LE  VIEUX  CIMETIÈRE
 

" Lieu de repos et d’éternité, de poésie et de recueillement, le petit enclos accordé jadis aux défunts de ce village a retrouvé une âme grâce à l’intelligence et à la sensibilité de son Maire.

Pour que le souvenir de ce lieu soit perpétué par delà notre temps et nos générations, André SEHET, très attaché au patrimoine hérité de ses pairs, a fait un long et remarquable travail de mémoire dont nous lui sommes redevables.

Que cet homme attentif soit profondément remercié pour tout le temps passé dans la patience et l’application, pour le regard bienveillant porté sur les épitaphes lapidaires et les stèles de pierre qui, année après année, subissent les injures du temps.

Que soient également remerciés ceux qui ont apporté avec cœur leur aide à André SEHET, je veux citer tout particulièrement Thierry FRANCOIS et Bruno COQUART. "

Bruno LEBEL

Conseiller Municipal
Sculpteur Grand Prix de Rome
Professeur honoraire aux Beaux Arts et à Polytechnique

 
Le vieux cimetière de la commune se trouve à mi-chemin entre Tirancourt et La Chaussée, il entoure la chapelle qui date de 1718. On y entre par deux portes : l’une à l’est vers Tirancourt et l’autre à l’ouest, vers La Chaussée, à côté de laquelle se trouve une pierre levée, énigmatique : s’agit-il d’un petit menhir ? d’une statue naïve ?
Le vieux cimetière à l’origine était un peu plus grand qu’il ne l’est actuellement car en 1988, la route départementale a été élargie. Plusieurs tombes ont malheureusement été détruites tandis que quelques autres furent fragilisées.
En mai 1988, à l’occasion des travaux d’élargissement de cette route, plusieurs tombes furent découvertes de l’autre côté de la route du vieux cimetière, dans le talus, laissant penser que l’emplacement du cimetière est fort ancien et qu’il était jadis très important.
Dans un rapport, datant du début de 1839, M. BOUTHORS écrivait : « Les Ducs de Chaulnes ont donné à la commune de La Chaussée-Tirancourt le cimetière qu’elle possède aujourd’hui ; On ignore en quel temps ce don fut fait et quelle en fut l’importance. Il n’existe aucun titre à ce sujet. »

L’affaire BOULANGER

Au XIXème siècle, un procès opposa la Commune de La Chaussée-Tirancourt à « Dame » Angélique LENOIR, veuve de Jean-Baptiste BOULANGER, cultivateur à Tirancourt, propriétaire de la pâture située au sud du cimetière. Le différend éclata au sujet du talus qui fait limite entre les deux propriétés, sur lequel poussait de l’herbe qui servait au pâturage des moutons qui avaient en outre la possibilité de passer entre ce rideau et le champ voisin appartenant autrefois au Duc de Chaulnes. Dans cette parcelle de terrain « non béni », étaient inhumés les noyés et les enfants morts avant le baptême. Tous les cimetières avaient jadis un endroit destiné à cet usage.
La Veuve BOULANGER était assistée de Maître BERNARD, huissier royal à Picquigny. L’« affaire » passa le 9 Avril 1839 devant Mr Jean-Baptiste LESOUEF, juge de Paix à Picquigny. Plusieurs témoins furent entendus dont Louis François BARBIER, chaufournier, âgé de 79 ans, bien que récusé étant cousin de la demanderesse, il fut néanmoins entendu. Le sieur Martin MOYE, manouvrier, âgé de 49 ans, après avoir prêté serment de dire la vérité, fut entendu ainsi que Pacifique CARON, rentier, âgé de 56 ans. Tous deux assurèrent que le talus était bien propriété communale.
Le sieur Adrien DEFLANDRE, ménager, âgé de 62 ans, signala qu’il y a 7 ans, en temps que trésorier de la fabrique de La Chaussée-Tirancourt, il fit procéder à la coupe des buissons poussant sur le talus du cimetière par Pierre CORNET qui avait déjà exécuté ce travail il y a 11 ans sur les ordres de Mr BEHEN, trésorier de la fabrique prédécesseur d’Adrien DEFLANDRE. Charles Joseph DEPOIX, charron, âgé de 49 ans, déclara sous serment qu’il avait coupé deux ormes dans le talus, sur ordre de la veuve Boulanger, il y a 10 ou 12 ans.

Dans le cimetière, il y a de nombreuses sépultures intéressantes.
Les plus anciennes datent du début du XIXème siècle, elles sont en pierre blanche et n’ont qu’un fronton se lequel sont inscrits les noms et prénoms des défunts, ainsi que les dates de décès.
• Tombe 17 : FERRAND : « Ici repose le corps de Paschal FERRAND, Instituteur et greffier de cette commune, décédé le 1er juillet 1840, à l ‘âge de 33 ans et 4mois »
• Tombe 69 :THUILLIER de MONTREFUGE, THUILLIER de BEAUFORT : Il fut le 1er Maire de La Chaussée-Tirancourt
Puis vinrent les tombes avec de jolies sculptures :
• Tombe 27 ; MERCIER –DUPUIS
• Tombe 36 : DEFLANDRE-LOGNON
• Tombe 37 : CARON –CAUCHY
• Tombe 44 : FOURNY-BOURGEOIS
• Tombe 65 : BOULANGER-JUMEL
• Tombe 103 : BELPERCHE-DUFOUR
• Tombe 104 :CARON LEDUCQ
• Tombe 111 : BARBIER-MAUGER
A la fin du XIXème siècle apparurent les tombes en granit noir de Belgique avec ou sans stèle :
Tombes N° : 5, 6, 9, 10, 11, 14, 15, 25, 26, 30, 35 (CAMBRONNE), 37, 39, 41,…
Au XXème siècle, les tombes se simplifièrent et furent faites en ciment : 2, 19, 20, 49, 61, 73,… ou en marbre : 12, 22, 28, 29, 47, 51,57, 63 etc…
Très souvent la sépulture est faite d’un entourage en briques ou en ciment, garni de petits cailloux à l’intérieur : 1, 16, 21, 40, 42, 50, 56 (Miss Janet MARSHALL) …
Parfois la sépulture est entourée d’une barre ou d’une chaîne : 3, 16, 23, 31, 32,…
De nombreuses croix en fer forgé se trouvent dans le vieux cimetière, il arrive que quelquefois, une plaque en cuivre soit attachée à la croix de fer pour indiquer le nom du défunt : 34 ( JACOB-VASSEUR),61 (DUPUIS), 86 (BEHEN : « Ici repose le corps de J.B. BEHEN, décédé le 7 juin 1829, âgé de 59 ans, Capitaine retraité des grenadiers du 23ème Régiment de ligne, Officier de la Légion d’Honneur. »)….
Sur les 135 tombes répertoriées, quelques-unes unes n’ont malheureusement pu être identifiées. La partie gazonnée du cimetière correspond à des sépultures anciennes où les défunts étaient enterrés dans la terre comme cela se pratiquait couramment autrefois.
Au fur et à mesure que les tombes en dur ont vu leur nombre augmenter, le cimetière se trouva trop petit.
Au lendemain de la première guerre mondiale, les habitants de La Chaussée-Tirancourt et le Conseil Municipal s’unirent afin d’ériger un monument à la gloire des soldats morts pour la France.
Le monument fut inauguré en 1923. Le Conseil Municipal profita pour acheter un morceau de terrain afin de faire un nouveau cimetière.
A partir de cette date, les inhumations eurent lieu dans le nouveau cimetière, seules les familles de vieille souche continuèrent à enterrer leurs défunts dans le vieux cimetière.
Dans le vieux cimetière sont enterrés les Maires et les élus de la commune du XIXème siècle, ainsi que plusieurs Maires du XXème siècle :
• THUILLIER de MONREFUGE, le premier Maire
• LOGNON Alphonse, maire de 1848 à 1870
• Léopold BOUCHER, maire de 1926 à 1940
• Arthur BRUNET, Président du Comité de guerre : 1940/1941
• Henry de FRANCQUEVILLE, maire de 1941 à 1944
• Narcisse CARON, maire de 1944 à 1953
• Pierre BONDOIS, maire de 1953 à 1965
De nombreux adjoints ou élus sont également enterrés : Mme Colette de FRANCQUEVILLE, Michel VIGNON , Paul SEHET, Emile VASSEUR, Georges DUCROTOY, Clovis MOYE , Eugène FOURQUER, Irénée FOUACHE, Bruno DUPUIS…
Plusieurs militaires sont inhumés dans le vieux cimetière :
• Jean-Baptiste BEHEN (Tombe 86), capitaine retraité des grenadiers, décédé le 7 juin 1829, âgé de 59 ans.
• Louis-Nicolas CAMBRONNE (Tombe 35), lieutenant au 10ème Régiment de Dragons d’Abbeville, neveu du célèbre général, décédé le 9 mai 1851.
• Arsène SEVIN ( Tombe 25), capitaine à la 14ème division d’Infanterie, tué à Glorieux, dans la Meuse, le 24/08/1917, il avait 37 ans.
• Robert WITASSE, adjudant-chef au 251 R.I (Tombe 91), tué à Virly dans l’Aisne, le 1O Novembre 1915. Il était titulaire de la Croix de guerre avec palmes.
• Léon DUMONT , soldat au 124 R.I, (Tombe 122), tué le 20 Mars 1917, à la ferme des Chambrettes à Rouzières dans la Meuse, il avait 21 ans !
• Charles GAVOIS tué le 30/11/1917, à Saint-Georges, dans la Flandre Belge, il était fusilier marin (tombe 30).
• Léonce BLONDEL, tué le 13 juillet 1915 au Bois Bolante, dans la Meuse, en Argonne. Il était soldat au 72ème R.I. . ( tombe 66 bis)
Quelques religieux reposent dans le cimetière :
• L’abbé BELLART (Tombe 1), 1843-1870
• Pierre-Fuscien FAUCHON (Tombe 126), curé de la paroisse pendant 58 ans, décédé le 2 janvier 1841 à 81 ans.
• Sœur HONORAT, institutrice de l’école des filles, décédée le 24/02/1891 à l’âge de 56 ans(Tombe 127).
• Zélima BELLEPERCHE (Tombe 103), novice aux Ursulines d’Amiens, décédée le 25/02/1868, à l’âge de 20 ans.
Il y a plusieurs tombes d’instituteurs :
• Raymond MARQUANT (Tombe 9), instituteur en retraite, décédé le 31 /01/1914.
• Paschal FERRAND (Tombe 17), instituteur et greffier de cette commune, décédé le 1er juillet 1840 âgé de 33 ans.
• Léopold BOUCHER (Tombe 38), décédé le 30/09/1953, instituteur honoraire.
• Pierre BISSON (Tombe 39) instituteur de La Chaussée pendant 37 ans, de 1846 à 1883.
• Janet MARSHALL (Tombe 56), décédée le 28 août 1955 âgée de 30 ans.
• Anthime DUPUIS (Tombe 61), décédé le 23/10/1900 à 50 ans.
Les gardes champêtres et les employés communaux :
• Pierre DUCROTOY (Tombe106),1906/1964, garde de 1947 à 1964.
• René DUCROTOY (Tombe 29), 1909/1982, garde de 1964 à 1974.
• Emilien BOUCHER (Tombe 107), 1895/1968, cantonnier communal.
• Emile LEROY (Tombe 87) garde en 1912 et 1913.
Les médaillés :
• Georges MAINCENT (Tombe 63) titulaire de la Légion d’Honneur.
• De FRANCQUEVILLE Henry (Tombe 68) titulaire de la Croix de Guerre et de la Légion d’Honneur
• Arsène SEVIN (Tombe 25), Croix de Guerre et Légion d’honneur.
• Jean-Baptiste BEHEN (Tombe 86), Chevalier de la Légion d’Honneur.
• Robert WITASSE (Tombe 91), Croix de Guerre avec palmes.
• Emile LEROY (Tombe 87), Médaille militaire, Croix de Guerre.
Les victimes civiles du 20 Mai 1940, « Morts pour la France » :
• Marthe CARON , épouse BONDOIS (Tombe 37)
• Palmyre CARON (Tombe 91)
• Marthe HORVILLE , épouse TOURNEUR (Tombe 107)
Tombes ayant un intérêt particulier :
• Tombe 23 : Gabrielle DOUAY, marchande de rouenneries.
• Tombe 49 : famille GUILLERAND, généreux donateurs pour les enfants de la commune.
• Tombe 78 : Famille WILBERT-SEVIN : deux lignes sont écrites en anglais.
• Tombe 81 : Eulalie LAURENT, née à la Nouvelle Orléans (Amérique) en 1820.
A l’entrée du cimetière, il y a une fontaine décorée aux armes de la ville d’Amiens, donnée par Monsieur BARNABE, alors adjoint au maire d’Amiens.(136)