LA  SÉPULTURE  COLLECTIVE
DE  LA  CENSE  DU  BOIS
    En 1967, M. BAUDIMONT, agriculteur à LA CHAUSSÉE-TIRANCOURT, en effectuant un labour profond, heurta un gros grès difficile à dégager. Alerté, M. de FRANCQUEVILLE, Maire de la commune, prévint M. Roger AGACHE, directeur des Antiquités Préhistoriques de la Somme. Ce dernier chargea M. Joël MOLIERE d’un sondage de sauvetage.

    Pendant sept étés, de nombreux archéologues, sous la conduite de M. Claude MASSET, allait mettre à jour une sépulture mégalithique bien conservée. Plusieurs jeunes de LA CHAUSSÉE-TIRANCOURT y ont participé, dont Hervé BELGUISE et Daniel SCHIMEL. Il fallut 7 campagnes de fouilles, de 1968 à 1974, pour mettre à jour l’ensemble du site. La sépulture fait 11 mètres de long sur 3 mètres de large. Le monument est enterré dans une tranchée de deux mètres de profondeur, creusée dans la craie du plateau. Les parois sont constituées de neuf gros blocs de grès pesant de une à quatre tonnes, placés en équilibre sur leur plus grande hauteur et calés à la base.

    Cette performance technique fait rêver car à l’époque, seul l’homme intervenait ! Ces grès mesurent 1,70 m de haut et arrivent, pour le plus grand à 35 cm du niveau du sol, ce qui explique que cette sépulture soit passée inaperçue pendant si longtemps. Le haut des pierres a été brisé intentionnellement à différentes époques et des traces d’incendie recouvrent tout l’édifice. L’ensemble ne porte pas de couverture mégalithique, mais on peut penser qu’il était initialement revêtu de bois. La sépulture est divisée en deux parties inégales par deux dalles dressées, perpendiculairement à la direction des autres.

    Le monument commence par une antichambre de 2 mètres sur 2 où l’on célébrait vraisemblablement un culte d’offrande : un vase et deux manches de hache, en bois de cerf furent trouvés entre les pierres. Une rampe d’accès descend dans la sépulture proprement dite par une porte étroite, constituée par deux blocs de grès où l’on voit encore une feuillure : trace d’une porte en bois. On y a trouvé un vase et une hache en silex poli, déposés rituellement. Sur deux niveaux, pendant plusieurs siècles, ont été ensevelies 346 personnes, le plus grand nombre de corps trouvés dans pareil type de sépulture en Europe.
    Les corps souvent déconnectés, avaient été placés dans le niveau ancien, dans des cases successives par familles, par groupes sociaux etc…Certaines cases ne comportaient que des ossements d’enfants et des traces de chaux vive. La couche d’inhumation la plus ancienne (couche V) couvrait la quasi totalité du fond du monument, mais trois corps étaient plus précisément installés dans le chevet, dans un quadrilatère matérialisé par de petites dalles de grès. Une cinquantaine d’autres squelettes, dont certains avaient été inhumés en position assise, occupaient le centre de la tombe. C’est sur la couche IV que reposent les 300 corps, les pieds orientés vers l’entrée, à l’inverse de ce qui valait pour la couche V, dans laquelle les têtes étaient tournées vers le seuil de l’allée.
    Une nouvelle période commence quand le monument est divisé en une demi-douzaine de cellules, dont chacune reçoit des corps désormais couchés sur le ventre ou sur le dos. Entre les cases, soutenues par un bâti, les fossoyeurs pouvaient circuler dans des allées constituées de petits blocs de grès pour éviter de piétiner les ossements. Les hommes de cette époque, cultivateurs, chasseurs et éleveurs ne connaissent pas le métal, sauf le cuivre, qui a été trouvé sous forme de deux perles en ruban, bijoux précieux apportés après un voyage peut-être fort lointain. Du minerai de fer, trouvé à l’état naturel dans la craie, porte des traces de frottement, il s’agit peut-être des premiers briquets à silex. La datation de la destruction du site au carbone 14, est estimée à – 1750 ans avant Jésus Christ, avec une approximation de plus ou moins 150 ans. C’est donc entre 1600 et 1900 avant notre ère (époque des grandes pyramides d’Egypte) que des envahisseurs armés de haches et de lances en bronze auraient commencé à détruire le site. De ces hommes, subsistent également des sépultures mais sous la forme de grands cercles, visibles d’avion contenant des cendres et quelques tessons. La Commune de LA CHAUSSÉE -TIRANCOURT en compte plusieurs. Tout le plateau picard (à cette époque de climat su boréal) était recouvert de forêts identifiées grâce à l’analyse des pollens fossiles trouvés dans la sépulture.
    La sépulture de la Cense du Bois occupait une clairière de l’environnement forestier ancien dont ne subsiste que le Bois des Malades et la forêt de Vignacourt. Le monument, après la fouille, a été recouvert de terre pour le protéger des intempéries et des fouilleurs clandestins. « La masse du monument a défié le marteau des démolisseurs, la torche des incendiaires et le soc des charrues. Résistera-t-il aux tracteurs de l’avenir et à l’oubli ? » (Joël MOLIERE)
    On peut estimer qu’il a fallu plus de 10 000 heures de travail au pinceau et au grattoir pendant 7 étés pour effectuer la fouille. De nombreuse publications ont été faites ainsi que des conférences données par M. Claude MASSET. A SAMARA, un tableau ainsi que des commentaires évoquent très bien cette richesse archéologique qui permet au village de LA CHAUSSÉE-TIRANCOURT d’être connu dans le monde entier.
Photo Joël MOLIERE

Article du Courrier Picard du 18 août 1969 (Document transmis par M. Jacques Fouré)