LES  POMPIERS  ET  LES  INCENDIES  AU  XVIIIème SIÈCLE   À  LA  CHAUSSÉE - TIRANCOURT

Dans les registres de catholicité de notre village, il est fait plusieurs fois mention à des incendies, parfois mortels.
Les maisons étaient serrées et les matériaux utilisés très combustibles (chaume, bois,..)

Le 4 avril 1725, Madeleine CARON périt dans l’incendie de sa maison entre 2 et 3 heures du matin, son corps fut mis en terre, le jour même.

Un incendie en 1767 chez Augustin MERCIER

Le 28 mars 1767, un incendie ravagea l’habitation d’Augustin MERCIER, tisserand à La Chaussée-Tirancourt, âgé de 19 ans.
Augustin MERCIER est né à La Chaussée-Tirancourt, le 15 février 1738 ; il s’est marié le 1er août 1765 avec marie Madeleine MOYE.

A cette époque, il n’y a pas d’assurance. Le prêtre de la paroisse le recommande auprès de Monseigneur l’Evêque, afin qu’il obtienne le droit de passer dans les villages afin de recueillir des fonds.

Le 29 mars, il se rend à Amiens et obtient un don de 24 sols et l’autorisation de recueillir les aumônes dans les doyennés de Vignacourt, Picquigny et Abbeville.

Il a trois mois pour recueillir des aumônes.
Sur ce document, on peut voir qu’il est allé dans plusieurs villages assez éloignés de La Chaussée-Tirancourt : Olincourt, Bourdon, Montonvillers et Rainneville
Documents Victoria MOYE-SEHET

Le 18 novembre 1788, « il y a eu un incendie en la paroisse de La Chaussée qui a commencé à midi par la maison de Louis CARON ou de J.B. MOUTARDIER sans qu’on puisse l’assurer par qui des deux, dans la petite rue qui conduit de l’église à Picquigny et qui a consumé 8 maisons »

L’incendie du 19 novembre 1788 (Série C, côte C 935)

Le village de LA CHAUSSÉE a été en partie détruit le 19 novembre 1788 par un incendie qui a fait plusieurs victimes et causé de gros dégâts matériels. En l’absence de toute notion d’assurances, les malheureux habitants n’avaient d’autre recours que de faire appel à l’aide publique : d’où la lettre « de supplique » ci-dessous :
A Monseigneur le Comte d’AGAY
Intendant de Picardie à AMIENS
Supplient humblement Blitmont CANTELEUX, Louis PAUCHET, menuisier, Charles DEFLANDRE, Maître d’école, Joseph DUVIVIER, charron, Jacques de l’ÉTOILE, employé dans les gabelles, Élisabeth DIU, veuve DUCOROY, François LEFEBVRE, pauvre infirme, Charles CUMEL, Louis CARON, Jean-Baptiste MOUTARDIER et François MERCIER, tisserands, tous habitant la paroisse de La CHAUSSÉE TIRANCOURT,
Disant que le 19 de novembre courant, ils ont eu le malheur d’essuyer un incendie qui a consumé, aux uns en totalité, aux autres en partie, leurs maisons et bâtiments adjacents, meubles, grains, fourrages et ustensiles de métier, ce qui forme au total une perte de plus de dix mille livres, - que n’ayant plus pour la plupart de quoi travailler, par la perte de leur chanvre qui fait la matière de leur occupation pendant la plus grande partie de l’année, ils se voient exposés à la plus grande misère, n’ayant point, ou presque point de bien fond : que dans cette extrémité, ils n’ont pas de plus grande ressource que dans la commisération de Votre Grandeur.
Ce considéré, qu’il vous plaise, Monseigneur, accorder aux suppliants l’exemption de taille et autres deniers royaux, et généralement tous les secours que le gouvernement a coutume de concéder en pareil accident,- et en outre telle portion de marais à tourber dans la commune de leur paroisse que vous jugerez convenable pour soulager leurs misères et les aider à se rebâtir ; et les suppliants prieront pour votre conservation et prospérité.
Présenté le 22 novembre 1788.
Signé Martin DEFLANDRE, Syndic de LA CHAUSSÉE et les suppliants.

Il s’en est suivi la constitution d’un épais dossier, avec estimation détaillée des dégâts et préjudices, expertises, etc… Une réponse favorable a été donnée (sous condition) le 5 janvier 1789.

Document René CORNET (6 octobre 2006)

Le 22 mars 1790, la toute première municipalité de La Chaussée-Tirancourt, prend des mesures réglementant le travail du chanvre afin d’éviter les incendies :

« Sur les plaintes qui nous ont été portées que beaucoup de personnes dans la paroisse travailloient le chanvre dans des endroits où il y a du feu et que cette imprudence étoit dans le cas de faire naître des accidens qu’il étoit facile de prévenir en y apportant plus de précaution.
Considérant qu’on ne sauroit prendre trop de soins pour écarter les causes qui peuvent provoquer les incendies qui n’ont été malheureusement que trop fréquens dans cette paroisse par la négligence de particuliers, avons fait les défenses qui en suivent :

1. De faire sécher le chanvre à côté d’un foyer ni même de le briser dans les maisons et autres endroits où il y a du feu ;
2. De porter du feu dans un vase quelconque, dans aucun bâtiment, soit chambre, grange, étable, etc…pour y travailler le chanvre ;
3. De faire essuyer le fil pour toile dans un lieu qui ne soit pas couvert d’un plancher plafonné ;
4. D’exposer les cendres de tourbe en aucun lieu qui ne soit creusé en terre, ou entouré de mur en pierre, ou au moins suffisamment pailloté pour qu’il n’y ait point à craindre de communication de feu ;
5. D’allumer les fours pour la cuisson du pain après le coucher du soleil ;
6. De tirer à poudre dans les rues ou cours aux baptêmes, mariages et autres réjouissances ;
7. De laver les herbes, jeter aucune ordure ou cailloux dans la mare près de l’église ;
8. De cueillir les navettes ou autres plantes utiles en allant à l’herbe dans les champs ;
9. D’arracher les affiches ou placards qu’on attache à la porte de l’église ;
10. De sortir dans les rues avec une pipe allumée si elle n’a un couvert ;
11. Il est ordonné de tenir les fours et cheminées en bon état.

Dans tous les cas susmentionnés, les pères et mères seront responsables pour leurs enfants.
Lorsque quelqu’un s’apercevra qu’un particulier contreviendra à aucun des articles énoncés cy dessus, il pourra le dénoncer à l’officier municipal le plus voisin du lieu où se commet le délit, qui sera tenu de s’y transporter sur le champ pour le constater. Le nom du dénonciateur sera tenu secret, et seront les délinquans dans tous les cas susmentionnés condamnés à 3 livres d’amende pour la première fois ; à 12 livres pour la seconde et punis exemplairement à la troisième fois. Les dites amendes applicables au profit des pauvres.
Et sera notre présente ordonnance lue, publiée et affichée à la porte de l’église à l’issue de messe paroissiale au son de la cloche afin que personne n’en ignore. »

Ce règlement peut paraître sévère, mais à cette époque les assurances n’existaient pas ; celui qui malheureusement voyait sa maison partir en fumée avait tout perdu !
Il faut dire aussi que les incendies créaient parfois une panique énorme comme à Belloy-sur-Somme, où un gigantesque incendie a ravagé une grande partie du village en 1784.
Il n’est pas étonnant alors que le tout nouveau pouvoir communal prenne des dispositions pour éviter les feux.

Deux quêtes sont organisées dans la commune en faveur des victimes des incendies.
La première a lieu en octobre 1791 et rapporte 54 livres en espèces et de nombreux dons en nature : bottes de blé, de foin, d’avoine,..
La liste des 165 donateurs de La Chaussée et des 24 de Tirancourt est intéressante car elle nous donne la liste de pratiquement tous les foyers du village.
La deuxième quête a eu lieu en décembre 1792 et a rapporté 72 livres ainsi que de nombreux dons en nature pour nos concitoyens les moins fortunés.
162 personnes de La Chaussée ont donné ainsi que 21 de Tirancourt.

François MATHON, cabaretier, n’obéissant pas aux recommandations de la Mairie, fit chauffer son four à pain à 11 heures du soir, le 5 juillet 1793, il fut condamné à une amende de 9 livres le lendemain.

Le 13 Prairial an VII, c’est à dire le 1er juin 1799, « sur les deux heures du matin a esté étouffée dans une cave par un incendie, la citoyenne Geneviève DIU, âgée de 42 ans, femme de Charles DESTRE, bocquillon, retirée de la cave par le citoyen DEROUVROY, en présence de Louis ROUTIER, juge de paix du canton du dit Picquigny, du citoyen DELORME officier de santé à Picquigny, d’Agatange BARBIER agent municipal et de plusieurs témoins : J.B. FOUACHE et P. HULOT.