LA
RELIGION |
La chapelle
Elle se trouve dans le cimetière et offre les traces du style
du quatorzième siècle. A droite de la porte se lit l’épitaphe
de M. Pierre Lucien FAUCHON, mort à 81 ans en 1841 après
avoir été curé de La Chaussée-Tirancourt
pendant 58 ans. Il exerça son ministère de manière
à mériter cet éloge. « à l’exemple
de notre divin maître il a été le bon pasteur
».
Dans la chapelle se trouve une fresque datant de 1759 représentant
le Dieu de pitié ou l’Ecce Homo entouré de douze
médaillons retraçant les scènes de la passion
; au bas se trouve d’un côté Saint-François
d’ASSISES de l’autre Saint Jean-Baptiste assistant un
prêtre en surplis agenouillé. Des vers naïfs donnent
l’explication on remarque les suivants :
« Pêcheur considère ton roi
il est craché par dérision
et mis en dure passion »
A droite de l’autel est une statue représentant Saint Martin à cheval ; il porte une toque, des bottes, des éperons, enfin le costume complet d’un chevalier du septième siècle. Cette statue se trouvant dans l’ancienne école des garçons avant d’avoir été transportée dans la chapelle du cimetière.
L’église de La Chaussée-Tirancourt
Elle a ce grand saint (Saint-Martin) comme patron. Elle est peu ancienne
et n’offre de remarquable que son clocher sur lequel est inscrite
la date de 1730.(voir plus loin une remarque de M. BISSON). Il a sans
doute remplacé un clocher analogue à ceux qui se trouvent
encore dans la vallée de la Somme. Comme il en existe dans
une tour carrée, terminée par une balustre avec gargouilles
aux angles et par une flèche octogone en pierres découpées
à jour et garnie de crosses végétales le long
de ses angles mais sa pyramide est trop écourtée, ses
ornements sont de mauvais goût, de sorte qu’il est loin
d’offrir la noble silhouette, les proportions heureuses et la
belle décoration des clochers du moyen-âge. La galerie
a été refaite récemment en forme de losange renfermant
un quatre feuilles. Les trois cloches bien d’accord forment
un carillon harmonieux. Dans l’intérieur, à gauche
est accrochée à la muraille un groupe en plâtre
représentant la sainte vierge tenant sur ses genoux le corps
de son fils descendu de la croix. Ce groupe provient dit on d’une
église de Paris supprimée près de la Place du
Carrousel . On remarque aussi quelques tableaux et statues qu’on
a cachés pendant la révolution de 1793 pour mettre à
l’abri du vandalisme. Au reste cette église est bien
tenue garnie de beaux bancs, les élégants fonts baptismaux
sont en marbre gris de Sainte Anne. La commune de La Chaussée-Tirancourt
est très bien administrée à en juger par l’excellent
état de édifices publics, la maison de Ville, construite
par M. DERCHIN, architecte à Amiens est vaste surmontée
d’un étage et d’un campanile. Elle renferme outre
la salle du Conseil, une école de garçons avec le logement
de l’instituteur, un magasin de pompe pour les incendies.
La mare de la Place est entourée d’un mur solide avec
garde corps pour éviter les accidents.
Remarque de M. BISSON sur le clocher
L’auteur de cette notice a été sans doute mal
renseigné ; en examinant attentivement ce clocher, on aperçoit
dans sa partie intérieure, une crevasse légère
il est vrai, qui est l’ entrée ? d’un affaissement
dans la muraille. Cet affaissement a produit aussi son effet dans
l’intérieur de l’église ainsi qu’il
est facile de le voir à la voûte de quelques croisées.
C’est donc cet affaissement qui en empêche d’élever
sur la tour une flèche plus grande. M. BISSON.
Il est probable que si on ne prête pas attention à ce
clocher, tôt ou tard il s’écroulera et pourra causer
beaucoup de dommages, attendu que l’effondrement se produisant
intérieurement pourra briser les cloches. Alphonse COLET qui
a replâtré le clocher en plusieurs endroits en 1842 m’a
dit qu’il n’était pas très stable.
Les cloches
Elles
furent bénites par M. BEAUDE, doyen de Picquigny, assisté
de Messieurs DEBERNY, prêtre habitué à Picquigny,
de SAINT-AUBIN, curé d’Hangest, DUFOURMENTEL, curé
de Saint-Vast-en-Chaussée, et l’abbé NOYON d’Hangest-sur-Somme.
La première cloche, du poids de 875 livres fut nommée
« Fanie » par M. Thuillier de MONTREFUGE, Maire, qui fut
le parrain et Madame de FRANCQUEVILLE, qui fut la marraine.
La seconde, du poids de 645 livres, fut nommée « Marie
» par Monsieur de FRANCQUEVILLE d’ABANCOURT, parrain et
Mademoiselle THUILLIER, décédée, représentée
par Mademoiselle de FRANCQUEVILLE d’ABANCOURT , l’aînée,
marraine.
La troisième, du poids de 485 livres, fut nommée «
Eulalie » par Monsieur de FRANCQUEVILLE d’ABANCOURT ,
parrain, et Mademoiselle de FRANCQUEVILLE d’ABANCOURT, puînée,
marraine.
Une chose que je ne puis passer sous silence et qui mérite
d’être connue de nos descendants, comme un événement
remarquable , c’est que Monsieur le Maire était tombé
en apoplexie, de sorte qu’il ne pouvait parler qu’avec
grande difficulté, qu’on ne comprenait rien de ce qu’il
voulait dire, et de plus, il ne pouvait marcher, il fallait le porter
où on le voulait voir.
Avant la bénédiction des cloches on s’aperçut
qu’il allait mieux, et même essayé de marcher à
l’aide de son valet de chambre. Quelques jours avant la bénédiction
M. l’adjoint lui manifestait le plaisir que ses administrés
éprouveraient de le voir assister à cette touchante
cérémonie ; et lui dit qu’il ne pouvait trop s’y
refuser d’autant plus qu’il était parrain de l’une
d’elles. Mais il représentait toujours sa situation.
M . l’adjoint finit par lui dire qu’il n’avait qu’à
monter en voiture, qu’on le descendrait à l’église
et qu’on le porterait à la place qui lui serait destinée
par avance. Il se rendit enfin à tant d’insistance et
promit tout. Le jour de cette auguste et importante cérémonie,
étant arrivé ; les plus notables de la commune accompagnés
de M. l’adjoint allèrent devancer M. et Mme de FRANCQUEVILLE
et leurs aimables enfants jusqu’à Dreuil-les-Amiens.
La compagnie des pompiers était restée à Picquigny
afin d’annoncer aux habitants de La Chaussée-Tirancourt
l’arrivée de cette respectable famille, par une décharge
due à sa noblesse. Ils se rendirent à Tirancourt chez
M. THUILLIER de MONREFUGE leur père qui les attendait avec
impatience. Après les compliments d’usage, ils montèrent
en voiture et vinrent à l’église où ils
étaient attendus du clergé.
Etant arrivé à l’église, on descendit M.
le Maire qui se transporte avec peine, toujours soutenu par ses valets,
en la place qui lui était réservée. Après
la cérémonie, on rentra dans l’église où
M. le Doyen donna la bénédiction avec le Très
Saint Sacrement et chacun se retira.
Le même ordre fut suivi après comme avant la cérémonie.
Mais le lendemain, les domestiques de M. le Maire ne furent pas peu
surpris de voir le bon maître , ce respectable M. de MONREFUGE,
ce digne Maire de La Chaussée-Tirancourt, ce père des
pauvres, se promener seul dans son jardin n’ayant d’autre
appui que sa canne, lui qu’on était obligé de
promener tous les jours dans un fauteuil roulant, fait exprès
pour lui. Et depuis, il va très bien, il marche et parle de
même.
Voilà l’événement qui m’a paru extraordinaire
remarquable et digne enfin d’être connu.
J’ai pensé que nos descendants liraient pas sans intérêts
une chose qui n’est pas arrivée sans les vues de la Providence
et pour faire ouvrir les yeux sur ces décrets admirables et
incompréhensibles.
Fait à La Chaussée-Tirancourt le 26 juin et retranscrit
le 1er août 1834.
Signature des membres du clergé
M. BEAUDE, doyen, FAUCHON curé de La Chaussée-Tirancourt,
DEBERNY, prêtre habitué à Picquigny, de SAINT-AUBIN,
curé d’Hangest, DUFOURMENTEL, curé de Saint-Vast-en-Chaussée,
BRANDICOURT abbé de Saint-Vast.
Revue de la Mission qui a eu lieu à La Chaussée en 1868
M. le curé MEURISSE voyant que parmi ses paroissiens beaucoup
s’éloignaient de l’Eglise fit venir des missionnaires
afin de les rappeler à leurs devoirs. Il annonça aux
prônes qu’une mission allait avoir lieu probablement le
22 novembre. Le samedi suivant deux missionnaires arrivaient au Presbytère
à deux heures d’après midi.
Le lendemain, premier dimanche d’avril, le monde s’empressa
à l’église. M. LACOUR, missionnaire monta en chaire
et exposa en quelques mots ce que c’était qu’une
mission et les bienfaits qu’elle pourrait produire quand on
savait en profiter. Tous les jours, grande affluence du public, l’église
archi pleine, plus une place vacante.
La deuxième semaine encore plus d’empressement : l’église
déborde de monde. Il en venait des pays environnants ; cette
semaine, il y eut illumination tous les soirs et fut un plein succès
pour la mission. Il fut même décidé qu’il
y aurait une plantation de croix. Mais voilà il fallait de
l’argent et un emplacement à désigner, tout le
monde aurait voulu avoir sa croix. Enfin on décida de faire
une souscription qui rapporta la somme de 338 F.
M. de FRANCQUEVILLE fit présent d’un arbre dans son bois
de Bettencourt-Saint-Ouen. On fit appel à tous les ouvriers
de métier pour fabriquer cette croix. Jean-Baptiste RETHORE,
BAUVAL et son fils allèrent abattre cet arbre et Jean-baptiste
HORVILLE de Tirancourt alla le chercher et l’amener au chantier
de Joseph RETHORE lieu où l’on devait le travailler.
BAUVAL et son fils ébauchèrent cet arbre et le scièrent
aidés un peu des charrons. Ensuite les charrons le travaillèrent
et firent la croix. Elle fut faite par Jean-Baptiste RETHORE, Arsène
RETHORE Joseph RETHORE et son fils Achille. Ce travail fut fait à
la journée. Pendant que l’on travaillait à la
croix, les maçons travaillaient à sa fondation et posèrent
le piédestal. Ce travail aussi fut fait à la journée
par GAVOIS père, GAVOIS Eugène , son fils, BOUCHER Auguste
de Tirancourt et Joseph DUCROTOY et son fils. La quatrième
semaine le 20 décembre tout était prêt. M. LACOUR
fit appel à tous les habitants et les fis classer par section
et donna des ordres pour la cérémonie. Le Christ fut
acheté à Amiens et déposé au presbytère
pour la somme de 150 F. pendant plusieurs jours il fut visible à
tous. Le 23 décembre la mission est terminée. Quant
aux confessions ce fut les vieillards qui s’approchèrent
les premiers, il parla de ceux qui ne s’étaient pas approchés
des sacrements depuis plus de trente ans.
Nous voici arrivés à la veille de Noël. Vers les
onze heures du soir l’Eglise était déjà
comble de monde. On était les uns sur les autres. Malgré
cette foule et la gène dans laquelle on se trouvait nul bruit
ne se fit entendre. Le moment de l’offrande dura une grande
demi heure et celui de la communion trois quarts d’heure passés,
exceptés les enfants qui n’avaient pas encore l’âge
de communier. Une seule, c’était un homme, resta spectateur
d’un si touchant et si admirable spectacle. Cet homme était
Joseph DUFETELLE.
Le nombre des habitants qui firent leur mission fut d’environ
630. le nombre des habitants en âge de communion était
au moment de la mission 690.
Voici
le relevé des communiants de la commune :
La
Chaussée |
Tirancourt |
|
Hommes |
205 |
25 |
Femmes |
236 |
27 |
Garçons |
93 |
27 |
Filles |
75 |
12 |
609 |
91 |
|
TOTAL |
690
(700 ?)
|
Ce
jour là, M. LACOUR invita tous les ouvriers ayant travaillé
à la croix de faire parvenir leur note. Le lendemain on transporta
la croix au cimetière. Ce fut Bruno DUPUIS, charpentier qui
dressa la croix et la fixa dans le piédestal.
Le lendemain, dimanche 27 décembre à la messe, M. LACOUR
monta en chaire avec ses fameux mémoires en main et en fit
la lecture aux assistants et rendit compte des dépenses qui
avaient été faites pour les travaux de la croix. On
s’aperçut facilement bien qu’il n’était
pas très satisfait des ouvriers ; la peine qu’il en éprouvait
a été visible à tout le monde. Il tenait des
mémoires en main qui lui faisait mal au cœur. Il commença
par faire lecture du mémoire des charrons qui s’élevait
à cinquante francs. 20 jours de travail à 2,50 ; ensuite
celui des maçons : 10 jours à 2 ; celui des charpentiers
: 12 F ; celui de Bruno DUPUIS : 10F ; celui de Joseph HUGUES, maréchal
7 F ; ce dernier ne prit qu’un prix bien modique pour les ferments
qu’il livra pour la croix. Charles HUSTACHE, bourrelier n’exigea
rien pour le temps qu’il passa à l’église
avec LACOUR pour les décorations et les illuminations. Quant
au grand brancard qui fut fait par Hilaire PAUCHET le prix en fut
convenu entre lui et M. LACOUR. Il coûta 10F. la lecture de
quelques uns de ces mémoires fit de vives impressions sur les
paroissiens qui l’entendaient. Les ouvriers furent injustes
en pareille circonstance. Leur travail est visible à tout le
monde et chacun peut en juger. Le souvenir des ouvriers qui ont travaillé
à la croix durera aussi longtemps qu’elle.
La souscription n’ayant pas fourni les fonds nécessaires
on a recouru à une quête ou pour mieux à la vente
de médailles de missions faites par les missionnaires. Ensuite
des ouvriers se rendirent à la sacristie pour être soldé
de leur travail. Les charrons voulurent transiger un peu avant de
toucher ce qu’il leur était dû, mais M. LACOUR
ne voulut pas y consentir. Ils furent payés conformément
à ce qui était porté sur leur mémoire.
Vers les deux heures la procession sortit de l’église
et se mit en marche. Brancards , bannières, jeunes filles en
blanc, tout le monde en ordre se dirige vers le cimetière.
Les habitants qui n’avaient pas fait leur mission formaient
l’arrière garde. Au moment où le Christ fut élevé
pour être attaché à la croix, les musiciens exécutèrent
un morceau de musique dont l’air si touchant et si tendre vint
faire vibrer tous les cœurs ! Après que le Christ fut
attaché à la croix, M. le Doyen de Picquigny en fit
la bénédiction. Ensuite, M. LACOUR fit un petit sermon
de 20 minutes. On fit en même temps la quête pour la croix.
Ensuite la procession se remit en marche dans le même ordre
qu’elle était venue.
Description détaillée par ordre de section durant l’aller
retour de la procession.
1 La Croix ; 2 Les enfants ; 3 La musique ; 4 Brancard de Saint Maurice
; 5 Brancard de Saint Fuscien ; 6 Brancard de Sainte Candite ; 7 Brancard
de Saint Jean ; 8 Brancard de la Sainte Croix ; 9 Grande Bannière
de la sainte Vierge ; 10 Brancard de la Sainte Vierge ; 11 Petite
Bannière de la sainte Vierge ; 12 Brancard de Sainte Ursule
; 13 Brancard de Saint Martin ; 14 Les chanteuses ; 15 les Pleureuses
; 16 Les saintes femmes ; 17 Les porteuses d’instruments ; 18
Le Christ ; 19 Le Conseil Municipal ; 20 Le Clergé.
La procession rentra à l’église et M. LACOUR monta
en chaire et félicita et remercia les musiciens. Puis ce fut
le dernier Salut on s’empressa de s’y rendre. M. LACOUR
annonça que la quête faite était plus que suffisante
pour couvrir les frais. Cela fait plaisir à tout le monde.
Dans la maçonnerie du piédestal de la croix se trouve
enfermée dans une bouteille la liste sur parchemin de tous
ceux qui ont souscrit pour la croix.
Voici la copie de l’inscription qui se trouve à la Croix
donnée par Monseigneur d’Amiens. Souvenir de Mission
27 décembre 1863.
Indulgence plénière pour l’Innovation, l’Exaltation
de la Sainte Croix et le jour anniversaire de la plantation le dimanche
suivant. Condition pour la gagner : Confession, Communion. Visite
à la croix ou à l’église (Pie IX 27 mai
1852). Indulgence de 300 jours chaque fois qu’on récite
5 Pater, 5 Ave, 5 Gloria devant la Croix (id) les jours d’indulgence
pour chaque marque de dévotion à la croix. Monseigneur
d’Amiens septembre 1863.
La Chaussée-Tirancourt 1869 Alfred FRERE