LE  CAHIER  DE  DOLÉANCES  DE
LA  CHAUSSÉE - TIRANCOURT

Archives Départementales de la Somme. B. 297

Quand j'étais en terminale à l’École Normale d’Amiens, le professeur d’histoire, Monsieur Jean LEFÈVRE, nous avait fait travailler sur le cahier de doléances de la commune de LA CHAUSSÉE-TIRANCOURT, car disait-il, ce cahier était exemplaire.

J’ai donc pensé qu’il était intéressant de le recopier dans son intégralité, me limitant à surligner quelques lignes qui me paraissent importantes.

Cahier de doléances de la paroisse de la Chaussée de Picquigny

Nous touchons au moment où les trois ordres de l'État réunis pour la même cause, quoique divisés d'intérêt vont opérer une révolution dans l'ordre civil et moral des individus. D'un côté, des immunités, des privilèges prescrits par une longue possession, d'un autre, des réclamations fondées sur l'équité naturelle, vont être pesés, discutés en présence du souverain, par les hommes les plus éclairés de la Nation.

Ce moment si désiré des uns, si redouté des autres, va donc changer la face de cet empire.

Quoique les deux premiers ordres de l'État, aient paru en général vouloir se désister de leurs privilèges en faveur du tiers, une partie néanmoins s'obstine encore à vouloir les conserver ; elle ne veut contribuer pour rien aux charges publiques. Est-il équitable que nous portions tout le fardeau des impôts, lorsque le clergé et la noblesse ont seuls part aux grâces et aux faveurs  du souverain ? Les honneurs et les dignités ne suffisent donc pas  à leur ambition ! A quel titre ces deux ordres prétendent-ils s'affranchir des charges pécuniaires et nous y assujettir seuls ?

Est-ce en vertu des services qu'ils ont rendu à la Nation ? Si le clergé a éclairé la France, ne l'a-t-elle pas assez richement doté ? Si la noblesse a versé son sang pour la patrie; avons nous été avare du nôtre? Les armées n'étaient-elles composées que de gentilshommes ? Si cette noblesse a sauvé l'État par sa valeur, n'y avons nous pas contribué par notre amour et notre fidélité envers nos souverains ? Elle avait l'honneur de com­mander, nous obéissions. Nous n'aurions jamais pensé à mettre en problème ses droits; jamais nous n'aurions osé élever nos prétentions jusqu'à exiger d'elle le sacrifice de ses privilèges, si cette noblesse était encore celle qui, combattant pour son pays, servait son Roy de son corps et de ses biens. Qu'est devenue cette antique et généreuse noblesse ? Où sont ces noms si chers aux Français, ces noms si fameux, si redoutés des ennemis de l'État? Nous les cherchons en vain ici; il sont presque tous disparu : nous ne voyons aujourd'hui à leurs places que des hommes qui, étran­gers à la gloire, aux services et aux travaux de ces illustres guerriers, en usurpent les privilèges. Nous nous garderons bien de confondre le corps de la noblesse avec celui des anoblis, nous distinguerons toujours le gentilhomme du noble. Cependant, depuis qu'il est question de donner une existence politique au corps du tiers-état, qu'est-ce qui s'y est opposé le plus vivement ? Les nouveaux nobles ! Des hommes tout récemment sortis d'un ordre où ils étaient à peine remarqués, des hommes qui ont encore un pied dans cet ordre, et que la moindre révolution peut y faire rentrer, des hommes qui ont acheté leurs titres, des hommes enfin que le dernier de nous pourrait égaler si la for­tune le secondait ! Et ce sont ces hommes qui, élevant aujour­d'hui la voix, osent traiter d'insurrection les réclamations fondées du tiers !

Nous avons été opprimés jusqu'à présent, parce que nous ignorions nos droits. Les exemptions, les franchises des deux premiers ordres, nous ne parlons que de celles qui. ont rapport aux impôts, n'ont pour la plupart d'autre origine que la fai­blesse et l'abrutissement du peuple : ce sont des abus invétérés que le temps seul et les lumières de la philosophie devaient un jour déraciner. Puisque ce jour est enfin venu, gardons-nous bien d'assurer et consolider par notre silence et par notre inertie des prétentions que la dureté des grands et l'ignorance du peuple ont perpétuées jusqu'à nous.

L'affluence de nobles et de citoyens revêtus de charges pro­curant la noblesse ou donnant les privilèges de la noblesse, sur­charge nécessairement la classe du tiers-état des impôts dont ils acquièrent l'exemption. Un homme entre dans les vivres de l'armée ou dans les fermes générales, fait une fortune immense et rapide, achète de gros biens, puis aussitôt se procure une charge qui lui donne la noblesse transmissible, l'exempte de franc-fiefs, de taille, de corvée, etc. Le voilà noble lui et ses descendants. Ses arrières petits-fils viendront bientôt nous démon­trer que lés prérogatives dont ils jouissent, sont des récompenses qui leur sont dues en vertu des services de leurs aïeux.

Les immunités du clergé sont-elles mieux acquises? Dans les premiers siècles de l'Église, dans l'enfance de la religion, on a voulu sans doute, pour concourir à son établissement, accorder au clergé des honneurs qui lui attirassent le respect et la sou­mission du peuple. On a donné à cet effet aux ministres des autels, la prééminence sur tous les ordres de l'État, et sur 1a noblesse même. Mais aujourd'hui que la religion est affermie sur des bases inébranlables, que le peuple est convaincu de la vérité de l'Évangile, il est temps d'ôter au clergé des exemptions que la nécessité lui a fait prodiguer et que l'inutilité rend a présent intolérables. Un prêtre d'ailleurs, est dispensé par état de représenter. Son caractère lui interdit toute somptuosité, le luxe des habits lui est défendu, le célibat auquel il s'est voué ne l'assujettit pas à l'entretien d'une famille nombreuse et dispendieuse. Que d'avantages n'a-t-il donc pas déjà sur les séculiers ? Pourquoi voudrait-on que ceux-ci supportassent encore une partie de son fardeau ?

De tous les impôts, il n'en est pas de plus injustement répartis que celui qu'on perçoit pour la confection des chemins publics. La corvée est un assujettissement odieux, dont la con­trainte rappelle encore l'esclavage des Francs dans les premiers teins de la monarchie françoise. On ne retrouve aujourd’hui de traces d'une servitude si avilissante et si arbitraire qu'en Bohême et en Hongrie, où les seigneurs, souverainement despotes, exigent impitoyablement de leurs serfs le cens des travaux de cette nature. Pourquoi faut-il donc que le malheureux paysan fasse et entretienne aux dépens de sa bourse et quelquefois au péril de sa vie, des chemins dont il n'a pas même l'avantage de profiter? Est-ce pour lui que roulent ces voitures publiques, si lourdes, où l'on ne rencontre que des prêtres, des militaires, des jurisconsultes et des négociants? Ces chariots si pesamment chargés lui apportent-ils les productions des îles devenues nécessaires au luxe et à la sensualité des riches ? Voit-il enfin sur sa table reposer ces vins délicieux dont il a facilité le trans­port? non; il est le seul qui n'ait pas le droit de se servir d'un chemin qu'il a baigné de ses sueurs et arrosé de son sang. Encore si, après avoir calculé l'étendue des grandes routes qui couvrent la superficie d'une province, on évaluait le nombre de toises que chaque paroisse doit avoir à sa charge, et qu'alors on désignât à chacune d'elles pour sa part d'entretien, l'endroit le plus voisin de sa position, la corvée serait moins onéreuse ; mais il en est bien autrement ! On sait les rapines et les brigan­dages qui se commettent dans cette partie; sans doute à l'insu des personnes qui sont à la tête de cette administration. Nous demandons qu'on réunisse trois ou quatre paroisses ensemble, et qu'on leur fixe immuablement un nombre de toises de chemin à entretenir proportionné à leurs facultés et voisin de leurs vil­lages. Nous demandons en outre que le clergé, la noblesse et la bourgeoisie, payent leur part de corvée. Les villes devraient entretenir leurs banlieues. Quand on partage le bénéfice de la chose, on doit également en partager la perte, et pour nous servir des expressions d'un des premiers prélats de ce royaume: Quand on a des intérêts communs à poursuivre, on a des charges communes à remplir.

Un plus grand nombre de contribuables, une répartition moins inégale, une perception plus économique des impôts, ne contribueraient pas peu à alléger le fardeau public; mais les sangsues attachées au corps de l'État en suceront toujours le sang. En vain le Roy espère-t-il soulager ses peuples, s'il ne supprime totalement les gabelles, dont l'établissement est le plus onéreux et le plus injuste des impôts, puisqu'il appauvrit les sujets, sans enrichir le souverain. Cette suppression ren­contre à la vérité bien des obstacles. Supposons que les gabelles de Picardie rendent au Roy dix millions par an ; il est évident qu'elles en coûtent au moins seize à la province. Le profit qu'en retirent les fermiers généraux, les appointements des directeurs et autres principaux commis, la paye de deux ou trois mille employés qu'ils sont obligés de soudoyer, devienne un accrois­sement d'impôt pour la province, sans qu'il en résulte aucun avantage pour le trésor royal. Il est vrai qu'en supprimant les gabelles, il faudrait que la Picardie fit toujours le fonds des dix millions que nous avons supposé être sa part de contri­bution. Si le déficit qu'occasionnerait cette suppression était rempli par les biens fonds, le bourgeois qui n'en possède pas aurait seul le profit, et le journalier, qui ne paye aucun impôt et dont les journées sont très chères, vivrait avec plus d'aisance que le petit propriétaire qui serait obligé de contribuer pour sa part à suppléer à ce déficit. C'est ici où naît la difficulté de remplacer le produit des gabelles par un impôt moins onéreux; mais de quelque manière que la province le perçoive, elle est au moins certaine d'avoir pour elle le bénéfice des fermiers généraux, et la paye de leurs commis ou employés, et c'est toujours beaucoup. Nous n'entreprendrons pas d'exposer ici les abus qui se commettent au nom de la ferme. Des citoyens ruinés par des procès quelquefois injustes, des enfants réduits à la mendicité par la détention d'un père pris en fraude, des hommes estropiés ou massacrés en voulant s'arracher des mains des gardes pour conserver leur liberté ; tous ces maux sont connus et suffisent pour engager les États  Généraux à s'occuper d'une réforme si nécessaire au repos des familles.

La partie des aides offre un champ non moins vaste à nos réclamations. Ici les fermiers sont juges et parties. Ne nous ont-ils pas forcé de payer depuis peu d'années, le droit de trop bu? Cet impôt semble n'avoir été établi que pour prévenir l’ivresse en France. S'il n'est pas loyal, on peut dire au moins qu'il est très chrétien. Un cultivateur ne doit boire que cinq muids de cidre par charrue ; tant mieux pour lui s'il n'a pas l'enfants, car si sa famille est nombreuse, nous ne lui garantissons pas sa demi-bouteille par jour.

Nous ne devons pas omettre un autre impôt particulier à cette province, ou du moins à une partie de la Picardie : c'est le vingtième perçu sur la tourbe. Le vingtième se perçoit en raison de la valeur de la terre, et non en raison de ses produc­tions ; or la tourbe n'étant que le fruit de la terre, ne doit pas payer de vingtièmes; ou si vous percevez le vingtième sur la tourbe, vous ne devez plus le percevoir sur la terre.

Vous nous dites qu'après que la tourbe est extraite, le prés est sans valeur. C'est vrai, mais vous ne nous en faites pas moins payer le vingtième sur le prix du prés voisin qui est en pleine valeur, quoique le nôtre soit couvert d'eau, et que trente, quarante, cinquante ans s'écouleront avant qu'il redevienne en valeur. Optez donc, ou laissez nous tout le profit de la tourbe, en dédommagement des quarante à cinquante ans que nous passerons sans rien retirer de nos prés, quoique vous en exigiez toujours le vingtième ; ou si vous voulez partager le profit de la tourbe, attendez que nos prés soient en rapport pour les imposer.

O, vous, Messieurs, qui allez être choisis pour porter au pied du trône les doléances et les vœux du tiers ordre de cette pro­vince, daignez écouter et suivre, autant que les circonstances le permettront, les avis que nous vous offrons !

Persuadés que la force d'un empire consiste moins dans l'étendue de sa population que dans la sagesse de ses lois, que les lois ne font le bonheur et le salut des peuples qu'autant qu'elles sont maintenues et observées scrupuleusement, nous croyons devoir vous rappeler que la loi portée par le souverain ne tire sa force que du consentement des sujets. Conservez donc l'autorité royale dans toute son étendue, respectez les droits du trône, mais ne compromettez pas ceux de la Nation.

Proposez d'abord les moyens que vous croirez être les plus prompts et les moins onéreux pour acquitter les dettes de l'État qui ne sont, il est vrai, que celles de la cour.Avant de consentir à une augmentation d'impôt, demandez quel est l'emploi qu'on en veut faire ; faites vous représenter un état exact des revenus et des dépenses annuelles ; distinguez celles qui sont nécessaires et indispensables, de celles qui tien­nent au luxe, aux fantaisies et à la prodigalité.

Assignez un revenu fixe au souverain, que les dépenses de la cour soient tellement séparées de celles de l'État, que le trésor royal ne soit plus dans le cas de s'épuiser pour fournir au luxe dévorant du trône et â l'insatiable cupidité des ministres et des courtisans.

Rendez le directeur des finances responsable des déprédations du trésor royal qui n'est, strictement parlant, que le trésor national. (Nous ne pouvons supposer qu'il y ait des gens assez méchants pour oser faire ici aucune application. La probité du directeur actuel est si connue, qu'on se rendrait coupable en voulant la justifier). Comme le trésor national est un dépôt formé par les trois ordres de l'État, et que ni les ministres, ni même le Roy ne doivent disposer, sous quelque prétexte que ce puisse être, de la moindre partie de ce dépôt sans le consentement des contribuables, demandez et obtenez qu'aucune pension, ordon­nance ou gratification accordée par le Roy sur la demande des ministres, ne sera payée que sur le bon des membres préposés par les États Généraux, qui examineront si les services ou les talents qu'on veut récompenser ne sont pas trop payés, ou s'ils le sont assez, en réservant de régler lesdites pensions, ordon­nances ou gratifications, en les augmentant ou en les diminuant suivant l'exigence des cas. Vous mettrez par là les ministres dans l'impuissance d'endetter l'État par leurs prodigalités ; ils vous sauront gré un jour d'avoir prévenu les remords de leurs consciences. Ces Messieurs n'ont jamais voulu entendre qu'une grâce qu'ils accordent au nom du Roy pour des services peu proportionnés à l'importance du don, est une injustice qu'ils font à l'État. C'est vider la bourse des malheureux pour emplir celle des riches.

Que le directeur des finances soit tenu de présenter tous les ans à vos préposés, et à une époque indiquée, le montant des recettes et des dépenses de l'année, et qu'après vérification faite, ces préposés se transportent au trésor national pour en constater l'état.

Prenez-y garde, Messieurs, vingt millions d'hommes versent le produit de leurs impositions au trésor national, et un homme, un seul homme en a eu jusqu'à présent le maniement et la disposition ; si par la suite, les deniers publics sont divertis, c'est à vous que la Nation s'en prendra, parce qu'elle vous charge de veiller à leur emploi, en les remettant sous votre garde.

Avant de travailler à l'amélioration des finances, appliquez­-vous d'abord à détruire les abus.

Demandez la diminution des émoluments des hommes en place. Les grandes charges de la couronne et de la cour, celles dont les appointements ne sont point acquis par une finance proportionnée ou mérités par un service pénible, sont dignes de votre attention.

Suivez les ministres jusque dans leurs retraites. Dix mille francs de pension suffisent à ceux qui n'ont été que cinq ans en place, accordez-en vingt à ceux qui y auront été dix ans, trente à ceux qui y seront restés quinze ans. IL faut que les services soient récompensés. Si aucun d'eux y fournit une carrière de vingt cinq ans, O! donnez lui cent mille écus! S'ils ne sont pas dus à ses services, vous les devez à sa persévérance, ou du moins à son heureuse étoile.

Poursuivez sans miséricorde et sans relâche et livrez au glaive de la justice ceux qui se seront rendu coupables de péculat, n'épargnez pas même ceux qui auront fait un trafic odieux de leur crédit ; il en est parmi eux qui reçoivent de toutes mains. On a en exécration ceux qui se sont enrichis dans le minis­tère. On a raison, sans doute, mais leur empressement à saisir toutes les voies qui leur sont ouvertes pour parvenir à la for­tune, n'est-il pas plutôt l'effet du peu de stabilité de leurs places, que celui d'une cupidité effrénée? Les changements fré­quents qu'on voit dans le ministère ne semblent-ils pas les auto­riser à employer le peu de temps qu'ils y sont, à s'enrichir et leurs créatures ? En est-il beaucoup parmi ceux qui les accusent, qui agiraient plus délicatement? non : et rien ne prouve mieux combien il importe à la Nation de donner aux hommes en places des surveillants. Elle pourrait cependant tenir ce lan­gage à la plupart des ministres : Si vous vous excusez sur le peu de temps que vous restez en place, de la nécessité de penser à vous et aux vôtres, pourquoi, lorsque vous quittez le minis­tère n'abandonnez-vous pas en même temps le profit avec l'hon­neur de la place? Vous vous êtes mis en possession de vous réserver une retraite de 40 000 livres. Lorsque vous avez paru au ministère, soit que vous y ayez été un an, ou dix ou vingt, soit qu'on vous ait renvoyé, ou que vous ayez donné votre démis­sion, soit que vous ayez eu des talents, ou que vous ayez été sans capacité, soit que vous ayez bien ou mal administré, soit enfin que vous ayez enrichi ou endetté l'État. On en voit un parmi vous, nous le savons, qui a quitté sa place sans accepter de pension. Les intérêts de son maître, la restauration des finances et la prospérité de l'État, pouvaient seuls l'attacher au ministère. Si la cabale l'en a fait éloigner pour un temps, ses vertus et ses talents l'y ont fait rappeler. La confiance du monarque et l'estime de la Nation, lui tiennent aujourd'hui lieu de récompense.

Les ministres sont les conseillers nés du trône, le Roy ne les appelle auprès de sa personne, que pour s'aider de leurs conseils et s'éclairer de leurs lumières : mais on peut dire que vous l'avez en tous temps très mal conseillé. Vous l'avez toujours conduit dans les ténèbres à la lueur de quelques flambeaux obscurs. Vous avez calculé strictement à quelle distance vous deviez le tenir éloigné de la lumière du jour dont vous redoutiez la trop grande clarté: elle aurait trop démasqué votre conduite ; car n'hésitons point de le dire, la cour depuis longtemps est un champ que vous avez abandonné au pillage. Ministres prévaricateurs ! Si vous eussiez écouté la voix de votre conscience, elle vous criait d'instruire le monarque du désordre de ses finances, du brigandage de ses officiers publics, et de la misère affreuse de son peuple ; elle vous criait d'insister sur la nécessité de réformer sa maison domestique. Qu'a besoin le Roy d'un si grand nombre de chevaux ? Que ne lui représentiez-vous qu'un prince qui veut s'appliquer aux affaires de son royaume, et étudier l'art de bien gouverner, ne doit point chasser tous les jours de l'année? Il suffit qu'il prenne cet amusement une fois ou deux au plus par semaine. Bien loin de lui donner un conseil aussi salutaire pour lui, aussi avantageux pour la Nation, vous avez cherché à prolonger la durée de ses plaisirs, vous l'avez distrait des affaires le plus que vous avez pu, pour vous les approprier ; vous avez voulu régner sous son nom. Vous n'y avez que trop réussi pour le malheur de la France. Mais enfin nous nous lassons de fléchir devant vous: votre règne expire. Si nous avons vu quelques ministres profiter de l'ascendant que leur donnaient leurs places pour chercher à diminuer l'autorité de certains corps dont les entreprises ne tendaient à rien moins qu'à ébranler les fondements de la monarchie, il faut convenir néanmoins que la plupart n'ont eu en cela pour but ni les droits du trône, ni le bien de l'État, ni la sûreté des citoyens, mais il cherchaient seulement à faire valoir leur autorité, contenter leurs fantaisies et assouvir leurs petites vengeances person­nelles.Nous aurions une ample matière à traiter, si nous voulions nous étendre sur les abus qui règnent dans le clergé, le militaire, la robe et la finance. Nous ne pouvons qu'indiquer les plus criants, surtout dans la partie militaire.

N'est-il pas ridicule de payer un gouverneur et un commandant dans chaque province? Le gouverneur d'une province ne saurait-il y commander, ou le commandant la gouverner ? Est-il dû deux mille écus de gratification par mois, outre les appointements courants, aux officiers généraux, inspecteurs divi­sionnaires? Ce traitement n'est-il pas trop considérable, pour des officiers qui n'ont que des ordres à donner ? Un simple offi­cier subalterne, qui n'a que sept à huit cents livres d'appointements, se trouve trop heureux quand il peut y joindre sept à huit autres cents livres de son revenu pour se soutenir au ser­vice ; tandis qu'un grand seigneur qui a 40, 50, 100 mille livres de rente, reçoit des émoluments qui excèdent de moitié les dépenses que nécessite sa place. Que la haute noblesse est dégénérée ! II fut un temps où elle se ruinait, ou s'endettait au service, un vil intérêt ne guidait pas sa valeur. Un accueil flatteur, une distinction honorable, une faveur légère, un regard du sou­verain étaient le prix de ses services. Fière alors de ses titres et de ses vertus, la gloire seule et l'amour de la patrie la rassemblaient sous les drapeaux de Mars. Que ce temps est changé ! Croit-elle nous persuader aujourd’hui qu'elle sert pour l'honneur, quand nous pouvons lui prouver que c'est pour l'argent ?

Les directeurs des aides, gabelles, vingtièmes et finances sont à proportion encore mieux payés. Des hommes sortis pour la plupart de la médiocrité, élevés tout à coup au comble de la fortune, ont quinze à vingt mille francs par an pour vexer les malheureux !

Proposez donc au plus vite la conversion des impôts en un seul impôt; il y aura moins de frais de perception. Avons nous besoin de traitants pour lever et faire parvenir nos deniers au trésor national? Ne saurions nous les percevoir et les y verser nous-mêmes ?

Insistez sur l'établissement de la dîme royale. C'est l'impôt le plus équitable et le seul qui puisse être réparti en proportion de la fortune des individus. Combien de terres possédées par des roturiers, sont soustraites à la taille, parce qu'elles sont inconnues dans les paroisses où résident les propriétaires? Combien de terres omises sur les rôles de vingtièmes, ou possédées par des hommes puissants qui ont un abonnement particulier? L'impôt territorial ! L'impôt territorial ! et tout sera connu.

Faites en sorte que la dîme royale puisse tenir lieu de vingtièmes, taille, accessoires, capitation et corvées, ne vous laissez pas prévenir par toutes les objections qu'on pourra vous faire à ce sujet, ni par la difficulté qu'on fera naître sur la manière de la percevoir, car ceux qui s'opposeront à son établissement, sont à coup sûr, intéressés à ce qu'elle n'ait pas lieu.

On sait ce qu'une généralité produit en vingtièmes, tailles, etc. D'après cela on peut en très peu de temps vérifier si, dans chaque généralité, l'impôt territorial perçu à raison de cinq ou six du cent sur la totalité des terres, prés, bois, vignes, etc., peut remplacer en valeur les impôts que nous venons de désigner. Il suffit pour s'en assurer, de faire crier par les municipalités des campagnes, bourgs ou villes où il y aura des exploitations, la dîme de l'endroit ; on verra bientôt si le produit des fermages de la dîme royale est équivalent aux impôts actuels de la généralité.

On vous objectera qu'il y a des fermes isolées, des exploitations d'abbayes, de communautés qui ne sont point du ressort des paroisses voisines. Répondez que toutes les paroisses qui environnent ces fermes et ces abbayes s'y transporteront au jour pris, avec leurs municipalités, et qu'elles auront le droit de mettre leurs enchères comme les fermiers et les abbayes même.

Puisque le clergé et la noblesse paraissent disposés à faire quelques sacrifices, en notre faveur, suppliez le Roi de montrer le même désintéressement, obtenez l'abolition du droit de franc-fief, de ce droit souvent injuste, quelquefois onéreux et toujours odieux.

Injuste, en ce qu'il se perçoit sur tous les fiefs indistinctement, soit qu'ils aient des mouvances, des droits lucratifs ou honori­fiques, soit qu'ils n'en aient pas.

Odieux, en ce qu'il sépare trop la classe des citoyens honnêtes qui y sont assujettis de celle des nouveaux anoblis qui en ont acquis l'exemption.

Onéreux, en ce que ces fiefs deviennent par là des biens à charge aux propriétaires par la difficulté de s'en défaire au besoin. Il est tel bien fief qui convient à un riche particulier qui ne peut se décider à l'acquérir, à cause des droits du fisc, et le noble qui devrait l'acheter n'en a souvent pas la faculté. Le bien n'est pas vendu faute d'acquéreur, le propriétaire se trouve gêné, et le commercé languit. Outre que ce droit se perçoit tous les vingt ans, chaque mutation eu nécessite encore un nouveau, et l'on a vu des fiefs changer trois à quatre fois, en moins de six ans, de possesseurs par droit de succession.

Le commerce et l'agriculture sont la vraie richesse d'un état ; ce sont deux mines intarissables, quoique sujettes à de terribles variations. Le succès n'est pas toujours le fruit du travail et de la science, l'aveugle fortune s'attache autant aux combinaisons du hasard qu'aux routes tracées par l'expérience. Favorisez donc le commerce, encouragez l'agriculture. Il est une classe de cultivateurs sujette à des vicissitudes que n'éprouvent pas les autres : c'est celle qui exploite les biens de certains bénéficiés. Demandez pourquoi les prieurs non conventuels et les abbés commendataires sont en possession d'annuler les baux de leurs fermiers lorsqu'ils entrent en jouissance d'un bénéfice, et pourquoi ceux-ci sont tenus d'achever leurs baux, si le nouveau titulaire les y oblige? Faites bien remarquer aux représentants de la Nation qu'un bail est un pacte ou convention entre deux personnes mutuellement consentantes à en observer les clauses, et que l'une ne peut se dispenser de les remplir, sans que l'autre y acquiesce. Autrement l'une d'elles serait seule lésée, car il est hors de doute que M. le prieur en entrant en possession de son bénéfice, commencera par en faire afficher les terres, et écoutera les offres. Si elles n'excèdent pas le « rendage » du fermier, il le contraindra d'achever son bail ; si au contraire, il trouve une augmentation quelconque, on sent bien que le primo nihi sera prononcé sur-le-champ. M. le prieur fera son profit d'abord, ensuite le fermier cherchera le sien.

On a souvent agité cette question : est-il avantageux pour l'État, d'empêcher les prieurs et les abbés commendataires, d'annuler les baux de leurs prédécesseurs, et n'est-ce pas un abus de leur en laisser le pouvoir? On est convenu assez généralement que le droit des abbés était contraire á la saine raison, et préjudiciable au bien de l'État et des particuliers. On dit, il est vrai, et on ne cesse de le répéter, que les gens de main morte, toujours avides de jouir, exigeant des pots de vin considérables, diminuent par-là, la redevance annuelle, ce qui porte préjudice á leurs successeurs, et que le seul moyen de remédier á ce désordre est de laisser á ceux-ci le droit d'annuler les anciens baux. Pour appuyer ce raisonnement, on ajoute que, le bénéfice devenant le bien du nouveau pourvu, il lui est libre d'en disposer dés le moment qu'il y est nommé, et que ce serait un abus d'en laisser la jouissance au fermier. Il y a bien des choses á répondre á cela. Si c'est un abus de laisser jouir le fermier, n'en est-ce pas un autre de le chasser lorsqu'il a donné son argent ? Or, de deux abus, ne doit-on pas toujours détruire le plus nuisible ? Comment d'ailleurs un bénéfice est-il le bien de celui qui en est pourvu ? Qu'est ce qu'un bien qu'on ne peut aliéner, et dont on ne peut pas même échanger la moindre parcelle ? C'est simplement un usufruit. Nous en distinguerons de deux sortes, l'un à vie et l'autre fixé à certain terme. Celui de l'abbé est donc du premier genre, et celui du fermier pour un temps limité qui ne peut excéder neuf ans. Il s'agit de savoir maintenant, lequel des deux est le plus sacré : celui du fermier paraît mériter la préférence, puisqu'il est le premier jouissant. On objecte en vain, qu'il ne paye pas la valeur du bien, que le pot de vin qu'il a donné est un acte désapprouvé par les lois, que d'ailleurs le nouveau pourvu est censé ignorer une convention tacite et injuste á son égard. Pourquoi, répondrons-nous, le prédécesseur a-t-il mis le fermier dans la nécessité de transgresser la loi? c'est à lui qu'il faut s'en prendre. Mais où est donc le grand mal qu'un abbé soit privé pendant quelques années du tiers ou du quart des revenus d'un bénéfice, de la totalité desquels il s'était passé jusqu'alors ? Quoi? Parce que M. l'abbé est un homme de haute qualité, il lui faut quinze ou vingt mille francs pour prier Dieu ! Mille écus de moins, l'empêcheraient de dire son bréviaire! Lorsque la majeure partie de sa famille attachée au service du prince, s'expose á toutes les fatigues et aux périls de la guerre, s'abandonne á la fureur des éléments pour une modique paye, eh ! Qu’il se contente d'un sort trop doux pour un homme qui a renoncé aux richesses, et qu'il cesse de s'abreuver du sang des malheureux ! N'est-ce pas odieux et affligeant pour l'humanité, de voir un honnête cultivateur, chargé d'une nombreuse famille, ruiné totalement par l'avarice d'un homme qui a fait profession d'être charitable ? Est-il donc indifférent á l'État, que huit à dix enfants qui auraient pu le servir dans différents emplois, soient inhumainement réduits à l'opprobre et à la misère ? Quelle perte pour l'agriculture, pour le commerce, pour les arts, et pour la population ! Mais vous, M. l'abbé, qui, renonçant au monde avez fait vœu d'ensevelir votre postérité avec votre nom, qu'importe á l'État que vous existiez? Ou plutôt que ne lui importe-t-il pas que vous le débarrassiez au plus vite du fardeau de votre oisiveté, et que vous ôtiez de ses yeux le tableau scandaleux de votre avarice, de votre inhumanité et peut-être de vos dérèglements et de votre irréligion ! C'est ici l'occasion de donner la preuve du pouvoir abusif des abbés. Parmi tant d'exemples, nous n'en citerons qu'un seul, presque récent, dont la noirceur a provoqué l'indignation publique.

L'abbaye de Saint-Jean d'Amiens, ordre des Prémontrés, possède á quelques lieues de cette ville, vers l'Artois, une exploitation immense divisée en six fermes. M. l'abbé de Crillon était pourvu de cette abbaye. Au renouvellement des baux, voulant tirer un pot de vin considérable des fermiers, il eut la perfide générosité de leur proposer des baux à vie. Jamais proposition ne fut mieux accueillie. On échange sur-le-champ des baux pour un pot de vin. Que fait, alors M. de Crillon? Dans l'année même, il remet au Roy son abbaye pour en obtenir une plus riche. Les fermiers étonnés d'un procédé aussi leste, ont répété leur vin. M. de Crillon se boucha les oreilles. Ces malheureux cultivateurs trompés si lâchement ont eu recours á la justice : la cause fut portée aux tribunaux, plaidée et emportée d'emblée par M. de Crillon. C'est ainsi que, sous la protection des lois civiles, un ministre de l'Évangile a donné á toute une province le spectacle scandaleux de l'avarice la plus infâme et de l'injustice la plus révoltante. On l'a déjà dit tant de fois, répétons le encore : les curés et les vicaires, restreints pour la plupart á une modique rétribution, portent seuls le fardeau du sacerdoce, tandis que le haut clergé s'empare des dignités et des richesses de l'Église.

Nous terminerons nos doléances par demander une réforme dans l'administration de la justice. Bornez l'autorité ambitieuse des parlements, réduisez les á leur institution primitive, aux fonctions de la justice. Ce corps, trop entreprenant aujourd'hui, ne s'oppose aux innovations souvent nécessaires du ministère, que pour paraître soutenir les droits du peuple et protéger la liberté des citoyens, en se rendant en quelque sorte l'arbitre de la Nation. Sous prétexte de nous arracher à la tyrannie ministérielle, peut-être ne cherche-t-il qu’à nous réduire sous le joug parlementaire ; despotisme bien plus á craindre ! Quand la cause des parlements s'est trouvée liée á celle du peuple, ils ont toujours pris chaudement ses intérêts, mais quand elle en a été séparée, ils l'ont abandonné. On peut se défier d'un corps dont l'esprit de parti, l'envie de dominer, et l'intérêt particulier, ont depuis quelques terris dictés les délibérations.

Obtenez la recréation des grands bailliages, ne vous arrêtez pas aux clameurs des parlements et de leurs adhérents. Laissez les s'épuiser en remontrances déclamatoires pour vous prouver les inconvénients qui en résulteraient. Autant vaut-il que nous perdions un procès chez nous, que d'aller nous ruiner pour l'acheter á Paris plus que sa valeur.

Demandez un nouveau code criminel. Si les parlements tiennent á l'usage de la sellette, rappelez leur que, par ignorance ou par prévention, ils y ont fait asseoir les Calas, les Sirven, les Monbailly, et les trois innocents sauvés par le courage et l'éloquence d'un magistrat dont nous pleurons encore la perte.

Avant la dissolution des États Généraux, formez une commission intermédiaire permanente, composée de vingt membres au moins. Que cette commission réside toujours á Paris et s'assemble régulièrement une fois par semaine.

Qu'elle soit autorisée á régler tout ce qui sera de la compétence des États Généraux, d'après les instructions qu'ils lui auront laissés. Que la connaissance des affaires d'une importance majeure soit réservée aux seuls États Généraux assemblés.

Que ces États Généraux soient convoqués tous les cinq ans, et chaque fois que les besoins pressants de l'État l'exigeront. Que votre commission intermédiaire ait deux greffiers :l'un pris dans l'ordre du clergé ou de la noblesse, et l'autre dans celui du tiers-état ; qu'en cas d'absence ou de maladie, ils aient chacun un substitut pour les représenter.

Qu'il ne puisse être rien arrêté par la commission qu'il n'y ait au moins seize membres présents aux délibérations, dont quatre du clergé, quatre de la noblesse et huit du tiers-état.

Que tout ce qui aura été délibéré et arrêté par la commission soit consigné sur les registres de chaque greffier.

Nous demandons l'abolition du tirage forcé de la milice. Ne sommes-nous pas assez grevés d'impôts, sans ajouter á nos charges par une levée d'hommes, dont la perte devient le tour-ment de nos familles ? Puisque nos voisins ont le droit de payer en argent cette contribution, pourquoi sommes-nous obligés de contribuer de nos personnes? N'est-il pas injurieux pour une nation aussi franche, aussi généreuse qu'est la nôtre, dont la fidélité et l'attachement á ses souverains ne se sont jamais démentis, d'être forcée de subir le sort ? Le Roi doute-t-il donc du zèle des sujets de cette province, et de leur dévouement au  service qu'exigent la sûreté et la tranquillité de l'État ? N'est-il pas contre toutes les règles de la convenance et de la politique qu'un citoyen honnête, un fils unique, abandonne ses biens, ses possessions, laisse une mère en viduité, des frères en bas âge, pour suivre un état pour lequel il n'a que de la répugnance? On veut, dit-on, forcer par là les jeunes gens á se marier, pour accroître la population. La France manque-t-elle donc de sujets ? La population trop étendue n'est-elle pas quelquefois plus á charge que nécessaire á un état? Jugeons en par la disette qui se fait généralement sentir aujourd'hui dans tout le royaume. Les besoins sont pressants, les ressources s'épuisent, le pain manque, et les bras sont sans travail. Comment veut-on d'ailleurs encourager la population, en enlevant á un père de famille, un fils à peine arrivé à pas lent à cet âge où ce père peut espérer que les secours qu'il a le droit d'attendre de son fils vont le dédommager des dépenses qu'il a faites pour élever son enfance et des peines et des soins qu'il a donnés á son éducation ?

Nous demandons que, par la suite, les régiments provinciaux soient composés de sujets de la province enrôlés volontairement, et que dans les villes, bourgs et paroisses de campagnes, le tiers-état contribue à la levée des soldats en proportion de ses facultés. II est juste que celui qui a plus de possessions á conserver, paye plus les hommes qui lui garantissent la jouissance paisible de ses propriétés.

Tels sont les objets que la communauté de La Chaussée entend être présenté aux États Généraux assemblés, à la sagesse desquels, ainsi qu'aux bontés du Roy pour son peuple, et aux vues patriotique du ministre actuelle des finances, ils s'en rapportent entièrement, persuadé qu'en ses États Généraux ils ne s'occuperont que du bien commun des peuples, et particulièrement de la classe la plus indigente de l'État.

Fait et arrêté á La Chaussée le vingt et un mars mil sept cent quatre-vingt-neuf.

Signé: Thuillier de Monrefuge, Jean-Baptiste Fouache, Mercier, Barbier , Thuillier, Honoré Lenoir, Canteleu, Vasseur, Brunet, Chambellant, Cherville, Deflandre, Mercier, Barbier, Malet, Barbier, Pierre Ravin, Augustin Lenoir, Jean-Baptiste Brunet, François Depoix, Cauchy, Pierre Hulot, Jean-Baptiste Horville, Jean Diu, Bondois, François Guillerand, Bernard, Montigny.

Procés-verbal d'élection. COMPARANTS : Pierre-Charles-Pascal Thuillier de Monrefuge, Jean-Baptiste Fouache, Jean-Baptiste Mercier, Pierre-Louis Thuilier, Jacques Barbier, Honoré Lenoir, Blimont Canteleux, Martin Vasseur, Ambroise Brunet, Jean Chambellant, Charles Horville, Martin Deflandre, Augustin Mercier, Charles-François Barbier, Eloy Malet, Agatange Barbier, Pierre Ravin, Augustin Lenoir, Jean-Baptiste Brunet, François Depoix, Jean-Baptiste Cauchy, Pierre Hulot, Jean-Baptiste Horville, Jean-Baptiste Dieu, Jacques Bondois, François Guillerand. DÉPUTÉS : Pierre-Charles-Pascal Thuillier de Monrefuge, Jean-Baptiste Fouache.