LE  V1  DE  LA  CHAUSSÉE - TIRANCOURT

Au début de l’année 1944, les cultivateurs de La Chaussée-Tirancourt et de Belloy furent obligés de faire des corvées pour les Allemands. C’est ainsi qu’ils durent transporter des matériaux divers et de l’eau puisée au marais communal, jusqu’à environ 200 mètres du bois de sapins situé le long de la route départementale 49, reliant La Chaussée-Tirancourt à Vignacourt. De là, d’après M. QUATRELIVRE, ancien cultivateur, un soldat Allemand conduisait l’attelage à destination tandis qu’un autre soldat surveillait l’agriculteur.

La population était tenue à l’écart et ne pouvait voir ce qui se bâtissait à l’intérieur du bois. Pour se rendre à Vignacourt, les gens devaient faire un détour par le chemin de Ligny et la Chaussée Brunehaut. Le bois était sous haute surveillance, malheur aux curieux!

Que se tramait-il à l’intérieur ?
« Les Allemands font des bases secrètes » entendait-on, mais dans quel but ? On ne tarda pas à le savoir. En juin 1944, quelques jours après le débarquement des troupes alliées en Normandie, des engins volants commencèrent à être lancés du site de La Chaussée-Tirancourt, en faisant un bruit sinistre.

Le V1 volait à une vitesse de 640 kilomètres à l’heure. Au début, il n’avait pas beaucoup de précision, il arrivait même que celui-ci retombe à quelques centaines de mètres de son lancement. Monsieur Quatrelivre se souvenait d’avoir vu un gros hêtre voler en éclats, près de la ferme de Saint-Accart à Belloy-sur-Somme.

Pour essayer de mettre un terme au conflit, et en représailles aux bombardements alliés sur l’Allemagne, Hitler avait décidé de lancer des bombes sur Londres, depuis la France. En allemand, V1 est l’abrégé de « Vergelungswaffe 1 » qui veut dire : « arme de représailles n°1 ». De nombreuses rampes de lancement de ces fusées qui allaient semer la mort et la désolation à distance, allaient être installées en France, du Cotentin, à la frontière Belge, et notamment à Vignacourt et à La Chaussée-Tirancourt. Toutes les rampes étaient situées à moins de 250 kilomètres de Londres, portée maximum de la fusée. Dans le bois, plusieurs ouvrages en béton, une fois terminés, furent complétés par des éléments métalliques venus d’Allemagne et montés à l’aide d’un portique de bois.

Le V1 de Vignacourt fut rapidement détruit, celui de La Chaussée-Tirancourt, malheureusement dut attendre la Libération, en septembre 1944, pour être hors d’état de nuire. La résistance locale avait pourtant fait connaître à Londres sa position, et des photos aériennes laissaient supposer que ce site renfermait une base de V1, hélas les aviateurs alliés loupaient toujours la cible. Des centaines de bombes furent lâchées au cours des raids effectués par les aviateurs alliés qui comptaient parmi eux des Français dont M. André ROSE habitant encore Amiens, en 2001.

Le dernier V1 fut lancé le 31 août 1944 en fin d'après-midi, quelques heures avant que le village de La Chaussée-Tirancourt ne soit libéré par les alliés. Avant de partir, les Allemands reçurent l'ordre, venu de Saleux, de dynamiter les installations.

Robert SAIZY, en compagnie de Mireille VANDEKERKHOVE
Photo Collection Robert SAIZY