PARCOURS DE
L'AVIATEUR Noël James HELEAN du 21/12/1943
au 01/12/1944 |
par
Dany DHEILLY, membre de l'Association SOMME AVIATION 39 - 45
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Parcours
de Noël James HELEAN et récit de ses protections dans le département de la Somme |
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Du 21 décembre 1943 au 1er septembre 1944
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Résultats
des travaux de recherches effectués par l’association : |
Préambule
et cheminement des recherches...
En 2005, Pierre BEN Président de l’association Somme Aviation
39-45, demandait à Dany DHEILLY d’effectuer des recherches concernant
2 aviateurs (HELEAN pilote Néo Zélandais et FORWELL un anglais)
récupérés et cachés à Varennes en Croix
; ces deux hommes étant dans le canton d’Acheux en Amiénois
jusqu’à la Libération. Les seules informations au départ
comportaient 2 lignes révélées par l’ouvrage du
docteur Jean Pierre DUCELLIER : « La guerre aérienne dans le
Nord de la France, 12 juin 1944 au 15 juin 1944 » page 140.
Nicole SERRANT de Senlis le Sec, confiait également 3 photos prises
à la Libération devant le château en leur compagnie.
Un autre membre de l’association, Ghislain LOBEL, retrouvait assez rapidement
2 autres photos prises de ces 2 aviateurs le jour de la Libération
à Léalvillers !!!
Il remontait également jusqu’à la famille CHOQUET en l’occurrence
Gervais, pouvant entre autres, apporter les preuves de la protection effectuée
par ses grands parents.
Les faits du hasard, firent que Dany DHEILLY, dans le cadre de ses multiples
recherches rencontrait monsieur Michel DECALF habitant La Chaussée-Tirancourt,
auteur du livre : Le Quesnel, un sacré patrimoine. Chacun évoquant
ses travaux de recherches actuelles, Michel DECALF, révélait
qu’à La Chaussée-Tirancourt, un aviateur néo zélandais
avait été protégé par la famille FERTEL, et qu’en
la matière, il fallait prendre contact avec l’historien local
très bien documenté : André SEHET.
Quelle ne fut pas notre surprise de se rendre compte que le début de
l’aventure de cet aviateur se déroulait à La Chaussée-Tirancourt
et se terminait à Léalvillers !!!!
Chacun ayant un bout de l’histoire, nous ne comprenions pas comment
HELEAN s’était retrouvé 45 kilomètres plus loin
??? Par quels moyens et surtout avec quelles aides ?
C’est alors qu’un courrier « d’avis de recherche »
était envoyé en Nouvelle Zélande donnant une réponse
plus que satisfaisante puisque :
« Le Soldat HELEAN » était retrouvé !!!!
Dès lors, plusieurs courriers se sont donc échangés
afin de connaître « son » récit, sa version, ses
souvenirs ; Noël HELEAN, nous fourni même des photos de famille
de ses protecteurs sans descendance !
Son récit du 8 septembre 1944, lors de son rapatriement en Angleterre
par les Forces Alliés, retrouvé aux archives de Londres, nous
était aimablement communiqué par le Docteur DUCELLIER. Ce dernier,
avec son habituel talent et après analyse des documents de la R.A.F.,
nous a fait la narration de cette mission. Nous l’en remercions vivement.
Charge à nous de retrouver des témoignages ou mieux des témoins
liés à sa protection sur notre sol révélant au
grand jour, les courageux Patriotes de notre département, et les preuves
des implications de deux authentiques Résistants.
Voici donc le fruit de nos recherches et recoupements constituant ainsi l’histoire de Noël HELEAN caché durant plus de 8 mois chez nous…
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Logements et aviateurs du squadron
486 sur la base de Tangmere Source : Site Internet de Tangmere |
Ramrod
379
Ho = 14h00
Opération prévue pour l’attaque de 8 Sites de lancement
de V-1 :
St Pierre des Jonquières Seine Inférieure
Puchervin Seine Inférieure
Marquenneville Somme
Longuemort Somme
Gorenflos Somme
Agenvillers Somme
Ligescourt Somme
Campagne-les-Hesdin Pas-de-Calais
Attaque de Marquenneville
Objectif : Ski-Site de lancement de V-1 de Marquenneville - noball XI-A-78
ou objectif Z 3018. Position allemande n° 669.
Placé à l’intersection des coordonnées 49°59’30’’N/01°46’35’’E,
ce site de lancement de V-1 de Marquenneville se situe à 12 kilomètres
au Sud/Sud-Est d’Abbeville et 4 kilomètres au Nord/Nord-Est de
Oisemont.
Le 1er décembre 1943 le site de Marquenneville est enregistré
comme étant un site de type Bois Carré se trouvant dans un verger
à la lisière Nord de ce village.
Ce site est bien visible lorsqu’on le survole, les bâtiments étant
dispersés dans les champs.
A cette date, l’emplacement pour la plateforme de lancement en béton
est en cours de préparation au Nord des bâtiments rectangulaires.
Les Skis ne sont pas encore visibles mais un câble aérien s’éloigne
de ce site vers l’Ouest.
Le 18 décembre 1943 les travaux civils de construction sont estimés avoir atteint 50% ou plus et le Ministère de l’Air britannique demande que ce site soit placé sur la liste des objectifs à attaquer par les avions de la Tactical Air Force et de la 8e Air Force des USA. Le 21
décembre 1943 les Typhoon-bombers de la RAF vont ouvrir le
bal…
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14h00 : L’attaque
commence…
D’une altitude de 3000 mètres, les Typhoon-bombardiers,
les uns derrière les autres, plongent vers le Site de V-1 de Marquenneville
y larguant au cours de leur piqué :
40 bombes de 500 livres MC
L’attaque a eu lieu du Nord-Est vers le Sud-Ouest.
Les bombes ont été larguées entre 2400 et 900 mètres
d’altitude.
Les pilotes déclareront avoir aperçu 5 impacts se trouvant au
centre de l’objectif. Les autres bombes se situent vers la lisière
Nord du Site.
Un gros incendie sera vu se déclarer au niveau du bâtiment carré
« Q » situé au centre de la lisière Sud de l’objectif.
Telles seront les conclusions ramenées par les pilotes…
Cependant au retour un avion sera porté manquant.
Cet avion a été vu après l’attaque tenter manifestement
un atterrissage forcé sur le ventre en France, à l’Est
d’Abbeville.
Il s’agit du Typhoon-Ib # JP 845 S A - H du Squadron 486 de la RNZAF.
A bord : le F/Sgt Noël James HELEAN (né le 10 mai 1923), aviateur
Néo Zélandais (matricule : N.Z. 414288 RAF 35) ayant quitté
sa base de Tangmere au Sud de l’Angleterre à 13 h 30…
Parti d’Angleterre…
3 jours avant Noël… Laissons-le nous raconter son histoire :
« Alors que j’amorçais la descente pour lâcher
mes bombes, mon moteur tomba en panne.
Je venais tout juste de larguer mes bombes sur la cible et fut désespéré
de constater que mon Typhoon ne pouvait remonter, les gars s’éloignant
de moi. J’avais eu le même incident moins d’un mois auparavant
quand, approchant de la base de Tangmere, mon moteur tomba en panne.
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Je contactai
la tour de contrôle pour l’informer que j’étais prêt
à atterrir et on me dit que l’escadron, à cours de carburant,
repartait et on me conseilla de m’éloigner.
J’exécutais les manoeuvres d’atterrissage vers un champ
assez proche (train d’atterrissage rentré), gardant à
l’esprit d’approcher à grande vitesse afin d’éviter
de piquer du nez.
Les choses étaient plus sérieuses que prévu et ce jour-là,
je ne savais pas si c’était dû à un mauvais fonctionnement
ou si j’avais percuté un corps étranger, conforté
dans l’idée d’avoir essuyé le tir de la Flak.
J’étais trop bas pour sauter en parachute et fut obligé
d’atterrir dans un champ à 5 miles (soit 8 km) à l’ouest
d’Amiens, que j’avais pu apercevoir avant de me poser. »
Atteint en fait par les tirs de la FLAK au cours de son attaque en piqué sur le Site de V-1 de Marquenneville, le F/Sgt Noël J. HELEAN va pourtant parvenir à redresser son chasseur bombardier mais incapable de le contrôler totalement, le pilote va prendre la direction de l’Est perdant rapidement de l’altitude.
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Un
peu plus loin apparaît une zone dégagée… Endroit
idéal pour un atterrissage sur le ventre… Quelques secondes encore et le lourd chasseur bombardier touche le sol… Le choc est violent mais l’avion de la RNZAF labourant la terre, effectue une longue glissade avant de s’immobiliser dans un dernier soubresaut. |
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A CROUY
Saint PIERRE - SOUES
La presse locale : « le Journal d’Amiens » du
jeudi 23 décembre et le « Messager de la Somme »
du samedi 25 décembre 1943, déclarent que mardi 21, vers 15
heures un avion a été contraint d’atterrir à 1
kilomètre du village de Soues.
En fait le Typhoon-Ib s’est posé sur un plateau d’une altitude
de 72 mètres, surplombant ce village, au lieu dit : «Vallée
Madame d’Airaines», à un kilomètre au Sud/Sud-Est
de Hangest sur Somme, 700 mètres au Sud/Sud-Ouest de Crouy Saint Pierre,
17 kilomètres au Nord-Ouest d’Amiens et 23 km au Sud-Est d’Abbeville.
Les témoignages recueillis auprès de Messieurs Jacques VAST,
Michael BULARD et Pierre VAN LAECKEN ont validés la zone de cet atterrissage
forcé.
Le F/Sgt Noël J. HELEAN, bien maintenu par son harnais sera tout de même
contusionné et à moitié assommé.
Reprenant pourtant ses esprits rapidement, il va parvenir à s’extraire
de la carcasse de son avion qui par chance n’a pas pris feu…
Il descend sur l’aile, se débarrasse de son parachute et s’éloigne
le plus loin possible de l’avion car dans cette zone les Allemands ne
seront pas longs à arriver.
Il ne se fait aucune illusion à ce sujet…
« J’étais aveuglé (ébloui) et après
avoir récupéré, je tentais de détruire mon avion
mais ne put activer le matériel incendiaire défaillant et dut
courir vers un bois le long de la Somme, apercevant les troupes allemandes
pas très loin.
Après avoir traversé la voie ferrée, je m’approchais
d’un groupe de cinq personnes qui ne paraissaient pas très enthousiastes
de m’aider.
Tandis que je marchais le long de la rivière, je vis un jeune français
qui coupait du bois de l’autre côté de la Somme et qui
me fit signe de rester sur place.
Un moment après, il vint vers moi, traversant un pont un peu plus loin.
Ce jeune Français, Marceau FERTEL qui, prenant de gros risques à
cause de la proximité de l’ennemi, m’emmena sur sa bicyclette
et me cacha plusieurs jours chez lui à La Chaussée-Tirancourt.
J’y séjournai jusqu’au 24 Décembre. On m’hébergea,
me nourrit et me procura des vêtements civils. »
Pour l’anecdote, Monsieur VAN LAECKEN (père), à cette
époque, retrouva une paire de gants d’aviateur dans un tas de
fumier sur ce terrain lui appartenant.
A LA
CHAUSSEE-TIRANCOURT
Marceau FERTEL, ramène donc l’aviateur à la Chaussée-Tirancourt,
d’abord chez lui, rue du Grenier (devenue en 1983 rue Geneviève
FERTEL) petite maison en briques qu’il habite avec son épouse
Marguerite; mais très rapidement sa maman Geneviève FERTEL (veuve
de guerre, suite aux bombardements du 20 mai 1940), l’emmène
chez elle dans sa maison rue de la Carrière.
Sitôt ces mesures d’urgence réalisées, Geneviève
FERTEL contacte discrètement Monsieur Henry De FRANQUEVILLE, maire
de la Chaussée-Tirancourt, (qui fournira des habits civils) et l’abbé
DENTIN curé de Picquigny, afin de mettre HELEAN sous la protection
des Résistants ; finalement c’est Maître COLLOT
notaire à Picquigny, qui va prendre en main la suite de son parcours.
« Un homme à Picquigny m’interrogea afin de savoir
si j’étais anglais ou allemand. Cette personne m’emmena,
le 24 Décembre,(en me précédant de 200 à 300 mètres)
à bicyclette à :
Amiens,
Allonville,
St Gratien,
Beaucourt,
Warloy Baillon, chez le Docteur Robert BEAUMONT »
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Noël HELEAN est donc pris en charge par Maître
COLLOT, Résistant du secteur de Picquigny, chef de réseau local.
Ce dernier était en relation avec le Docteur Robert BEAUMONT, également
chef de réseau de la Résistance.
Maître COLLOT et le Docteur BEAUMONT étaient tous les deux membres
de l’O.R.A. (Organisation de Résistance de l’Armée),
dirigé par Maître BLANCHARD et son adjoint le Commandant DEFONTAINE.
En mars, avec l’aide de son fils Gilbert, Geneviève FERTEL, va à nouveau s’occuper de 2 autres aviateurs hébergés à Vignacourt. Le 3 juin 1944, Geneviève, Gilbert et son épouse sont arrêtés par les Allemands. Le jeune couple réussi à s’enfuir à Paris pour être ensuite caché près de 3 mois en Côte d’Or. Malheureusement, Geneviève FERTEL sera déportée au camp de Ravensbrück ; elle revient terriblement affaiblie le 14 mai 1945.
On peut noter également que Maître COLLOT était le parrain de Geneviève FERTEL, lors de sa remise de médaille de Chevalier de la Légion d’Honneur en 1962, puis Officier en 1975, à titre militaire.
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Maison
de Geneviève FERTEL |
A WARLOY
BAILLON
« Le Docteur BEAUMONT était un ancien membre dans la Résistance
Française.
Le Docteur BEAUMONT me dit qu’il allait organiser mon retour en Angleterre
via l’Espagne.
Les arrangements se feraient par émission sur radio d’Angleterre
et le message serait :
«La confiture est cuite».
De Warloy Baillon, je fus pris en voiture jusque Varennes en Croix».
Le Docteur BEAUMONT, par sa profession, avait certaines facilités pour ses déplacements; c’est ainsi qu’il pouvait circuler de jour comme de nuit et obtenir sans trop de difficultés le carburant nécessaire à sa traction avant Citroën tant pour voir ses patients que pour ses occupations dans la Résistance. Plusieurs aviateurs sont passés sous sa protection par le réseau «Evasion Possum», dont la plupart des membres étaient de Contay, Forceville.
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Le Docteur
Robert BEAUMONT, |
A VARENNES en CROIX
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« A Varennes en Croix, je restai du 24 Décembre 1943 au 2 Août 1944 dans une maison où j’ai été nourri et hébergé. Il me conduisit chez un couple d’un certain âge : Monsieur Hector BOUCHEZ et sa femme à Varennes par Acheux et j’y restai jusqu’à mon départ pour l’Espagne. Malheureusement le Docteur BEAUMONT fut dénoncé par un marchand drapier d’Amiens et il fut pris par les Allemands début février 1944 et fut malencontreusement tué au cours du raid de la RAF sur la prison d’Amiens (Opération "Jéricho").
Tout contact avec la résistance française fut perdu à ce moment-là et Monsieur BOUCHEZ insista pour que je reste chez eux en attendant que le contact soit repris. Ce n’était pas seulement une période et situation dangereuse pour toutes les personnes concernées mais aussi fatigante et inconfortable, et la famille était si effrayée qu’elle ne voulait pas que je m’aventure seul dehors. Pour rendre encore les choses plus difficiles, il n’y avait que 3 pièces (cuisine comprise) et je partageais le lit des BOUCHEZ. Je restai plus de 7 mois dans la petite maison des BOUCHEZ, et trois des parents des BOUCHEZ étaient aussi au domicile. » |
Noël
HELEAN en janvier 1944 à Varennes en Croix |
Malheureusement le Docteur Robert BEAUMONT est arrêté le 15 février
1944 par la Gestapo et enfermé dans la prison d’Amiens. Lors
du bombardement du 18 février 1944 par la RAF sur la prison, le Docteur
BEAUMONT est parmi les nombreuses victimes de ce mystérieux raid…
Ce grand chef de réseau étant décédé, Noël
HELEAN et sa famille de « passeurs », sont donc contraints d’attendre
(de mi février à juin probablement) qu’un nouveau responsable
de la résistance soit chargé de lui trouver la filière
d’évasion prévue…
Hors, il faut savoir que des « passeurs » dans
des localités voisines (Contay, Forceville), opérant habituellement
avec le Docteur BEAUMONT, et malgré la disparition de leur chef ont
poursuivi leurs missions dans les mois qui suivent. La plupart de leurs protégés
sont partis vers le Pas de Calais (chez madame MEPLEAUX à Hébuterne).
Il peut nous paraître curieux que ces «passeurs» des environs,
ayant pourtant le même chef de réseau, en l’occurrence
le Docteur Robert BEAUMONT, n’aient pas reçu à leur tour
Noël HELEAN ?
L’explication réside dans le fait que ces familles étaient
en général volontairement isolées des unes des autres,
afin de garder la plus grande discrétion sur leur activité,
et dans le cas de leur arrestation, ne pas faire tomber la filière.
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Article
paru dans le Courrier Picard le 2 août 1945 |
Comme nous le voyons, il est aussi d’usage pour la protection
des aviateurs, qu’ils soient souvent changé de cachette ; ainsi,
le Docteur Robert BEAUMONT conduit HELEAN à Varennes en Croix dans
la famille d’Hector BOUCHEZ.
Hector BOUCHEZ est entrepreneur en battage. Sa ferme traditionnelle picarde
est fermée sur la rue par une « cartrie » (en picard :grange
donnant sur la rue avec porte cochère). Il est à noter également,
qu’en cas de fuite, par l’arrière de la maison et les jardins
on peut gagner facilement le petit chemin, celui du tour de ville….Ces
deux éléments apportant une certaine sécurité
!
A cette époque, dans cette ferme vivent donc 2 couples :
Hector BOUCHEZ 61 ans ; sa femme Alexandrine 52 ans, née MAHERAULT
à Clichy.
Mais également la mère d’Alexandrine : Marie BONDOIS 80
ans ; le frère d’Alexandrine : Adrien MAHERAULT, « titi
parisien » de 49 ans et son épouse Louise d’origine belge,
formant la seconde famille. Ces 5 personnes seront donc en contact avec Noël
HELEAN.
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Alexandrine BOUCHEZ, Noël HELEAN,
Marie BONDOIS dans la cour de ferme d’Hector BOUCHEZ-MAHERAULT à Varennes en Croix Source : Noël HELEAN Nouvelle Zélande |
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Noël HELEAN à Varennes
en Croix avec Alexandrine BOUCHEZ et le chien « Dick » Source : Noël HELEAN Nouvelle Zélande |
« En Mai, je fus rejoint par un autre pilote qui
avait été abattu : un Ecossais, Bill FOREWELL, d’un PRU
Spitfire (avion de reconnaissance chargé d’établir des
photographies précises). Je ne sais pas qui l’avait amené
chez Monsieur BOUCHEZ.
Puis le 13 Juin, les survivants d’un Lancaster (tombé la nuit
précédente) arrivèrent. Il s’agissait de 2 Canadiens
Bob BODY et Jim KELLY.
Leur avion appartenait à l’escadron 419 RCAF. Tous les deux avaient
eu de la chance de survivre : BODY, un colosse, dut faire de gros efforts
pour sortir et KELLY l’a poussé sur les épaules pour l’aider.
Ils sortirent ensemble et leurs parachutes s’ouvrirent juste avant d’arriver
au sol.
Un autre membre de leur équipage, un Polonais-Canadien MYNARSKI se
trouvait sur le côté en flamme de l’avion pour dégager
(libérer) la trappe du mitrailleur.
En faisant cela, il a réduit ses propres chances de survie. Finalement,
il sauta mais si gravement brûlé qu’il mourut très
vite à terre. Le mitrailleur a miraculeusement survécu au crash
et il était évident pour lui, fin 1946, que le courage de MYNARSKI
soit reconnu par l’obtention posthume de la Croix de la Victoire (Victoria
Cross).
A cette période, il y avait de nouveaux arrivants et les conditions
devenaient si difficiles que le groupe fut éclaté et dispersé
dans d’autres villages.
Je travaillais avec des membres des FFI qui, à plusieurs reprises,
devaient m’aider à m’échapper mais à chaque
fois, quelque chose contrariait le plan. Deux fois, des dispositions furent
prises pour m’envoyer en Espagne mais le guide (passeur) fut attrapé
à chaque occasion avant qu’il ne m’ait rejoint.
Je parcourais assez facilement la région car les FFI étaient
très bien organisés et les réfugiés (ou clandestins)
étaient étroitement protégés. J’essayai
à maintes reprises d’obtenir des renseignements d’Angleterre
sur les sites de bombardements ou toute autre information que je pouvais collecter.
Je ne sais pas si ces informations sont arrivées ou ont servi.
Je fus contacté par un homme de Contay qui essaya de me faire passer
en Espagne, une fois encore sans succès. »
L’aviateur désormais compagnon de Noël
à Varennes est : « Bill » E. W. FORWELL, pilote
de Sptifire tombé le 7 juin entre Varennes en Croix et Warloy Baillon.
Le 18 juillet, 2 autres aviateurs canadiens arrivent aussi à Varennes
en Croix : Arthur Robert BODY et James William KELLY du Squadron 419, membres
d’un avion bombardier Lancaster tombé dans le Pas de Calais à
Gaudiempré la nuit du 12 au 13 juin 1944.
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James William KELLY et Arthur Robert BODY, aviateurs canadiens |
Parallèlement, dans le livre du Dr. DUCELLIER « La guerre aérienne dans le Nord de la France, 12 juin 1944 au 15 juin 1944 » ; pages 139, 140 ; éditions Paillart, les aviateurs canadiens Arthur Robert BODY et James William KELLY ont témoigné : « Le 18 juillet nous repartîmes à Varennes chez le Résistant où nous avions été hébergés précédemment. Là, nous y rencontrâmes un pilote de Spitfire anglais (F/Lt FOREWELL), un Néo-Zélandais (F/Sgt HELEAN) pilote de Typhoon. Le 23 juillet, un membre des FFI que nous connaissions bien, fût arrêté par la Gestapo. Nous dûmes nous cacher dans la nature et dans les bois pendant une semaine au cas où celui ci aurait parlé et nous ne retournâmes dans la maison que le 30 juillet 1944. Nous rencontrâmes alors un lieutenant américain (navigateur) et un sergent anglais (mécanicien). »
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Dans un livre relatant l’histoire de l’avion
et de son équipage (« Mynarski’s Lanc » par
Bette PAGE, édité au Canada), BODY et KELLY ont raconté
leur périple et ont préciser à ce propos : « Pendant
cette période Mr. DEFLANDRE, qui était au courant de la
présence d’aviateurs fut arrêté par la Gestapo.
Nous fûmes obligés de partir au cas où il serait
contraint de divulguer notre présence. Il n’en fut rien,
mais malheureusement, il mourut entre les mains de la Gestapo. »
C’est
donc bien Léandre DEFLANDRE, représentant de commerce,
Résistant, chef de réseau d’Albert, qui après
le Docteur BEAUMONT, a entre autres, pris le relais de la protection
des aviateurs de Varennes en Croix. |
Fiche
des renseignements Généraux Source : Archives Départementales de la Somme |
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Léandre
DEFLANDRE, |
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Dans son dernier courrier Noël HELEAN, se souvient avoir
rencontré 2 aviateurs américains en juillet-août, l’un
d’eux répondait au nom de VANDENBERG, qui aurait été
arrêté par les Allemands.
Nous avons retrouvé Jean HUTCHINGS, fils de John HUTCHINGS, ancien
combattant britannique de la première Guerre Mondiale, ayant épousé
Cécile BASSERY une française de Contay. Son père natif
de Hoxton, avait la double nationalité, anglaise et française.
Jean se souvient très bien que son père partait régulièrement
le dimanche après midi en bicyclette à Varennes afin de rencontrer
les aviateurs de la famille d’Hector BOUCHEZ et leur servir d’interprète.
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John
HUTCHINGS
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Plaque
Commémorative de la « Royal Air Force Society Escaping » Sur la tombe de la famille BOUCHEZ-MAHERAULT |
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A
Varennes en Croix : Adrien MAHERAULT, ? , Louise MAHERAULT, Arthur Robert
BODY, Alexandrine BOUCHEZ, Marie BONDOIS Source : Noël HELEAN Nouvelle Zélande |
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A LEALVILLERS
« Le 2 Août 44, je fus obligé de partir à Léalvillers
dans la famille CHOQUET avec FORWELL, car les conditions de nourriture devenaient
difficiles à Varennes. »
C’est au
tour de la famille CHOQUET de Léalvillers de protéger HELEAN
et FOREWELL.
Cette famille d’agriculteurs est composée du couple Maurice CHOQUET
et son épouse Jeanne RAMON (institutrice en retraite), ainsi que de
leurs 2 fils : Pierre 22 ans et Jean 18 ans.
Le petit fils, Gervais CHOQUET, nous a donné ces précisions
:
« Les deux aviateurs s’associaient aux travaux des champs
(mais dans l’enceinte de la ferme), avec Henri THIBAULT, réfractaire
S.T.O. et cousin du couple CHOQUET (domicilié à Amiens) caché
dans sa famille. Le père d'Henri THIBAUT était né à
Léalvillers ; sa grand mère Adolphine CHOQUET fut une victime
civile en juillet 1918. »
Dans des correspondances d’après guerre (1947 et 1952) «
Bill » FOREWELL rappelle à Maurice CHOQUET l’anecdote de
la moisson pendant les fortes chaleurs du mois d’août… la
soif étanchée par le bon cidre picard…et les désagréments
intestinaux occasionnés…
C’est aussi à cette époque que « l’abbé
DUMOULIN », Henri DUMOULIN, séminariste alias « Arthur
», d’Albert, Résistant, devenu responsable de ce secteur
après la mort de Léandre DEFLANDRE, est recherché par
les allemands ; Jeanne CHOQUET lui teindra les cheveux.
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Henri THIBAULT se souvient également que l’un
des lieux habituels d’affichage dans le village de Léalvillers
était la grange en torchis en face de la maison de la famille CHOQUET,
de l’autre côté de la rue…une affiche concernant
l’interdiction de protéger les aviateurs y avait été
apposée !
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Propriété
de Maurice et Jeanne CHOQUET à Léalvillers Source : Gervais CHOQUET |
« J’y
restai jusqu’au 24 Août : les Allemands occupant la maison où
j’étais, je dus partir une fois de plus très rapidement.
J’allai dans une autre maison du même village où je séjournai
jusqu’au 1er septembre, date d’arrivée des Britanniques. »
Les troupes allemandes réquisitionnent plusieurs pièces
de la propriété des CHOQUET; Noël et Bill changent de maison
et sont cachés pour la dernière semaine du mois d’août
dans la famille GERIN de Léalvillers. Cette famille d’agriculteurs
est composée du couple Edgard GERIN et son épouse Marcelle LEBLOND,
ainsi que de leurs 3 enfants : Geneviève, Françoise, et Bernard.
Durant cette dernière semaine d’août, lors de la débâcle
des troupes allemandes, des soldats sont entrés dans cette propriété
afin de réquisitionner des chevaux pour leur fuite. Les apercevant
dans la cour de ferme, Noël HELEAN et Bob FORWELL s’enfuient dans
les jardins en passant par une fenêtre de la maison.
Cette dernière « planque » est organisée,
comme la précédente, par Ernest MASSARY, ancien gendarme, membre
de l’O.C.M.
La fille d’Ernest MASSARY, Colette a également joué un
rôle important auprès des aviateurs de Varennes en Croix, de
Léalvillers (elle habitait ce village) et de Senlis le Sec où
elle était en poste d’institutrice pendant cette période…A
plusieurs reprises elle guide et procède aux transferts des 2 canadiens
cités précédemment : BODY et KELLY, chez des «passeurs»
: à Hénencourt (chez Jean SAGUEZ), Contay (chez Mr. et Mme.
DUBOILLE), Senlis le Sec (au château, chez Jeanne SERANT), ayant ses
missions confiées au mois d’août par Henri DUMOULIN, nouveau
responsable du secteur d’Albert.
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Devant le
monument aux morts de Léalvillers le 1er septembre 1944, jour de
la Libération De gauche à droite, premier rang : Maurice CHOQUET, Henriette LANNOY, Madame GERIN, FOREWELL, HELEAN, Michel LANNOY Second rang : Cécile MASSARY, Geneviève GERIN, Françoise GERIN, Edgard GERIN Devant : Monique et Liliane BILLIOTEL |
Source : Gervais CHOQUET et Ghislain LOBEL |
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Jeanne SERANT de Senlis le Sec a également joué un rôle de protection pour HELEAN, mais pour une très courte période. Plusieurs photos à Senlis le Sec lors de la Libération existent avec : Noël HELEAN, accompagné d’Arthur Robert BODY, Colette MASSARY et les 2 filles de Jeanne SERANT (Evelyne et Nicole.
Sur les
marches du perron du château de Senlis le Sec |
« Je restai deux jours pour aider les FFI à déloger les Allemands. Je fus emmené à Paris par un membre des Renseignements français, où les américains me prirent en charge, pour mon retour en Angleterre le 8 septembre 1944. »
En conclusion…
N’ayant pas eu de chance à cause des arrestations et disparitions
de 2 chefs de Résistance, devant lui trouver une filière d’évasion,
Noël James HELEAN est donc resté dans la clandestinité
pendant 8 mois, caché, hébergé, nourrit par des « passeurs »
de notre département. C’est grâce à la protection
de ces familles picardes qu’il a pu prendre contact avec les troupes
libératrices anglaises le 1er septembre 1944 à Léalvillers.
Carrière
et vie de Noël HELEAN
Aimablement transmis par la famille :
Noël a suivi une formation de pilote d’avion dans la R.A.F. et
a été affecté au Royaume Uni, où il est arrivé
le 10 mai 1942, le jour de son 19e anniversaire. Il reçoit une formation
d’instructeur d’avion bi moteurs à Montrose en Ecosse.
Puis dans l’école de pilotage à Cambridge, devient instructeur
à Theale, près de Reading. Plus tard, il accepte un poste à
CGS, Sutton Bridge, avant de rejoindre l’unité d’entraînement
sur avion Hurricane à Milfield.
En octobre 1943 il rejoint l’escadron néo-zélandais 486.
Au mois de décembre 1943, lors d’une mission de bombardement
de site V1, son avion touché par les batteries antiaériennes
allemandes, le contraignent à se poser dans la Somme. Il est hébergé
par les Français jusqu’à la Libération en septembre
1944, puis retourne en Angleterre. Là, il suit un cours de perfectionnement
sur avion Harvard puis est ensuite affecté en Palestine, où
il fait un entraînement de reconnaissance photographique. A cette époque,
il vole sur des Spitfires. Par la suite, il est envoyé en Inde et à
la fin de la guerre, en 1945, il retourne en Nouvelle-Zélande. Il est
libéré du service militaire 3 mois plus tard, en avril 1946.
Noël
s’est marié avec June CURRAN en novembre 1946 et Dianne
leur première fille est née au mois d’octobre 1947.
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June (+) et Noël HELEAN chez
eux en Nouvelle Zélande Source : Noël HELEAN (Nouvelle Zélande) |
Remerciements
A Crouy Saint-Pierre : Yves DHAILLE, Maire ; Jacques VAST, ancien Maire et
Pierre VAN LAECKEN (témoins) ; Michael BULARD
A La Chaussée-Tirancourt : Philippe FRANCOIS, Maire ; André
SEHET, Maire honoraire ; Thierry FRANCOIS ; Bruno COQUART ;
Michel DECALF ; famille FERTEL ; M.Mme LEROY ; M.Mme LOURDEL
A Warloy Baillon : M. et Mme. Eric MANOUVRIER ; Madame Christiane BEAUMONT
A Varennes en Croix : Jackie PILLON, Maire et son épouse ; Maurice
DELATTE ; Louis BLED
A Léalvillers : Jacques ROGER, Maire ; Gervais CHOQUET ; Henri THIBAULT
; famille CAVANNAC-GRAUX ; famille GERIN
A Senlis le Sec : Nicole SERRANT ; M. et Mme SURSINGEAS
Assunta GRICOURT pour ses travaux de traductions
Michel DENIS pour le reportage photographique
Les Archives départementales de la Somme
La Bibliothèque d’Amiens Métropole
M. le Docteur Jean Pierre DUCELLIER ; Pierre BEN, Président de Somme
Aviation 39/45 ; Albert BERTHET ; M. le Docteur Guy TROCHE ; Dany DHEILLY
; Ghislain LOBEL ; Alain BOUTTE ; Yves FRANQUEVILLE ; Isabelle PENOT
Jean HUTCHINGS
et Noël HELEAN, Dianne SCHILOV, Cushla SEWELL