UNE  GRANDE  RÉSISTANTE : GENEVIÈVE  FERTEL

Le sauvetage d’un aviateur allié
 Article du "Journal d'Amiens" (23 décembre 1943 )

A quelques kilomètres de La Chaussée-Tirancourt, le 21 décembre 1943, tombait près de Crouy, suite à une panne, un avion de chasse anglais. Le pilote : Noël James HELEAN, néo-zélandais (Flight Sergeant HELEAN N.Z. 414288 RAF 35) fut ramené à La Chaussée-Tirancourt par Marceau FERTEL qui faisait du bois non loin de là et qui avait vu l’avion se poser en catastrophe. Marceau FERTEL ramena le pilote, d’abord chez lui, puis chez sa mère Geneviève FERTEL qui habitait Rue de la Carrière avec ses 2 autres fils : Raymond et Gilbert.

Document Dany Dheilly

Les Allemands ayant eu des « soupçons »…, le pilote fut dirigé le 24 décembre vers une autre cachette. Marceau et Raymond quittèrent la commune. Geneviève et son fils Gilbert s’occupèrent encore en mars 1944 de deux autres parachutistes hébergés chez M. et Mme DUCROTOY- LOYER de Vignacourt. Gilbert s’occupa de leur fournir des fausses pièces d’identité qui leur permirent de rejoindre l’Angleterre. Tout cet ensemble de faits fit resserrer la surveillance allemande sur la maison de Geneviève.

Geneviève et ses enfants
De gauche à droite : Raymonde, Raymond, Marceau, Robert, Gilbert

 
Geneviève et ses fils en 1969 : Raymond, Marceau, Robert et Gilbert
Dénoncée aux Allemands…
Le 3 juin 1944, Geneviève, son fils Gilbert et sa jeune épouse étaient arrêtés par les Allemands. Gilbert et sa femme purent s’enfuir à Paris le 9 juin 1944. Ils furent cachés du 30 juin au 20 septembre 1944 à l’Abbaye du Val Duc, par Salive, dans la Côte d’Or (Groupe mobile «Tarzan»). Ils purent revenir au village le 30 septembre 1944.
Moins heureuse, Geneviève fut envoyée au camp de Ravensbrück. Après un transport interminable, sous une chaleur torride, dans des wagons à bestiaux plombés où l’on comptait les morts par dizaines, elle a connu l’atrocité des camps de concentration. Elle resta à Ravensbrück jusqu’à son retour à La Chaussée-Tirancourt, le 14 mai 1945. Elle fut très méritante car il est à noter que dans un petit village, occupé par l’ennemi, où tous ses gestes étaient épiés, c’était réellement faire acte d’un grand courage que de donner asile à un soldat allié !
Les trains de la mort…
Pour survivre, elle était parfois obligée de se nourrir avec une soupe de pissenlits. A son retour, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, ne pesant que 42 kg pour un poids normal de 77.

L’horreur des camps

Quelque part en France, derrière les barbelés des milliers de prisonniers attendent…
Derrière ce regard, l’angoisse…
A chaque fois que les militaires libéraient un camp, c’était le même spectacle qui s’offrait à leurs yeux : restes en vrac de ce qui avait été des humains, tas d’ossements, chambres à gaz, salles de tortures, potences, fours crématoires…

Le 29 Avril 1945, un officier écrit dans son rapport : « Il n’existe pas dans la langue française de mot pour exprimer, ne fut-ce que superficiellement, ce qu’est le camp de concentration de Dachau ». Et les survivants ? Dans quel état sont-ils ? Malades, affaiblis, maigres, ce ne sont que des épaves ; la moyenne de poids dans les camps est de 40 kg.

Pourquoi, et au nom de quel principe, une race s’est-elle senti le droit de supprimer ses semblables ? Des millions de juifs, tziganes et autres ont été exterminés entre 1939 et 1945. En France, on considère que sur environ 150 000 déportés pour cause de résistance ou de discrimination raciale, 40 000 seulement sont rentrés d’Allemagne. Les autres sont morts ou disparus sans laisser de trace. Chaque année, le 26 Avril, depuis 1954, c’est la commémoration du Souvenir des victimes et des héros de la Résistance au cours de la guerre 1939/1945.

Bracelet matricule de Geneviève dans le camp de concentration

Une femme courageuse

Geneviève FERTEL était née le 31 Août 1895 et s’était mariée en 1912 avec Albert FERTEL. Elle est officier de la Légion d’Honneur, titulaire de la Croix de Guerre avec palmes, sous-lieutenant des Forces Françaises Libres, citée à l’Ordre de la Nation.

Geneviève reçoit les insignes d’Officier de la Légion d’Honneur.
 
Maître Collot, notaire à Picquigny, son parrain, Pierrre BONDOIS, Maire de La Chaussée-Tirancourt, Geneviève FERTEL
Photo Annie FERTEL
Jeune mariée, elle connut les difficultés de la première guerre mondiale et dut faire face aux difficultés et aux angoisses qu’entraînait le séjour au front de son mari, exposé en première ligne aux dangers de la vie des tranchées où il fut d’ailleurs blessé. Alors que l’invasion nazie déferlait, le 20 Mai 1940, ce fut le drame : la mort brutale en service commandé du chef de famille. C’est alors que Geneviève donna la véritable mesure de sa grandeur et de sa fermeté. Hébergeant, cachant les soldats de la clandestinité dont faisaient partie ses enfants, elle hébergea un aviateur néo-zélandais qu’elle abrita, réconforta pendant quelques jours.
Dénoncée par la suite, elle fut incarcérée à la citadelle d’Amiens où elle fit la connaissance d’amies qui allaient devenir inséparables: Sylvie BACON et Mme HERBET, avec qui elle partagea jusqu’à la Libération les mêmes misères, les mêmes supplices, le même calvaire. Ensemble, elles quittèrent la citadelle pour le fort de ROMAINVILLE, antichambre de la déportation. Avec courage, Geneviève ne dévoila jamais la filière qui lui avait permis de faire évader l’aviateur. Déportée, elle resta 15 jours à la prison de SARREBRUCK où elle assista impuissante à des scènes de tortures infligées par les nazis.
Elle arriva au camp de RAVENSBRUCK le 7 juillet 1944. Et ce fut la vie d’enfer, la promiscuité des camps, sous les coups allant jusqu’au massacre et à l’assassinat, et un nouveau départ pour un commando dit d’anéantissement, à SCHOENFELD, dans une usine d’aviation où l’aménagement scientifiquement organisé, d’un régime alimentaire déficient, et de la fatigue poussée à l’extrême limite, avaient raison en 8 à 10 mois des femmes les plus solides.
Heureusement, l’avance alliée entrava cette sinistre entreprise et ce fut la débandade vers les forêts de la région de POSTDAM et d’ORIANENBOURG qui permit, au prix d’aventures indescriptibles dans leur horreur, leur libération par les troupes américaines. Libérée, elle eut la joie de retrouver sa famille au complet. De 1945 à 1981, elle milita, au sein d’une association d’anciens déportés, afin de montrer aux jeunes et moins jeunes les crimes de l’idéologie nazie, dénonçant le retour possible de cette horreur que fut le génocide hitlérien.

Statistique de la Déportation

Document Jacques FOURE
A D Amiens 2805 2009 22 J 90 base Vasselle 153


Depuis 1983, une rue de La Chaussée-Tirancourt porte son nom. Le Conseil Municipal souhaitait ainsi rendre hommage à Geneviève Fertel mais aussi à tous les résistants déportés à Auchwitz, Dachau, Sruthof, Bergen-Belsen, Postdam, Bora, et dans bien d’autres camps d’extermination.
Inauguration de la Rue Geneviève FERTEL, en présence de M. COZETTE, Président de l’Association des Déportés de la Somme, d’André SEHET, Maire, et de nombreuses personnalités.
 
Article Courrier Picard 1962
 

Document Dany DHEILLY
Archives Départementales de la Somme AD 26 W 594