LA  CAMPAGNE  DE  FOUILLES  1983
À  LA  CHAUSSÉE-TIRANCOURT

Article d’Alain DUVAL, Conservateur du Musée de Saint-Germain en Laye,
paru dans le bulletin municipal de la commune, en décembre 1983.

Le grand public a été alerté par le projet " SAMARA " qui consiste à aménager le versant nord de la vallée de la Somme à la hauteur de La Chaussée-Tirancourt. Ce projet concerne en particulier le camp fortifié dit "de César" qui se présente sous l'aspect d'une avancée du plateau crayeux coupé d'un rempart, ce dernier étant lui-même précédé d'un fossé. Ce type de site appelé " éperon barré " est caractéristique de certains habitats de l'âge du fer ( époque gauloise ) en: France, aussi bien que dans d'autres pays d'Europe (Angleterre, Belgique, Allemagne, Tchécoslovaquie, etc...). Dans ce cas on le qualifie d'oppidum, terme utilisé par César dans sa description de la Gaule au moment de la Conquête.

Les archéologues, et en particulier la Direction des Antiquités Historiques de Picardie,ont pensé que face à ce projet qui concerne l'oppidum de La Chaussée-Tirancourt, on se devait de déterminer la nature du site et du rempart qui le défend, rempart spectaculaire au point de faire du Camp de César l'un des plus connus de l'Europe celtique. D'où la programmation à partir de cette année de sondages exploratoires effectués dans les conditions scientifiques les plus rigoureuses.

Ces fouilles ont donc pour but d'étudier la structure des systèmes de fortification et leurs relations avec l'habitat : elles feront l'objet de publications et pourront donc être utilisées par les chercheurs français et étrangers spécialistes de l’archéologie celtique. D'autre part, dans l'éventualité de la réalisation du projet " SAMARA " elles serviront de références scientifiques et permettront un aménagement du site conforme à la réalité historique. Soucieux de s'adresser á un large public d'amateurs, les archéologues n'entendent pas moins effectuer leurs travaux en toute indépendance.

Commencés pendant l'été 1983, les travaux ont commencé sous les meilleurs auspices. L'accueil fait aux archéologues a été en effet très chaleureux tant de la part de la population de la commune que de la part de la municipalité de La Chaussée-Tirancort. Les propriétaires des terrains concernés par les fouilles ont démontré leur intérêt pour les recherches des archéologues et doivent être remerciés, notamment M. de FRANQUEVILLE. Par ailleurs, les résultats s'annoncent très prometteurs l'oppidum se révèle gaulois et non pas romain comme le laisse entendre son nom "Camp de César". Le rempart appartient donc aux Celtes qui habitaient la Gaule septentrionale ou Gaule Belgique, et peut être daté du 1er siècle avant J.C. Il parait toutefois avoir été construit en plusieurs étapes étagées dans le temps et s'être transformé : au départ simple levée de terre et pierres plusieurs fois rechargée, dans une période ultime il s'agit d'un véritable mur en pierres de dimensions notables.

Aussi considérable et spectaculaire l'état actuel du site soit-il, il n'évoque donc que de très loin la fortification de dimensions énormes et de construction complexe qu'ont édifié nos ancêtres de la cité gauloise des Ambiens. On peut donc déjà affirmer que la poursuite des travaux qui toucheront en particulier 1e grand fossé et les systèmes d'entrée offrira aux spécialistes et au public des résultats d'une portée considérable: ce n'est que depuis peu d'années qu'en France on ose étudier complètement ces structures gigantesques et difficiles à fouiller ; et La Chaussée-Tirancourt est l'une d'entre elles. Son intérêt scientifique est encore valorisé par la présence identifiée dés cette année d'un habitat situé à proximité immédiate, caractérisé par des trous de poteaux, foyer, silo.

Ces travaux n'en sont encore qu' à leur début. Il faudra certainement encore deux ou trois années de fouille pour que notre connaissance de la fortification soit suffisante. A ce moment là, l'immense levée de terre aura repris son aspect originel: les habitants de La Chaussée-Tirancourt, comme les touristes pourront dès lors, à partir de la documentation des archéologues s'imaginer, l'état antique qu'avait le Camp de César, leur lieu de promenade favori.

Les fouilles de 1983 ont eu lieu près de la Porte de Fer.
Actuellement , il y a un parking, on voit une tache blanche.
Photo Roger Agache. Ministère de la Culture
 
Article Courrier Picard
 
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