MICHEL  DENIS  A  FAIT  LE  MARATHON  DE  NEW - YORK

6 NOVEMBRE 2005

II y a quelques années, j'avais rêvé de participer à un grand marathon, comme New York, mais les sponsors ne se sont pas bousculés et cela est resté un rêve.
Un départ à la retraite se fête, et au cours d'une soirée amicale rassemblant la famille, des collègues et des amis, la surprise fut de taille, un billet pour le marathon de new York. Commencer les démarches en juillet 2004 pour l'édition de la même année est impossible, car seules 3000 places sont réservées par l'immigration pour les français ; la plus grosse délégation.
Alors partie remise pour 2005 avec inscription en septembre 2004 soit plus d'une année d'avance pour être sûr de participer.
Et c'est ainsi que j'ai pu courir à ce mythique marathon.

Arrivée à Manhattan le jeudi soir, à l'hôtel Pennsylvania, 1800 chambres, dans ce palace où le temps s'est arrêté en 1930, face au célèbre Madison Square Garden, là où Marcel Cerdan devient champion du monde, l'année de ma naissance, et nous apprenons que c'est dans cette hôtel, que dans les années 30, tous les grands sportifs, chanteurs et musiciens séjournaient lors de leurs concerts

Le lendemain matin, première surprise, à cause du décalage horaire de -6 heures, vous êtes réveillé vers 2-3 heures du matin soit 8-9 heures en France, donc pas de problème pour le départ de la visite prévue tôt le matin.
C'est en 1524 que le Florentin Verrazano découvre le site de Manhattan. En 1609, l'Anglais Hudson, au service des Hollandais, remonte le fleuve qui portera son nom.
Le site de la Nouvelle Amsterdam, l'extrême sud de Manhattan est choisi par les Hollandais pour des raisons stratégiques. Enlevé par les Anglais à partir de 1664 la ville est rebaptisée New York, par le futur Jacques II. Un siècle plus tard, elle devient de 1785 à 1790, la première capitale des Etats-Unis d'Amérique.

Manhattan est une ville tout en hauteur, contrainte de s'inventer de nouveaux espaces. New York n'a cessé d'édifier des gratte-ciel toujours plus hauts, et il y est facile d'y retrouver les touristes, les seuls à marcher la tête en l'air.

L'après midi est consacré au retrait du dossard et à la visite de l'exposition du marathon, là, les grandes marques présentent leurs nouveautés et déjà l'organisation à l'américaine se montre à la hauteur, en 2 jours les 35000 participants et leurs familles vont passer par ce lieu. Pour les étrangers, que nous sommes, des hôtesses, parmi plusieurs centaines de bénévoles parlant différentes langues, sont là pour vous aider à ne pas jeter les documents qui vous seront indispensables pour prendre le départ ou pour participer à la pasta-party et ne pas mélanger une masse de documents publicitaires et de produits miracles à tester.


Le Samedi matin, première rencontre avec la foule dans le parc des Nations Unies pour un rassemblement international, là, le maire de New York effectue un discours de plus d'une heure, et souhaite la bienvenue aux participants dans toutes les langues des pays représentés.
C'est le départ pour 6 km à allure libre, car aucun classement n'intervient, à l'arrivée dans Central Park un petit déjeuner est offert à tous par une compagnie aérienne Américaine.

L'après midi repos, avec une croisière sur l'Hudson, Ground zéro, la statue de la liberté, l'îles aux larmes, puis les ponts de Brooklin, de Manhattan et le pont Verrazano qui recevra le lendemain les participants du marathon.

Le Marathon comme si vous y étiez :

Réveil 3 heures (de toute façon, c'est le tarif depuis deux jours à cause du décalage horaire) et petit déjeuner à 5 heures.
7 h 15 : Impressionnante queue des coureurs attendant les cars, près de 600, car le marathon étant en ligne il faut transporter les 35000
participants au point de départ. Mais l'organisation est impeccable et pas plus de 20 minutes d'attente. Le plus long pour rejoindre Fort Woodwarth (600 cars à la queue leu-leu, ça fait un paquet quand mìme !).
A chaque arrêt du car, des dizaines de coureurs (et coureuses) qui descendent pour un petit pipi (faut dire que la journée s'annonce chaude et qu'il faut bien se prémunir contre la déshydratation, un coureur de marathon atteint prés de 40° de température corporelle qui va falloir évacuer).

Le soir, la pasta-party, là encore 1 km de file d'attente, mais l'efficacité des bénévoles de l'organisation fait qu'en une demi-heure nous entrons dans un des chapiteaux, où plusieurs centaines d'athlètes font le plein de sucres lents, c'est à dire une part des tonnes de pâtes mis à la disposition par une célèbre marque italienne, tous cela dans une ambiance musicale à tout casser, avec l'édition 2004 du marathon sur écran géant.

Arrivée dans le fort Woodwarth à 9 H.00 :

Là encore débauche de moyens dans cette base militaire désaffectée, ils ont pensé à tout pour compléter le petit déjeuner :

- 17.000 yogourts
- 70.000 bouteilles d'eau minérale
- 2500 litres de boisson énergétique
- 611 toilettes portables, la plus grande « pissotière » au monde 115 m constitué d'un gros tuyau pvc, coupée en 2, qui déverse littéralement un flot d'urine je ne sais où...

-Des toiles de tente par dizaines, celles des Kinés, des Psychologues, des médecins, des différents cultes religieux, les tentes abris, etc...

Dans le fond de ce terrain, une impressionnante rangée de camions d'une société de transports nous attendent pour déposer nos derniers vêtements que nous retrouverons à l'arrivée.

10 heures : Départ dans 15 min.

Le speaker nous invite à rejoindre notre sas de départ déterminé selon le temps que vous avez estimé pour effectuer ces 42 Km 195.
Ensuite ça bouge, c'est une pluie de vêtements qui s'envolent car c'est le moment de se débarrasser des derniers vêtements qui vous maintenaient au chaud, l'histoire dit que ces milliers de pulls, survêtements, sont donnés aux plus nécessiteux de la ville.
Et puis, il nous apparaît dans la brume, celui que l'on a rivé depuis des mois, il est là !!!! L'énorme, le mythique Pont de Verrazzano... Une autoroute ce pont, avec ses 2 fois 3 voies de circulation du pont supérieur et son pont inférieur de même surface où la 2éme voie est réservée à la police et à la sécurité, ses piliers immenses qui se perdent là haut dans la brume. Le balai des hélicos au-dessus, l'hymne américain chanté a cappella... Et là, pour la première fois depuis que je suis arrivé à New York, je réalise.. Ca y est ; j'y suis... J'en ai rêvé des années, de ce moment là ; je fais le marathon de New York !!!

Pas le temps de réfléchir : BANG !!!! Le coup de canon du départ, Je pensais piétiner un peu, mais on court tout de suite, et là ça monte dur sur 300 mètres. Je vois toute la planète au travers des maillots : le Pakistan, le Pérou, le Maroc, l'Italie et bien d'autres... Des coureurs avec des T-shirt et la photo de leur gosse dessus, des T-shirts avec inscrit : « For you, dad... »

Bien avant le passage du tapis de chronométrage du départ, le groupe que l'on avait forme à quatre de valeur équivalente court au rythme prévu et le premier kilomètre est effectué en 5 minutes 30.

Ca descend, on prend une bretelle pour sortir du pont, et là...... c'est le premier choc ; les premiers spectateurs qui hurlent, les gamins qui tendent les mains pour la « tape » américaine, les orchestres à droite, à gauche, indescriptible... Je ne sais pas, sur la longueur de la 4éme Avenue, entre coureurs et spectateurs, on ne doit pas être loin des 500 000. C'est l'euphorie ; j'essaie de me concentrer sur le cardio-fréquencemétre pour garder le bon rythme. On passe plus ou moins les miles dans les temps du tableau de marche (j'en ai trouvé partout à l'expo avec de la pub dessus, bien sûr ; des bracelets avec le passage au miles pour tous les temps prévus).

Ca se passe super pendant tout Brooklyn. Au milieu de la 4ème Avenue, une bosse : devant, une marée de maillots bariolés ; derrière, un océan de maillots bariolés ; à droite, les dossards verts qui nous rejoignent (encore des milliers de coureurs).

II commence à faire vraiment chaud ; je m'arrête à tous les ravitaillements (eau en gobelet et boisson énergétique)

Et c'est le passage au semi-marathon en 2 heures, soit une projection de 4 heures 20 pour le marathon.

Et puis on l'aperçoit, le Géant de New York ! Le Queensboro Bridge ! On le voit, on le sent, on l'aperçoit de nouveau entre 2 rues, on tourne autour... bref on a le temps de penser qu'il va falloir l'escalader ce machin. Nous, quand on pense pont, on imagine le pont un peu bombé qui enjambe une rivière, voire un fleuve. Le type qui a conçu le Queensboro, lui il pensait viaduc...
Et la catastrophe arrive, la chute dans un virage plein de trous, la chute brutale, celle qui vous laisse sans jambes pendant 1 km. Après quelques minutes je repars en trottinant, avec une petite douleur à la cheville, en moi-même je me dis qu'avec les endomorphines crées par l'effort que petite douleur en course égal gros problèmes cachés. Mais je l'avais dit, on n'abandonne pas facilement le marathon de New York.
La montée du Queensboro est difficile, la plupart des coureurs marchent.

Un autre moment fort du marathon...

On entend comme un brouhaha vers la fin du pont, puis ça devient clameur et hallucination... On entre dans Manhattan et là des milliers de spectateurs dans le virage et dans la ligne droite qui descend, hurlent, nous encouragent et nous disent « allez la France »,
Tous les sportifs ont rêvé un jour d'entrer dans un stade, la foule debout en délire qui acclame le champion ; bien voila, j'ai l'impression d'être un champion... Inouï.. Je crois, que rien que pour ce moment là, malgré le calvaire à venir, j'espère que je referai ce marathon un jour.

On oublie un peu la douleur devant ce spectacle qui continue à perte de vue sur la 1ère avenue (4 miles quand même... soit 6400 m.). J'ai mal, mais je cours tout de même à 10-11 km par heure. L'être humain est quand même bizarre ! Le marathon est en tout cas une activité très intéressante pour la quête du sens de la vie et de soi-même. Comment est-on capable de surmonter la douleur ? Et c'est vrai que je n'abandonne pas grâce aux coureurs qui me doublent, me tapent sur l'épaule et m'encouragent dans une langue que je suis incapable de reconnaître, des spectateurs qui agitent des panneaux sous le nez « You do it !!! », j'entends des « Come on France ! ». J'avance. Je le finirai ce p......... de marathon !

Et puis nous arrivons au bout de cette foutue 1ère avenue ; nouveau pont (Willis Bridge) pour passer dans le Bronx ; moins pentu que le Queensborro mais avec des jolis caillebotis qui attaquent les genoux et les chevilles maintenant. Ensuite, Petit tour dans le Bronx.

5ème Avenue ; il reste 5-6 km... Et en ligne de mire, la place Colombus Circle avec la statue de Christophe Colomb.

Et j'avance .... Pardon.... J'effectue un déplacement hasardeux vers l'avant. Au km 30, premier et seul ravitaillement solide. Le fameux mur du trentième kilomètre, je ne l'ai pas senti, car depuis près de 5 km je ne cours plus à la vitesse à laquelle je m'étais entraîné pendant 2 mois et l'organisme commence à récupérer des 30 km parcourus.

On entre enfin dans Central Park. Je vois la banderole 24 miles : plus que 2 !!!! Ca descend ; mais là c'est fini la cheville a pris un volume inquiétant. 25 miles... Plus qu'un. C'est long un mile en marchant. Qu'est ce qu'ils ont foutu ces américains à inventer un système métrique pas comme le nôtre ! Je n'ai qu'une obsession, que la cheville tienne au moins jusqu’à 10 cm après la ligne d'arrivée. Panneau 1 km (là, ils se remettent à compter normalement) ; 800 M ; 400 M ; 200 M ; 100 M.

Elle est là, je la vois : c'est marqué FINISH dessus :

En rouge... c'est beau ce rouge et ce bleu ; elle est magnifique cette banderole.

Ca y est ! Je pose mon pied sur le tapis qui enregistre le temps de la puce, j'appuie mécaniquement sur le bouton arrêt de mon chrono ; Je ne regarde même pas ; oh, et puis si... 5 H.04. Je suis énormément déçu, c'est la première impression. Puis un bénévole me passe la médaille autour du cou : « Congratulations... » On vous passe la couverture de survie sur le dos. « Congratulations... » On vous colle l'adhésif pour tenir la couverture. « Congratulations... » La photo officielle. « Congratulations... » Puis les bénévoles sont là serrés les uns contre les autres à applaudir : « Congratulations, congratulations... » Ca fait chaud au cœur. « Congratulations... » Oui, c'est vrai que je peux être fier de l'avoir fait, d'avoir eu la force mentale d'aller au bout„ de ne pas arrêter. Oui c'est bien, mais il faut retourner à l'hôtel, encore 2500 mètres de souffrance, et là allongé sur le lit, on contemple les dégâts : œdème de toute la cheville, et de la jambe, anti-inflammatoire, glace, strapping par la kiné de l'équipe.

Le Mardi, retour à la Chaussée.... Bilan : 2 mois de soins, car si l'entorse n'était pas trop grosse, avoir parcouru prés de 18 km avec, c'est de l'inconscience disent les médecins et les non marathoniens pensent que faire tout cela pour une médaille, c'est de la folie.
Seuls les marathoniens comprendront que fa médaille est un souvenir et que ce jour là, vous avez su dépasser vos limites physiques et mentales.

Merci à ceux qui m'ont aidé financièrement à participer ces grands moments !

Les vrais héros du Marathon

Voici l'instant que je n'oublierai jamais, et que, selon mon avis, seule une épreuve aussi mythique peut générer.....
Nous étions à bord d' un des nombreux bus qui nous acheminait sur Staten Island, lieu où est donné le départ, et nous étions bloqués dans une longue file d' attente sur le Verrazzano Bridge : le départ des handicapés avait été donné quelque minutes auparavant.
Les conversations d' avant course, les blagues, les rires, avaient tout à coup laissé place à un pesant silence, lourd des différents sentiments qui nous envahissaient : comment pourrais-je un jour oublier les images de tous ces coureurs vêtus du t-shirt rouge permettant de les reconnaître, venus de tous horizons, qui défilaient la, sous nos yeux : des gens en fauteuil roulant, des mal ou non-voyants guidés par leur accompagnateur, des coureurs avec des béquilles, des trisomiques et je dis bien des coureurs, car malgré leur handicap, ils font bel et bien parti de la même famille que la nôtre, celle des marathoniens.....
Et en les voyant, et bien je suis fier d'appartenir à cette famille, même si mon statut de « valide « me fait penser que par rapport à eux, je suis un tout petit : quelle va être notre souffrance à nous, comparée au calvaire que vont connaître tous ces gens, hommes et femmes, qui néanmoins iront au bout de leur rêve ? une seul mot : respect.... et je ne cesserai de penser à eux au long du parcours, tout en me faisant un honneur d' applaudir et d' encourager tout ceux que je pourrais dépasser pendant ma course.....
Alors bien sur il y a les pros, les vainqueurs, les recordman, et je les admire et les respecte également, mais les véritables héros sont la, juste en dessous de nous, et je suis maintenant convaincu que ce sont eux qui écrivent la légende de ce marathon, et nous, unanimement levés, modestement, nous les honorons de notre respectueux silence.......
Ces coureurs, on effectué le marathon entre 5 et 8 heures, et certains que j'avais dépassé quelques heures plus tôt, sont arrivés avant moi. Félicitations à eux tous pour avoir eu le courage de prendre le départ d'une telle épreuve.

Témoignage de Michel DENIS