Bienvenue à Noël
et à ses enfants,
Vous nous venez de NOUVELLE ZELANDE, à 2 000 Kms au sud-est de l'AUSTRALIE,
en langue Maori, AOTEAROA, le pays du long nuage blanc.
Découverte en 1642, par le Hollandais TASSMAN, James COOK en explorera
le littoral en 1769-1770 pour en dessiner les cartes qui seront précises.
Nous connaissons cette île du Pacifique pour ses élevages extensifs
de moutons et de vaches laitières et sa production de kiwis.
La seconde guerre mondiale vous fera venir en Grande-Bretagne, peut-être
le pays de vos ancêtres, comme vos aînés de l'Anzac (Australian
and New Zealand Army Corps) qui seront commémorés le 25 avril
prochain, qui après avoir combattu en 1915 à GALLIPOLI en TURQUIE,
sont venus dans la Somme en 1916. Nombreux d'entre eux reposent au cimetière
Caterpillar Valley de LONGUEVAL où a été exhumé
le soldat inconnu qui a rejoint votre pays en 2004, puis en 1918, ont épaulé
la 5ème armée britannique pour botter l’ennemi dehors.
Membre de la Royal Air Force, pilote de Thyphoon, vous êtes venu en
décembre 1943 à votre tour dans la somme bombarder les bases
de V 1 qui mettaient à mal LONDRES et le Sud de l'ANGLETERRE, armes
qui, se perfectionnant, auraient pu changer le destin de la guerre.
Au retour de votre mission, vous serez forcé d'atterrir en catastrophe
à CROUY SAINT PIERRE, près de PICQUIGNY.
Vous êtes alors récupéré puis pris en charge pour
être protégé par des familles de la CHAUSSEE- TIRANCOURT.
Puis, vous connaîtrez la famille SERAN à SENLIS LE SEC. Vous
serez ensuite à VARENNES EN CROIX, chez Hector BOUCHEZ, deux endroits
où vous serez en compagnie d'autres aviateurs canadiens.
En juin 1944, arrivera à VARENNES un britannique atterri entre WARLOY
BAILLON et SENLIS.
Le 2 août, suite à la demande de Monsieur Ernest MASSARY de LEALVILLERS,
membre de l'organisation civile et militaire, sa fille Colette, institutrice
à SENLIS LE SEC, dirigeait les aviateurs alliés d'un domicile
à l'autre.
Nos grands-parents vous accueillent, vous le sergent Noël James HELEAN,
et le souslieutenant FORWELL (Bill).
Vous connaîtrez mon père, mon oncle et Henri THIBAULT d'AMIENS,
ici présent, qui est affecté aux travaux de la ferme pour échapper
aux réquisitions du service du travail obligatoire en ALLEMAGNE.
Durant votre séjour, il
fallait composer avec les tickets de rationnement et la discrétion.
Mais, vous n'hésitiez pas, avec Bill, à traverser la cour de
la ferme pour donner le coup de main à rentrer la moisson. Comme il
faisait chaud, il fallait se désaltérer. Le cidre du pays et
le vin vous laisseront quelques souvenirs.
Tout cela était bien jusqu'au jour du 24 août où les allemands
arrivent pour installer leur bureau sous votre chambre. Certes, on est peut-être
mieux dans la gueule du loup, mais cela pouvait être dangereux. Aussi,
mon grand-père ayant averti Monsieur MASSARY, vous fit sortir pour
vous cacher derrière les haricots à rame puis, passant par les
prés, vous trouverez protection à la ferme GERIN.
Là encore, vous auriez pu être découvert. Vous vous cachez
à nouveau, averti par Michel LANNOY que les allemands en débâcle
venaient prendre des chevaux.
Le 1er septembre 1944, les américains, à la poursuite de l'ennemi,
libéraient le village.
Vous sortez d'on ne sait où pour les habitants qui ne savaient pas.
Photographié au monument aux morts, nous garderons précieusement
les photos.
La RAF vous récupérera et vous intégrera à nouveau.
Nous vous saurons en PALESTINE
en 1945.
Le lieutenant FORWELL (Bill) qui avait écrit en 1947 et 1952 sera officier
instructeur à la base d'ANDOVER au sud de LONDRES, mais nous avons
perdu sa trace.
Certains étaient engagés
pour leur opinion, leur conviction, dans des réseaux ou des organisations
structurés. D'autres, plus simplement, ouvrirent leur porte et n'hésitèrent
pas à apporter protection à ceux tombés du ciel.
Cela leur était naturel
d'aider à leur niveau. Mais fallait-il avoir une forte dose d'inconscience
face aux risques encourus. Ils ne le savaient certainement pas.
L'utilisation de la dénonciation, l'humiliation des otages, la torture,
les déportations des populations civiles, l'occupant s'y connaissait
depuis quatre ans qu'il souillait la FRANCE.
Et puis, ne l'avaient-ils pas déjà pratiqué en 1914 et
1918 ? Et même en partie en 1871.
L'été 1944, la bête nazie était affaiblie mais
pas morte. Dans les jours qui précédèrent l'arrivée
des alliés, des massacres ont eu lieu.
Je penserai aux jeunes de BONNEVILLE, près de DOMART EN PONTHIEU, jetés
tels des pantins désarticulés dans les bois d'ACHEUX EN AMIENOIS.
Le dernier train de déportés
pour l'Allemagne partira de COMPIEGNE le 17 août 1944.
Madame FERTEL de la CHAUSSEE TIRANCOURT, qui vous hébergea, puis ensuite
d'autres aviateurs, sera dénoncée et déportée
à RAVENSBRUCK, là où les sapins du MECKLEMBOURG n'apportent
pas d'espérance.
Peut-être y-a-t-elle côtoyé Germaine TILLION, du parti
communiste français, et la nièce du Général de
Gaulle, Geneviève ANTONIOZ DE GAULLE, femme de foi, qui écrivait
en
1946 : « Dieu, dans le camp de concentration est à la fois immédiat
et infiniment lointain. Il ne pénètre là qu'extérieurement,
comme en enfer et encore, mis à l'isolement au bunker, ce n'est pas
un silence qui me répond mais la misérable rumeur de ma détresse
»
Nous, les descendants de ceux
qui vous ont protégé, qui avons entendu parlé de vous,
vous veniez d'un pays si lointain, nous vous remercions d'être revenu
si longtemps après, nombreux sont ceux de nos familles qui ne sont
plus là.
Nous aurons eu la chance toutefois de vous connaître.
Merci encore Noël et à vos enfants qui vous accompagnent.
Merci à la Municipalité et à l’Association Somme
Aviation 39/45 pour la ténacité de ses recherches.