasions des Barbares.
Le camp de Tirancourt était au premier rang pour abriter les légions.
Ne voyons-nous pas Saint-Martin, officier Romain, résidant à Amiens,
donner la moitié de son manteau à un pauvre, puis partir avec
la légion Romaine, qui habitait les camps environnant Amiens, pour combattre
les Allemands qui envahissaient la Gaule sur le Rhin. Ils sont vaincus et soumis
grâce aux prières de Saint-Martin. Julien l'apostat, le chef de
cette expédition, le reconnaît lui-même. Est-ce en souvenir
du passage de Saint-Martin à la Chaussée-Tiranconrt qu'il fut
donné comme patron à cette paroisse ? Cette supposition paraît
d'autant plus raisonnable qu'à La Chaussée-Tirancourt, ce souvenir
de Saint Martin est conservé dans le cadastre de la commune par un coin
du territoire, qui porte son nom, la Vallée de Saint Martin, et la voie
qui y conduit, le chemin de Saint-Martin.
Le camp de Tirancourt servit encore contre l'invasion des Barbares, les Francs,
les Huns, les Normands, etc... car suivant l'ordre de Charles-le-Chauve, il
fut l'un des camps romains remis en état de défense, les fossés
de circonvallation encore si régulièrement établis et conservés
en sont la preuve. Ils sont inscrits sur le registre cadastral de la commune
de la Chaussée-Tirancourt sous le nom de « Fossés des Sarrazins
.
La conclusion, c’est que le camp de Tirancourt est un camp construit par
César, qu'il fut occupé pendant toute la période d'occupation
romaine, et même plus tard pendant l'époque Carolingienne.
Il est à remarquer également que la Collégiale de Picquigny,
les églises d'Ailly-sur-Somme et d'Argoeuves ont aussi pour patron Saint
Martin. Ce qui prouve combien est resté vivace entre La Chaussée-Tirancourt
et Amiens le souvenir du glorieux soldat, qu'illustra cette ville, par sa charité,
et toute cette contrée en particulier par ses vertus.
Source : « Le Rayon de Soleil » PAGES D'HISTOIRE LOCALE
Numéros : 10,11, 12, 13, 17 et 23 (mai 1935 à octobre 1936)
Par le Chanoine A. MOY, Curé-Doyen de Picquigny.