L’AFFAIRE
MISS  JANET  MARSHALL
Témoignage de Guy HÉNOCQUE
J’ai trouvé les affaires de Miss Marshall !

    En 1955, quand arrive le drame du chemin des Bruas, je suis militaire : je suis sergent dans l’aviation. Ma base se situe au Bourget. Il m’arrive néanmoins de me rendre dans d’autres bases, comme à celle de Doullens.
    Le dimanche 4 décembre 1955, je me promenais du côté du château d’Yzeux. Le château n’était plus habité et tombait en ruines. A un moment, j’ai du m’isoler et suis entré dans le bois car la grille était ouverte, et oh surprise ! J'ai marché sur des affaires : du linge, un sac tyrolien, une pompe de vélo ainsi que différents objets. J’ai tout de suite compris ce dont il s’agissait !

     Bien que militaire, j’avais eu connaissance du crime de Miss Janet MARSHALL et à chaque retour en permission, je me tenais informé.

    Je savais donc que la police cherchait en vain ses bagages ! Je revins immédiatement à la maison. Papa me dit alors d’aller signaler ma découverte à la gendarmerie de Picquigny, ce que je fis alors.
    Le chef MARQUET me reçut, téléphona ensuite à ses supérieurs, au juge ainsi qu’à l’inspecteur VAN ASSCHE. Vers 17 heures, il m’accompagna dans le parc du château de M. de FRANCQUEVILLE, et nous attendîmes les autres enquêteurs.
    Je fus entendu comme témoin, mais comme ma permission s’achevait. Les policiers ont téléphoné à mon colonel afin que je puisse rester à leur disposition. Je n’ai pas eu d’ennuis.
    Un gendarme me dit : « Pourtant, il a été fouillé ce bois et on a rien trouvé ! »
    Je pense que la raison est simple au mois d’août les feuilles empêchaient de voir loin et des affaires étaient bien cachées dans un terrier de lapin. Elles ont par ailleurs pu être éparpillées par des animaux ? En hiver, la nuit tombe vite et ce dimanche, le froid était vif ; je n’avais qu’une petite veste : je n’ai pas eu chaud. Je suis resté jusqu’à minuit, puis l’inspecteur VAN ASSCHE est arrivé.
    Les gendarmes m’ont toujours bien auditionné calmement, je n’ai pas eu à m’en plaindre. Je ne dirai pas la même chose des journalistes parisiens qui me posaient des tas de questions me promettant parfois un repas au restaurant, dont je n’ai jamais vu la couleur !
    Une fois, un journaliste d’un grand quotidien me paie un coup au café tenu par M. LESAGE, puis m’interroge et me dit attendez-moi cinq minutes, je reviens vous chercher pour aller manger. J’attends encore !
    Je n’ai pas assisté à la reconstitution du crime néanmoins, j’ai du me rendre au procès afin de témoigner. Je suis certain que Robert AVRIL est l’assassin.


Autre témoignage de Guy HÉNOCQUE
J’ai témoigné au procès...

    Je me souviens bien du procès où j’étais appelé comme témoin. J’ai reçu ma convocation par les gendarmes de Picquigny. Pas question de se soustraire à moins d’avoir une raison grave de santé.
    Je fus convoqué au quatrième jour d’audience le mardi 6 mai 1958 en compagnie de plusieurs autres témoins dont le facteur Alfred GUILBERT, M. Roger FRANÇOIS, le garde barrière et un gendarme de Picquigny qui avait été révoqué car il avait contrôlé Robert AVRIL le jour du crime et l’avait laissé partir !
    Les témoins attendent leur tour dans un couloir du Palais de Justice mais ils ne peuvent communiquer entre eux. A un moment, la Cour arrive, les gendarmes rendent les honneurs. Il y a tout un cérémonial émouvant. Les témoins sont appelés chacun leur tour et peuvent rester dans la salle après.
    J’avoue que pour moi, ce fut une journée impressionnante que jamais je n’oublierai ! Mon patron m’avait autorisé à me rendre à l’audience mais d’ailleurs il n’aurait pu s’y opposer. Pour cette journée, je reçus une petite indemnité de repas et de perte de salaire.

    A un moment, un huissier m’appelle ; j’entre dans la salle et il crie : « Guy HÉNOCQUE ». J’ai beau être courageux, ça me fait quelque chose. Je vois Robert AVRIL. J’avance à la barre, je suis à quelques mètres de lui.
    Devant moi, au milieu, le président de rouge vêtu arbore ses médailles. Il ne me met pas à l’aise du tout. Je prête serment de dire la vérité, puis commence le jeu des questions : nom, prénom, âge, domicile et profession ! Je lui réponds : « Guy HÉNOCQUE, je suis né en 1933, j’ai 25 ans, je suis marié, j’habite Belloy sur Somme. »

    Ensuite il me demande ce que je faisais dans le bois d’Yzeux, quelle heure il était, si j’ai touché aux affaires, …
    L’entretien dure une quinzaine de minutes ; puis, il demande si quelqu’un a une question à me poser ? Comme personne ne se manifeste je vais m’asseoir dans la salle où je reste jusqu’à la fin de l’audience. Je regarde le Président, le juge, les avocats, c’est comme au cinéma. Ils sont impressionnants dans leurs habits d’apparat !