LA
GUERRE DE 1870 À LA CHAUSSÉE-TIRANCOURT
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La France déclare la guerre à la Prusse le 19 Juillet 1870. Très rapidement une grande partie de la France est envahie. Napoléon III se fait enfermer dans SEDAN et capitule le 2 septembre. L’Empire tombe à la nouvelle du désastre.
Le 4 septembre, l’Assemblée proclame la déchéance de Napoléon III et l’établissement de la République. L’ennemi est à Laon le 9 septembre. GAMBETTA, parti de Paris, assiégé, en ballon, atterrit près de Clermont, passe à Montdidier et vient à Amiens. Quelques jours après les Prussiens sont dans la Somme.
Le
26 novembre 1870, des ordres sont envoyés d’Amiens au maire de
Picquigny afin que ce dernier fasse sauter les ponts de la Somme. Les 26 et
27 novembre, des combats ont lieu près d’Amiens. Les Prussiens
font le siège de la citadelle dont le commandant VOGEL trouva une mort
glorieuse.
Le 27, le Préfet LARDIÈRES s’enfuit d’Amiens.
Le 28, reddition de la ville d’Amiens et fuite des troupes françaises.
Le 2 décembre, arrivée des prussiens à Picquigny. Ils
pressent le Maire de faire reconstruire les ponts. Ils font sauter le pont
de chemin de fer entre Picquigny et Saint-Pierre-à-Gouy. Ils brisent
les fils du télégraphe, enlèvent les rails et les jettent
dans la rivière.
Le 23 décembre, une bataille se déroula autour d’Amiens
; les Prussiens sont au sud de la Somme aux prises avec l’armée
du Nord commandée par FAIDHERBE. Une colonne est érigée
à Pont-Noyelles à l’endroit où Faidherbe faillit
réussir à vaincre l’ennemi. D’importants combats
eurent également lieu à Dury.
Dans
le courant du mois de décembre, les Prussiens font des réquisitions
à Picquigny et s’installent chez l’habitant.
Le 21 décembre, 12 hussards sont envoyés d’Amiens, pour
faire une réquisition de fourrage à Picquigny. Comme ils y étaient
déjà venus plusieurs fois faire des réquisitions, M.
DEROUVROY, Maire de Picquigny les envoya… à La Chaussée-Tirancourt
! On raconte que pendant que le Maire les conduisait chez les cultivateurs
pour faire leur réquisition, une soixantaine de Francs Tireurs arrivèrent
incognito dans le village et firent feu sur les Prussiens là où
ils les rencontrèrent. Les Prussiens prirent la fuite, les Francs Tireurs
les poursuivant à coup de fusils. Un soldat fut tué dans les
prés, deux autres sont blessés. Ils ont tué également
3 chevaux et en ont blessé 2. Parmi les chevaux tués, un est
tombé à la porte de Fulgence FOUACHE. Mon père, André
Sehet se souvenait avoir vu un trou de balle datant de cette époque
dans la grand-porte de la maison des demoiselles FOUACHE, maison qui a brûlé
dans les années 1960. Le deuxième cheval fut tué devant
chez Hilaire PAUCHET et le 3ème dans la vallée Saint-Martin.
5 Prussiens furent pris par les Francs Tireurs et emmenés prisonniers.
Un des deux soldats blessés a été conduit à l’hôpital
de Picquigny, l’autre étant emmené à Flixecourt
dans la voiture de Nicolas GAVOIS de La Chaussée-Tirancourt. Les Francs
Tireurs furent regardés comme une horde de brigands : ils pouvaient
prendre les 12 Prussiens sans chercher à les fusiller dans le village
et tirer sur leurs chevaux à bout portant. Sitôt après
la catastrophe des Francs Tireurs, qui eut lieu à une heure d’après
midi, un grand nombre de personnes effrayées de ce qui venait d’avoir
lieu, se sauvèrent de la Chaussée et allèrent passer
quelques jours chez des habitants de pays voisins pour se soustraire à
l’arrivée
des Prussiens, qui eut lieu le lendemain et dont on redoutait l’approche.
Le lendemain, en effet, les Prussiens arrivèrent en très grand
nombre, de très bonne heure à La Chaussée. Ils entrèrent
dans les maisons qu’ils pillèrent : ils prirent du linge, de
l’avoine, etc. Ils brisèrent les vitres et les portes des maisons
où il n’y avait personne, à coups de crosse.
Cela fait, ils emmenèrent le maire, Mr LOGNON Alphonse, son adjoint
Arsène DEFLANDRE, les deux gardes champêtres ainsi que Fulgence
FOUACHE et son fils Edouard à Amiens, à la citadelle, où
ils restèrent captifs quatre jours.
Il est bon de rappeler que parmi les 12 Prussiens qui ont été
assaillis par les Francs-Tireurs, 4 échappèrent à leurs
poursuivants et se rendirent à Amiens où ils déclarèrent
à leurs officiers supérieurs que les habitants de La Chaussée
avaient tenu cachés chez eux les Francs tireurs. Leur rapport était
mensonger puisque ces derniers étaient à Belloy au moment de
l’arrivée des Prussiens à La Chaussée.
Le lendemain le village a failli être l’objet de représailles,
en effet, de grand matin les Prussiens arrivèrent en très grand
nombre avec l’ordre de piller et de brûler le village. Heureusement
une enquête fut faite pour savoir comment les choses s’étaient
passées. Les filles d’Arsène RETHORE vinrent témoigner
aux Prussiens que c’était leurs hommes qui étaient de
faction sur la route de Belloy qui avaient quitté leur poste pour aller
au cabaret d’Irénée FOURNY et qu’ils étaient
là, à jaser avec Rosa DUPONTREUE au moment où les Francs
Tireurs sont arrivés par la route et se sont introduits par groupes
dans le village. Il est évident que si les Prussiens avaient été
de faction sur la route, que les Francs Tireurs ne seraient pas arrivés
dans le pays sans qu’ils ne les vissent venir.
Le 23 décembre, les Prussiens occupent La Chaussée et se logent chez les habitants. Le 28 janvier 1871, Paris capitule après un peu plus de 4 mois de siège héroïque. La Picardie est occupée. Le 8 février, le pays est sommé par les Prussiens à une contribution de guerre importante(21 000 F ?) Les habitants sont priés par l’ordre du maire de présenter leurs mémoires à la maison commune afin de savoir à quel chiffre s’élève tout ce qui a été fourni aux Prussiens tant en nourriture qu’en avoine et fourrage depuis leur arrivée à La Chaussée somme à déduire sur les 21000F demandés par eux.
Le 24 février 1871, le Conseil Municipal de La Chaussée-Tirancourt
se réunit avec les contribuables les plus imposés de la commune
au sujet du paiement immédiat de la contribution de guerre imposée
aux communes du département par l’autorité prussienne.
Après en avoir délibéré, le conseil consent à
ce que M. Dauphin, Maire d’Amiens membre du Conseil Général
agissant au nom et comme mandataire de la commune de La Chaussée-Tirancourt
et des autres communes du département contracte aux meilleures conditions
possibles et avec la solidarité entre toutes les communes un emprunt
de la somme nécessaire pour acquitter la contribution de guerre actuellement
imposée par l’autorité prussienne et dont le chiffre sera
prochainement arrêté.
Tous les pouvoirs sont donnés à Mr le Maire d’Amiens pour
réaliser cet emprunt et l’assemblée prend l’engagement
solidaire avec les autres communes de rembourser en principal et intérêts
cet emprunt au moyen de ses recettes ordinaires et des ressources extraordinaires
déjà existantes ou qui seront créées ultérieurement
par voie d’imposition locale ou autrement. La commune sera imposée
de 4709 F pour sa part dans la contribution de guerre. A deux reprises la
commune devra payer la somme de 370 F pour les officiers prussiens en résidence
à Picquigny.
Le 8 juin, départ
général et fin de l’occupation prussienne à La
Chaussée. Le 22 juillet, départ général des troupes
prussiennes logées à Amiens.
On racontait en 1871 que le souvenir des prussiens, à La Chaussée
ne s’oublierait pas de si tôt ! Il a été livré
12 vaches et une cinquantaine de moutons aux Prussiens pendant leur séjour
à la Chaussée. Ce qui s’est passé de plus indigne
pendant l’occupation prussienne, racontait-on, fut l’abandon de
quelques filles sans délicatesse qui ont eu la bassesse de recevoir
des présents de la part des Prussiens et qui se sont laissées
cajoler par eux ! ! !
L’hiver 1870/1871 fut très rigoureux, en janvier, il fit jusqu’à moins 20°. La neige couvrit longtemps la terre ; c’est ce qui poussa les Prussiens à voler les portes des jardins et à prendre du bois partout pour faire du feu. C’est sans doute dans la soirée du 25/01/1871 qu’ils causèrent le plus d’effractions : ce soir là, ils firent une guerre sans pareille aux poules dans les poulaillers…
De nombreux militaires ont été faits prisonniers pendant cette guerre ; parmi eux, un habitant de La Chaussée-Tirancourt : DOMONT Camille, ce dernier, âgé de 22 ans, soldat au 43° Régiment de ligne français mourut du typhus abdominal à « l’ambulance » du camp de Lechfeld en Bavière le 16 juin 1871.