MARC  DANS  LE  PUITS

Le nommé Marc GRICOURT, puisatier de Picquigny s’est trouvé englouti dans le puits de Joseph GUILLERAND, suisse de La Chaussée du 1er au 5 avril 1842.
Il était en état d’ivresse quand il descendit dans le puits pour le nettoyer. Il n’y avait qu’un instant qu’il était descendu dans le puits quand il appela au secours. Il ne se trouva là personne assez hardie pour descendre dans le puits. On s’empressa d’aller à Picquigny apprendre cette fâcheuse nouvelle à sa famille.
Un jeune homme de Picquigny arriva des premiers sur les lieux et descendit dans le puits. Il trouva Marc debout, adossé contre la maçonnerie, ayant les jambes prises dans les pierres jusqu’aux genoux. En face de lui, se trouvait un large trou dans la maçonnerie par lequel, il descendait une masse croulante de graviers. Le jeune homme chercha à débarrasser les jambes de Marc mais il n’en vint pas à bout. Il remonta donc du puits.
Le nommé André de Picquigny, ami de Marc qui avait travaillé avec lui dans les carrières s’empressa de venir à son secours. Il descendit dans le puits et vit qu’il n’y avait pas possibilité de toucher à rien ; il remonta aussitôt et dit que Marc était en grand danger. Il demanda de la paille, des planches et des soliveaux et descendit de nouveau dans le puits et on lui envoya ce qu’il avait demandé. Il boucha avec de la paille et du foin la large ouverture qui s’était faite dans la maçonnerie et étançonna pour empêcher de nouveaux éboulements de se produire.
Ce jour-là, se passa sans qu’on put faire grand chose pour délivrer ce malheureux.
Le lendemain, il se fit de nouveaux éboulements au moment qu’André travaillait dans le puits.
Comme la maçonnerie se trouvait suspendue à une certaine hauteur, une pierre se détacha et effleura l’épaule d’André. Il craignit un nouvel éboulement et remonta à la hâte. Il eut la maladresse de poser un pied sur le travail qu’il venait de faire, et tout se trouva dérangé.
Alphonse COLET descendit pour examiner le fond du puits. Il fit ce qu’il put pour protéger Marc. Il se produisit encore un nouvel éboulement.
Des pierres vinrent rouler sur Marc et le couvrirent totalement. Alphonse fit descendre un panier et se mit à débarrasser ; il fit monter les pierres par le moyen de la corde du puits. Ce travail dura toute la journée. Quand Marc fut découvert, et les mains libres, Alphonse fit descendre du foin, , des bouts de planches, etc, etc pour boucher et consolider le fond du puits. Quand il eut étançonné, il établit au dessus de Marc un plancher, et ne laissa qu’une petite ouverture pour lui passer. ce qu’il avait besoin.
Alphonse sortit du puits et dit que Marc était en sécurité .
M. DIGEON, Maire de Picquigny, se rendit sur les lieux. M. le Doyen se hâta d’y venir aussi. Il se présenta à l’embouchure du puits et adressa la parole à Marc qui lui répondit exactement. Il lui recommanda de prier Dieu. Je ne le sais plus , M. le Doyen ; répondit-il. Dites Notre Père, avec moi. Oui M. le Doyen, répondit Marc…
M. le Doyen commença le Notre Père, et Marc répéta mot à mot cette prière jusqu’à la fin. On était dans l’embarras de savoir comment on sortirait l’homme du puits.
Les administrateurs de La Chaussée donnèrent connaissance à M. le Préfet de cet événement. Il envoya immédiatement des mineurs de la troupe à La Chaussée.
Les mineurs entreprirent de percer un tunnel dans la rue de la Terrière, en face de la sortie de la cour de Joseph GUILLERAND. Le sol ne permit pas de continuer le travail des mineurs. Il fut décidé séance tenante, qu’on démolirait le terrain de plein pied autour du puits à une très large circonférence et qu’on démolirait le puits petit à petit en déblayant la terre.
On se mit donc à l’œuvre avec la plus grande activité possible. On travailla nuit et jour sans aucun relâche . Les habitants du pays furent requis tour à tour pour aller travailler au puits. Le tambour battait souvent. La troupe travaillait la nuit. Les paniers à incendie furent employés pour enlever la terre. On forma des chaînes et les déblais furent transportés dans la rue de la Terrière et dans celle d’en haut. Le sol était composé d’argile et de gravier. Cette large excavation fut faite toujours de plein pied, en laissant des gradins assez larges en formes de plates formes pour s’y poser.
M. DIGEON se rendit tous les jours sur les lieux pour diriger le travail avec Alphonse COLET qui était toujours là pour travailler et porter à boire à Marc qui avait souvent soif. Il demandait toujours à boire, mais jamais à manger.
Le 3 avril qui était le dimanche de Quasimodo, quelqu’un lui fit du bon bouillon, croyant lui faire plaisir, mais. Quand il en eut goûté, il fit la grimace et n’en voulut plus, disant que c’était pour le faire mourir. Il ne lui fallait que de l’eau de vie et toujours de l’eau de vie. Il ne prit rien d’autres pendant les 5 jours qu’il fut dans le puits.
M. le Préfet se rendit deux fois sur les lieux. Le Général y vint aussi.
Quand la nouvelle de cet événement fut répandue au loin, il arriva du monde nuit et jour à La Chaussée. On fit courir le bruit que c’était une punition de Dieu que l’homme dans le puits était un blasphémateur qui avait insulté le Christ avant de descendre dans le puits, et qu’il ne pouvait plus en sortir. C’était donc un miracle. On accourait des alentours pour voir le miracle. Ce qu’il y eut de vrai, c’est que Marc en passant devant la Croix qui se trouve à la maison CAUCHY, avait injurié le Christ un instant avant de descendre dans le puits.
Les habitants de La Chaussée savent bien qu’il n’y avait là rien de miraculeux, que si Joseph GUILLERAND et son voisin n’avaient pas laissé descendre Marc dans le puits, en état d’ivresse, que l ‘événement ne serait pas arrivé.

Récit inachevé…