LE  CAMP  ROMAIN

Il est classé parmi les monuments historiques, offre de précieuses ressources à ceux qui se livrent à l’étude de l’archéologie et de la stratégie romaine. Il est situé sue une vaste éminence, près de Tirancourt , à 300 mètres de la Somme ; on l’appelle encore dans le pays le grand fort, le Camp de César. Ce camp romain étant du genre de ceux que Végèce appelait castra stativa , camp à demeure. Cet écrivain qui vivait sous les Valentiniens de l’an 364 à 392 après J.C, se plaint fortement de ce que ces sortes de camps étaient abandonnés de son temps. Les camps romains de la Somme ont été décrits par M. l’abbé de FONTENU, en 1734 et en 1828 par M. le Comte d’ALLONVILLE ancien Préfet du département de la Somme. Nous avons puisé d’excellents renseignements dans l’ouvrage de ce savant magistrat, nous y ajouterons ce que nous avons pu apprendre par nos observations et nos informations particulières dans la visite des lieux. Ces camps sont d’autant plus précieux pour l’archéologie et l’histoire qu’il en existe peu en France s’aussi bien conservés. Les deux camps qui avaient servi au siège de Gergovia près de Clermont en Auvergne ont été égalés au sol. Récemment les fouilles en ont fait retrouver les traces.
Le camp de La Chaussée-Tirancourt est situé à 11 kilomètres de distance d’Amiens et à 14 kilomètres d’un autre camp placé près du village de L’Étoile sur la rive droite de la Somme. Avec ce dernier camp et celui de Liercourt ainsi qu’avec les fortifications d’Amiens, l’antique Samarobriva (Ambianorum), il contribuait à former le système de défense du cours de cette rivière.

L’heureux choix d’une position aussi avantageuse que celle de Tirancourt fait reconnaître de suite l’habileté des Romains dans l’art militaire. La forme de ce camp est celle d’un carré irrégulier ; il est fortifié de trois côtés par la nature ; vers la Somme est un escarpement de 22 mètres de haut. Cette partie du camp a été défigurée par les travaux d’exploitation des carrières dont nous avons parlées. Les escarpements gazonnés établis sur roc ? qui dominent au nord la vallée riche de Vaux ont 26 mètres de hauteur presque perpendiculaire. Du côté de l’est ce rempart a deux mètres d’épaisseur à son sommet et près de 14 à l’extérieur à partir du fond du fossé. Celui-ci a en largeur 23 mètres au niveau de la plaine et 10 mètres dans son fond. Il se prolonge dans une longueur de 650 mètres (voir le plan annexé à l’ouvrage de M. le Comte d’ALLONVILLE). Le camp est solidement établi sur une roche calcaire , de ce côté que l’art seul a fortifié le parapet qui couronne le rempart est tout entier ; les reliefs et les profils sont encore bien accusés ; de longs parpaings de grés en assuraient la conservation (parpaing : pierre qui tient toute l’épaisseur d’un mur).
Quatre portes donnaient entrée dans ce camp. La première sud ouest, vers Tirancourt, la seconde au nord ouest vers la vallée de Vaux, la troisième assez petite au nord est vers Saint-Vast-en-Chaussée , la quatrième à l’est d’une conservation parfaite est appelée aujourd’hui : « Porte de Fer ».
La grande voie romaine établie par Agrippa , un des ministres d’AUGUSTE, conduisait de Lyon à Boulogne passant à deux kilomètres du camp en traversant Saint-Vast-en-Chaussée. Dans sa direction vers Tirancourt, est un autre chemin qui côtoie ? un champ appelé Luze . Ce mot en picard signifie cercueil et provient du latin lugere, pleurer. Cette dénomination lui est venue de ce qu’on y a trouvé des cercueils en pierre établis sur une maçonnerie en moellons. Ceux qui les ont découvert n’ont malheureusement eu aucun soin des fragments d’armes et vases qu’ils renfermaient. Dans le camp on a trouvé peu de choses antiques. Mais dans les environs, dans le marais de Tirancourt surtout lorsque extrayant de la tourbe. Dans la couche plus uniforme de sable étaient des coquillages, des ossements d’animaux, beaucoup de troncs d’arbres, des pilotis, quelques ferrements d’avirons de bateaux. Ce qui prouve que les grands étangs qui bordent le sommet ont autrefois baigné le pied du camp.
A l’Est, est une gorge appelée Prés d’Acon ; c’était la seule partie accessible et favorable pou attaquer l’ouvrage du Peuple Roi. On y a trouvé quantité d’armes anciennes.
M. de FRANCQUEVILLE a donné au Musée d’Amiens des vases en verre et de belles poteries blanches provenant du camp Romain de Tirancourt.