CHAPITRE
II Les élections et les élus de 1790 à 1795 |
Le « registre des délibérations de la paroisse de La Chaussée et Tirancourt » commence par le procès-verbal des premières élections municipales, en janvier 1790 ; il permet de suivre la municipalité jusqu'aux élections pour les municipalités de canton, le 15 brumaire an IV (6 novembre 1795). Ce registre est l'unique source de renseignements sur la municipalité de La Chaussée, mais il constitue une source suffisamment claire et abondante ; par lui on connaît la date et le mode des élections, les différents élus, les finances et la police municipales.
La première municipalité de La Chaussée a été formée les 24 et 31 janvier 1790, elle a administré la commune pendant six mois sans aucun changement parmi ses membres. Le maire démissionne le 25 juillet et des élections ont lieu le 1er août pour le choix de son successeur. Le 14 novembre, «les noms de deux officiers municipaux et de cinq notables sont sortis par la voie du sort » et le lendemain on remplace les sept sortants, un autre notable est ensuite élu pour remplacer le notable choisi pour maire. A la suite de ces élections réglementaires, la composition de la municipalité reste la même pendant un an.
En 1791, des élections ont lieu le 13 novembre, en vertu a du décret de l'assemblée nationale du 14 décembre 1789 ». L'ancien maire est réélu, mais trois anciens officiers municipaux sont remplacés par trois nouveaux. Le vingt novembre, on procède à la nomination de six notables pour remplacer les six sortants. L'un de ces nouveaux notables devient officier municipal deux jours plus tard, par suite de la démission du dernier des officiers municipaux élus le dimanche précédent, ce démissionnaire restant « notable de l'année dernière ».
Le 10 juin 1792, l'élection d'un nouveau maire a lieu par suite de la démission du deuxième maire. Six mois plus tard, le 8 décembre, on procède à de nouvelles élections « en vertu des articles 42 et 45 des lettres patentes du Roy ». Un nouveau maire et cinq officiers municipaux sont élus, puis, l'après-midi, douze notables.
Enfin, le 15 brumaire an IV, «en vertu de la loy... pour la formation des municipalités de canton » les citoyens élisent un agent municipal et un adjoint, comme on doit le faire dans chaque commune. Au total, on compte un minimum de sept élections municipales en cinq ans.Le cérémonial des élections municipales est consigné avec soin dans les procès verbaux qui racontent ces événements.
Les deux élections de 1790 ont été annoncées par M. le Curé au prône du dimanche précédent. L'élection de 1791 a été seulement affichée à l'issue des vêpres; celle de juin 1792 a été annoncée seulement le jeudi précédent, jour de la démission du maire. Mais ce jeudi était le jour de la fête du Saint-Sacrement, il y avait eu messe et, après cette messe, le nommé Bernard, huissier à Picquigny, annonça la démission du maire.
Aux élections de 1790, 1791 et 1792, les citoyens sont « convoqués au son de la cloche ». Toutes ces élections ont lieu un dimanche ou un jour de fête religieuse à l'issue de la messe ou des vêpres pour éviter aux électeurs un déplacement supplémentaire. Les citoyens se réunissent dans l'église paroissiale, le fauteuil du président de l'assemblée municipale est le fauteuil du prêtre célébrant, «le vase » qui sert d'urne est probablement l'un des vases de l'église et le président choisi par l'assemblée est toujours Monsieur le Curé. Aucun des électeurs ne semble penser sérieusement à séparer les traditions religieuses et l'administration municipale, encore moins à dresser la commune contre la paroisse.Les élections de janvier 1790 doivent constituer la municipalité, aussi exigent-elles trois réunions. La première réunion commence par la lecture des décrets, puis «les trois plus anciens d'âge. ont été appelés pour remplir les fonctions de scrutateurs », on procède par la voie du scrutin à la nomination d'un président, puis, par un nouveau scrutin, à la nomination d'un secrétaire. «La nomination du président et du secrétaire étant faite, il a été prêté par eux en présence de l'assemblée, et ensuite par les membres de l'assemblée, entre les mains du président, le serment de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du Royaume, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, de choisir en leur âme et conscience les plus dignes de la confiance publique, et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui pourront leur être confiées ». Après ces cérémonies, on nomme trois nouveaux scrutateurs par voie de scrutin, et l'on commence enfin les élections proprement dites. On élit d'abord un maire par voie de scrutin individuel, puis cinq officiers municipaux «par la voie du scrutin de liste double à la pluralité absolue des voies ». Deux officiers municipaux sont ainsi élus dès le premier tour. « Aussitôt, Monsieur le Président a levé la séance », les membres de l'assemblée devaient être en effet quelque peu fatigués après cette longue. séance précédée de vêpres paroissiales.
Le dimanche suivant, une deuxième réunion a lieu, « on a de suite procédé par un second scrutin à la nomination des trois officiers municipaux qui étaient à élire ». Ensuite on procède à l'élection d'un procureur « par la voie de scrutin individuel », ce qui exige deux scrutins. Enfin, on nomme douze notables, « par la voie de scrutin de liste simple à la pluralité relative des suffrages ». Le mardi suivant, fête de la Purification de la Sainte Vierge, après la grand'messe, «La Commune ayant été assemblée..., Messieurs les Officiers municipaux et Conseil Général de la Commune ont prêté devant elle le serment requis par le décret de l'assemblée nationale » et ce conseil général choisit un secrétaire greffier, qui est le «magister ». La municipalité comprend donc le Maire, cinq officiers municipaux et douze notables.
Le procès-verbal de ces élections est très détaillé et indique avec précision la manière dont est formée la première municipalité. Les procès-verbaux des autres élections, de 1790-1791 et 1792, montrent que la procédure adoptée est, à peu de détails près, celle des premières élections. Toutefois, les citoyens semblent se préoccuper «d'accélérer les opérations » de plus en plus, deux procès-verbaux l'avouent sans détours. Pour atteindre ce but, on nomme «par acclamations » les président et secrétaire de l'assemblée ; on utilise même une fais ce moyen très expéditif pour nommer les trois scrutateurs. Le président est toujours le curé de la paroisse, tant que La Chaussée en conserve un ; et le « magister » accompagne le curé au titre de secrétaire, sauf à partir de juillet 1792. Les prestations de serment sont nombreuses et fidèlement notées. En décembre 1792, elles occupent, comme en janvier 1790, une troisième réunion. En août 1790, pour la nomination des scrutateurs « chaque membre de l'assemblée, en mettant ; son bulletin dans le vase a levé la main et dit à haute voix, je le jure ». En novembre 1790, on procède au choix des sortants par le tirage au sort : « Il a esté convenu qu'on metroit dans un vase les noms de chaque officiers municipaux et ensuite ceux de chaque notable et que les deux officiers municipaux qui seroit retiré du vase ainsy (que les cinq) premiers notables seroit ceux qu'on remplaceroit ». Après la sortie des noms, on lève la séance. Dès le lendemain, la nuit ayant probablement suffi pour porter conseil, on remplace ceux dont les noms étaient sortis la veille. L'élection du maire est toujours faite par voie de scrutin individuel à la pluralité absolue des suffrages ; les élections d'officiers municipaux sont faites par liste simple ou liste double à la pluralité absolue des suffrages, celles des notables sont faites à la pluralité relative des suffrages. Les élections du 15 brumaire an IV sont très différentes des précédentes. D'abord, elles sont complètement «laïcisées ». Il n'est plus question d'église et d'offices paroissiaux, «le son de la caisse » essaie de remplacer «le son de la cloche » ; la réunion a lieu « vers les quatre heures de relevé » et il n'y a plus de curé à La Chaussée pour présider les élections. Après le choix des plus âgés comme président et scrutateurs, et l'élection de leurs remplaçants, on procède, par trois scrutins successifs, à la nomination d'un agent municipal, d'un adjoint, et de quatre assesseurs pour la justice de paix. Le procès-verbal de cette élection est bref et il termine presque le registre de La Chaussée commencé par le long procès verbal des élections de la première municipalité.
Parmi tous les élus municipaux, il convient de distinguer les quatre maires successivement choisis par les citoyens de La Chaussée . Le premier maire de La Chaussée est « Monsieur Thuillier de Monrefuge ». Élu d'abord comme président de l'assemblée, le 24 janvier 1790, il refuse cet honneur probablement par déférence pour le curé de la paroisse. C'est alors à Monsieur Demachy, curé, que « la présidence a été dévolue de droit». Élu maire par 40 voix sur 56 votants, M. Thuillier de Monrefuge garde ses fonctions sans aucun incident pendant six mois ; puis, par une lettre écrite à la municipalité, il lui annonce, le 25 juillet 1790, «sa nomination à la place d'administrateur du département de la Somme et la prie d'agréer sa démission de maire et de lui donner incessamment un successeur ».Le second maire de La Chaussée est Jacques Barbier, élu le 1er août 1790, par 17 voix sur 31 votants, ce qui indique un certain nombre d'abstentions ; aux élections de novembre 1791, il est réélu maire par 37 voix sur 60 votants ; le 7 juin 1792, il démissionne sans que l'on puisse en connaître le motif. Trois jours plus tard, on choisit le troisième maire. Honoré Mercier père, laboureur, est élu par 52 voix sur 89 votants, il n'y avait jamais eu autant de votants ni un tel accord pour nommer un maire. Le quatrième maire est Jean-Baptiste Fouache. Élu le 8 décembre 1792 par 35 voix sur 63 votants, il reste maire jusqu'à la formation des municipalités de canton, c'est-à-dire pendant trois années environ. Ces quatre maires se ressemblent en ceci qu'ils paraissent très tranquilles, probablement fort peu révolutionnaires dans l'ordre religieux et social. Seul M. Thuillier de Monrefuge a été vraiment actif pendant son administration municipale qui a duré six mois. En effet, c'est lui qui a fait creuser la mare que l'on voit encore a à côté de l'église sur la place dite Le perrier ». Il a «raccommodé la Grande Rue qui a été recouverte entièrement de cran et de cailloux bis, ü a fait faire un chemin vicinal conduisant de La Chaussée à Tirancourt couvert de cran et de cailloux bis ». Le premier et le quatrième maire, Thuillier de Monrefuge et JeanBaptiste Fouache, comptent parmi les plus riches citoyens de La Chaussée et sont animés de vrais sentiments religieux ; le troisième, Jacques Barbier, semble se distinguer par son grand âge ; quand il n'occupe pas le fauteuil comme maire, il s'y assied souvent comme « plus ancien d'âge ». Le troisième maire, Honoré Mercier, semble être un brave «laboureur», plus occupé de faire valoir ses biens que de se faire remarquer par une administration révolutionnaire.
Après le maire, le personnage le plus important est le procureur de la commune. Le 31 janvier 1790, après la nomination du maire et des cinq officiers municipaux, les électeurs ont «Procédé à celle d'un procureur de la commune par la voie de scrutin individuel». Jean-baptiste Cauchy a été élu au second tour par 25 voix sur 39 votants; aux élections de novembre 1791, il est réélu procureur, au troisième tour seulement, par 51 voix sur 83 votants ; en 1792, en même temps que le maire Jacques Barbier, il « fait faire sa démission le 24 juin, fête de la Saint Jean-Baptiste (et jour de sa fête) par le nommé Bernard, huissier à Picquigny, à la messe dite et célébrée le même jour ».Le successeur de Jean-Baptiste Cauchy est Charles Ravin, élu le 1er juillet 1792 au second tour par 25 voix sur 29 votants. Ce Charles Ravin venait d'être élu le dernier des notables aux précédentes élections ; le 8 décembre 1792, il est réélu procureur au premier tour par 17 voix sur 31 votants. Jusqu'alors, le procureur ne semble avoir eu dans la commune, qu'un rôle très effacé; il n'est jamais mentionné dans les procès-verbaux, il ne les signe même pas toujours. Le 9 janvier 1793, le procès-verbal porte pour la première fois : « Ouy le citoyen procureur de la commune » ; à partir de cette époque, Ravin signe plus souvent et ajoute procureur ou au moins les deux premières lettres, parfois il est mentionné dans les procès-verbaux, ordinairement après le maire ; le 22 août 1793, le maire et les officiers municipaux vont même constater un vol « sur la réquisition du procureur de la commune ». Cependant Charles Ravin n'a pas su se montrer à la hauteur de ses fonctions. «Le 24 nivôse an II de la République une et indivisible » la municipalité et un grand nombre de citoyens actifs se réunissent « à l'effet de procéder au scrutin épuratoire du cy devant procureur de la commune conformément au décret de la convention nationale du 14 frimaire dernier». Sur 18 votants, «15 voix ont décidé pour la destitution comme par défaut de capacité». Puis «l'assemblée demande de procéder à la nomination, et sans désemparer, d'un agent national». Pierre Charles Hulot est alors élu à l'unanimité des 21 votants. L'élection de Pierre Hulot comme agent national est surprenante. L'agent national est en effet choisi généralement à cause de sa ferveur révolutionnaire. Or, parmi les habitants de La Chaussée, quatre seulement ont été emprisonnés au cours de la Révolution. Et il se trouve que ce sont Pierre Hulot, l'agent national, Jean-Louis Hulot son frère, la femme de Jean-Louis Hulot, et enfin Rose Hulot, probablement sœur de Pierre et de Jean-Louis. Tous les quatre sont entrés à la prison de Bicêtre à Amiens le 8 décembre 1793. A la vérité, ils en sont sortis le lendemain (1). Il reste qu'ils devaient être plus suspects que d'autres de tiédeur révolutionnaire. De plus, la femme de Jean-Louis, née Marie-Catherine Thuillier, était probablement parente des Thuillier, seigneurs de Tirancourt, et Pierre Thuillier de Monrefuge a été arrêté peu après nos quatre Hulot, le 20 décembre, à Poix, peut-être suspect pour les mêmes motifs. Ainsi le choix de Pierre Hulot devient étonnant, presque scandaleux, en cette fin de 1793. Il semble indiquer un vote destiné à freiner plus qu'à suivre la loi qui veut faire de l'agent national le représentant actif de la Révolution jusque dans le moindre village. La première intervention de Pierre Hulot en tant qu'agent national paraît confirmer cette hypothèse. En effet, jusqu'au «deuxième jour des sans culotides an II » le nouvel agent national n'est jamais mentionné dans les actes, il signe généralement et fait suivre sa signature de son titre d'agent national. Mais, ce jour-là, le conseil général de la commune, « ouy l'agent national », décide de soutenir Pierre Thuillier, ancien seigneur de Monrefuge, contre un arrêté du comité de sûreté générale qui veut le faire emprisonner. Le 28 brumaire an III, c'est «sur le réquisitoire de l'agent national que la municipalité se réunit en la cy devant église pour la vente des meubles qui restent encore ». Mais cet agent national ne signe même pas le procès-verbal. Le 5 prairial an III (24 mai 1795), Pierre-Charles Hulot est nommé commissaire par la municipalité en exécution de l'arrêté du Directoire du district d'Amiens, en date du 30 floréal et il signe «Hulot commissaire ». Le 15 brumaire an IV, Pierre-Charles Hulot est encore élu agent municipal, par 22 voix sur 34 votants ; il signe les deux derniers procès-verbaux du registre de La Chaussée les 17 nivôse et le 1er ventôse an IV (7 janvier et 20 février 1796) en faisant suivre sa signature de la mention «ex-procureur», ce qui semble indiquer que ses fonctions d'agent national équivalaient, au moins dans son esprit et dans celui de ses concitoyens, aux fonctions de procureur. Louis Madelin a écrit: «Le procureur de la Commune est vite un petit despote ; ... dans chaque district, le procureur syndic est l'homme puissant, moins puissant néanmoins que le procureur de la plus petite commune » (2). Le registre de La Chaussée ne permet pas de vérifier l'exactitude de cette affirmation en ce qui concerne la commune de La Chaussée-Tirancourt. On conserverait plutôt l'impression que les deux procureurs et l'agent national sont des hommes peu actifs, quelque peu embarrassés dans leurs fonctions, choisis peut-être pour leur calme plus que pour leur esprit révolutionnaire.
Avec le maire et le procureur, le conseil général de la commune comprend encore les officiers municipaux et les notables.Voici les noms des cinq officiers municipaux élus en janvier 1790: Jacques Barbier, le futur deuxième maire, et Pierre Louis Thuillier, de Tïrancourt, 30 voix sur 57 votants ; Charles Demachy, curé de la paroisse, 31 voix sur 35 ; Félix Mérelle, 15 voix sur 37 ; Jean-Baptiste Fouache qui a seulement 14 voix. Les trois derniers officiers municipaux ont été élus huit jours après les autres, d'où la différence dans le nombre des votants. Ensuite 39 électeurs choisissent les 12 notables qui sont : Martin Flandre, fils, 27 voix ; Jean-Baptiste Horville, 20 ; Jean-Baptiste Diu, François Brunet et Agatange Barbier, 19 ; Martin Barbier et Jean-Baptiste Frère, 18 ; François Depoix, 17 ; Honoré Lenoir, 16 ; Joseph Duvivier, 15 ; Martin Vasseur et Honoré Mercier, 14. Le dernier élu parmi les officiers municipaux est donc le futur quatrième maire, et le dernier élu parmi les notables est le futur troisième maire. En novembre 1790, le registre des délibérations indique Félix Mérelle et Martin Deflandre comme officiers municipaux ; Joseph Duvivier, Jean Diu, Ambroise Brunet, François Depoix et Martin Barbier comme notables a sortis par la voie du sort ». Or, Martin Deflandre était, non pas officier municipal, mais notable, et il n'a jamais été question d'Ambroise Brunet comme notable. Confondrait-on facilement officier municipal et notable ? Des élections auraient-elles eu lieu, ou plutôt un accord verbal, dont le registre ne souffle mot ? En tous cas, les deux nouveaux officiers municipaux sont Martin Barbier, élu par 18 voix sur 23, et François Brunet, 14 voix. Les six nouveaux notables, le sixième devant remplacer l'officier municipal élu comme maire plus de trois mois auparavant, sont élus par 24 votants, ce sont : François Mercier, 15 voix; Augustin Lenoir, 14 ; Nicolas Warain et François Depoix, 12 ; Félix Mérelle et François Huiot, 40 voix. Ces trois derniers sont déjà connus : François Depoix est l'un des notables sortants, Félix Mérelle l'un des officiers municipaux sortants, François Hulot est probablement Pierre-François Hulot, le futur agent national de la Commune, qui est appelé tantôt Pierre, tantôt François et tantôt Pierre-François.
En novembre 1791, les trois plus anciens officiers municipaux: Pierre-Louis Thuillier; J.-B. Fouache et le curé Charles Demachy sont déclarés sortants ; ils sont remplacés par Félix Guillerand qui réunit 36 voix, sur 58 ; Thomas Moy, 34, et, au deuxième tour, François Depoix, qui a 40 voix sur 49. Ce François Depoix démissionne mais il reste notable de l'année précédente. « Louis Thuillier notable a été nommé par acclamation à sa place ». Les noms des six notables sortants ne sont pas indiqués, mais leurs remplaçants sont Fuscien Flandre, 50 voix; Charles Flandre, magister, 44 voix; Louis Thuillier, Jean Diu et François Guillerand, 43 voix; Charles Horville L'aîné, 40 voix, et Charles Ravin, le futur procureur, 29. La plupart de ces noms sont déjà connus.
Aux élections de décembre 1792, les cinq nouveaux officiers municipaux sont Honoré Mercier, 29 voix et Martin Barbier, 23 voix sur 43 votants ; Jean-Baptiste Cauchy, 38 voix, Louis Thuillier, 29, et François Brunet., 24 sur 42 votants. Aux élections des 12 nouveaux notables, Fuscien Flandre a 24 voix sur 24 votants ; François Mercier et François Depoix, 21 ; Jacques Barbier, 20 ; Augustin Lenoir, 17; François Guillerand, 16 ; Charles Flandre «Claire Laie » et Pierre Hulot, 24 ; Félix Mérelle, 13 ; Jean Diu et Thomas Moy, 12 ; Jean-Louis Hulot, 11. Tous ces officiers municipaux et notables ont déjà fait partie du conseil général de la commune, la plupart sont des réélus; un seul nom nouveau, Jean-Louis Hulot, le dernier élu parmi les notables. Les élections de brumaire an IV ajoutent un nom nouveau à la liste des élus de La Chaussée : Robert Cumel, adjoint à l'agent national. Les quatre assesseurs pour la justice de paix sont Louis Thuillier et Martin Barbier, anciens officiers municipaux, Jean-Baptiste Cauchy, le procureur de la commune destitué par défaut de capacité et Jean-Baptiste Fouache, ancien maire.En résumé, de janvier 1790 à novembre 1795, c'est à-dire pendant presque cinq années, les mêmes hommes restent presque toujours à la tête de la commune de La Chaussée. Les nouveaux semblent remplacer des morts ou des fatigués plutôt qu'indiquer une évolution politique ou religieuse. Les élections ne donnent jamais l'impression d'une révolution municipale, elles ne permettent même pas de déceler une évolution nette. Parmi tous ces élus, on ne voit aucun réactionnaire entreprenant, aucun meneur révolutionnaire.
Les électeurs ne paraissent pas plus politiciens que les élus, ils ne semblent pas assister aux assemblées avec enthousiasme, même pas avec ténacité, ils sont assez vite fatigués quand les élections sont à des dates quelque peu rapprochées. A cet égard, les chiffres sont amusants à noter : En 1790, les électeurs sont convoqués quatre fois ; à la première assemblée, ils sont 57 votants, le dimanche suivant, ils ne restent que 39 ; au 1er août, 30, et au 15 novembre 24. Les élections suivantes ont lieu un an plus tard, elles comptent 58 votants. L'assemblée la plus nombreuse est celle du 10 juin 1792 pour l'élection d'un maire, elle a 89 votants. Le dimanche suivant, on ne compte plus que 37 votants au début de la séance, et 29 à la fin. La même année, l'assemblée de décembre, destinée à remplacer le maire, le procureur et des notables, commence avec 63 votants, elle continue avec 43 et se termine avec 31. Une seconde assemblée ayant lieu l'après-midi, à l'issue des vêpres, ne réunit que 24 votants. En brumaire An IV, les chiffres ne varient guère, l'assemblée commence avec 53 votants, elle se termine avec 35. Personne n'arrive en retard puisque, sauf en brumaire de l'An IV, les citoyens sont déjà rassemblés p8ur l'office paroissial. Par contre, plus d'un quitte l'assemblée aussitôt après le premier scrutin, et nombreux sont ceux qui partent avant le dernier.
Les procès verbaux indiquent comme citoyens convoqués «tous les citoyens » pour la première élection (23 janvier 1790), pour la dernière et pour celle de novembre 1791. Aux autres élections, «les citoyens actifs », c'est-à-dire ceux qui paient un certain impôt, sont seuls convoqués. En fait, la distinction entre simples citoyens et citoyens actifs est-elle toujours aussi réelle que semblent l'indiquer les formules du registre ? Les deux assemblées les plus nombreuses, qui comptent 89 et 63 votants ne réunissent, d'après le procès-verbal, que des citoyens actifs. Par contre, les trois assemblées auxquelles « tous les citoyens ont été convoqués » ne réunissent que 57, 58 et 53 votants. Citoyens actifs ou citoyens passifs, les citoyens de La Chaussée paraissent de moins en moins des électeurs actifs.(1) Darsy : Les doléances du peuple et les victimes, page 219.
(2) La Révolution, pages 110-111 (Hachette).